Par Marc Suivre
Le cataclysme planétaire tant redouté s’est produit. La comète du populisme est entrée, en mugissant, dans l’atmosphère feutrée des spécialistes en « bien-des-peuples-contre-leur-grés », menaçant jusqu’à la survie même des dinosaures de la pensée européiste. Le plus drôle dans cette affaire, c’est que le malheur vient du loup que les Eurobéats avaient, bien imprudemment, laissé entrer dans la bergerie. Les Godons nous ont, une fois de plus, botté le cul et le moins que l’on puisse dire, c’est que le postérieur de nos gouvernants leur cuit rudement. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelle mouche a bien pu piquer des Anglais qui avaient tous les avantages de l’Europe, sans aucun inconvénient (ou presque) jusqu’à l’été 2015 et quelles perspectives voyons-nous émerger de ce joyeux bordel, comme seul l’aveuglement de nos zélites est capable d’en produire périodiquement ?
Les raisons du Brexit
En dehors des explications confondantes de mépris pour le Peuple (fût-il Britannique) et sa souveraineté que nous assènent en cœur depuis le 23 juin les Thénardier de la déconstruction européenne, comment en sommes-nous arrivés là ? Évacuons d’abord les explications ploutocratiques qui personnalisent les causes à outrance. Non, ce n’est pas aux seuls Boris Johnson
et Nigel Farage que le camp du Brexit doit sa victoire. Certes, ils ont usé de leurs talents oratoires et ont fait de la politique en présentant les choses à leur avantage, mais l’autre camp aussi. Si les Anglais ont décidé de partir c’est queBig Mother leur foutait une peur bleue et qu’ils ont préféré reprendre leur destin en main, plutôt que de le laisser entre celles de Madame Merkel.
Plus que Nigel ou Boris, c’est bien Angela et sa politique de migration irresponsable qui a achevé le peu de confiance que les Britanniques avaient encore dans le machin de Bruxelles. Depuis de longues années, ils confiaient à nos côtes le soin de parquer les « envahisseurs » que l’Europe n’avait pas été foutue de renvoyer chez eux. Rien d’étonnant, dans ces conditions, que la perspective de se voir imposer des quotas supplémentaires de Muezzins syriaco-mesopothamiens, réfugiés ou pas, les ait convaincus de claquer la porte. Le rêve européen vendu par Madame Merkel, depuis la désormais fameuse « crise des migrants » de l’été 2015, et ses accords douteux avec Erdogan le Magnifique n’est autre que celui d’un grand remplacement. Les Anglais qui ont résisté à Adolf, Napoléon, Philippe et tous les comiques désireux de les conquérir comme le premier Guillaume venu n’ont guère gouté la perspective de devoir prendre leur five o’clock tea, les genoux tournés en direction de La Mecque. L’Angleterre est une ile et entend bien le rester.
N’en déplaise aux autruches l’immigration a bien été au centre de la campagne référendaire. Dans un pays que des politiques courageux ont guéri du chômage, les migrations intraeuropéennes sont, certes, moins menaçantes en termes d’identité, mais tout aussi dévastatrices. Elles contribuent à rompre le libre jeu du marché. En effet, on ne peut pas se prétendre libéral et ne jouer ce jeu qu’à la baisse. Ce qui est rare est cher. Or, si l’on admet que le marché détermine les prix par la libre rencontre de l’offre et de la demande, il faut accepter en retour — lorsque les conditions du plein emploi sont réunies, par l’effet conjugué des réformes économiques et d’une faible démographie — que les salaires repartent à la hausse, du fait de la raréfaction de la main d’œuvre. Si le rêve européen consiste précisément à s’élargir encore plus à l’est, pour trouver une main-d’œuvre disponible toujours moins chère, il ne faut pas s’étonner que les Peuples de l’ouest ne partagent pas les « ambitions » intéressées de leurs zélites. Le moins-disant social, c’est toujours pour le prolo, jamais pour le cadre sup, l’intellectuel, le financier, l’artiste ou le haut fonctionnaire. Et comme les premiers sont nettement plus nombreux que les seconds, il ne faut pas s’étonner qu’ils votent contre un système qui les biaise (et je reste poli).
Le grand retour de la frontière
C’est indubitablement le grand enseignement de ce scrutin. La frontière est une protection. Les abaisser c’est se rendre vulnérable : vulnérable à l’invasion, vulnérable à la paupérisation. Comme l’a si bien exprimé Bernard Henri Lévy, le géostratège ultime : le Brexit c’est « La victoire du populisme, de la démagogie, de la xénophobie, des casseurs, des fachos, de Poutine ». On ne peut mieux résumer la frustration des zélites devant le lait britannique épandu. Tout le mépris de classe dont sont capables les intellectuels français se trouve rassemblé dans ce jugement lapidaire. Marie-Antoinette et sa brioche sont enfoncées, on ne peut pas faire plus caricatural : le départ des Anglais c’est la victoire de Poutine… magique !
C’est bien connu : lors d’un referendum, le Peuple ne répond jamais à la question qui lui est posée… par ses maîtres. C’est bien la tare de ce type de scrutin ! On demande aux Anglais s’ils veulent continuer dans le camp du bien avec BHL ou sortir de l’aventure européenne pour se diriger vers les noirs rivages de l’égoïsme insulaire et ils décident, contre toute attente, de planter l’histrion. Une chose est sûre, l’Europe n’est pas rassurante et les Anglais ont majoritairement décidé de s’en défier. Ils nous prouvent ainsi que la Nation reste le cadre indépassable dans lequel se pense la sécurité des individus. Les grands ensembles se montrent toujours moins enclins à protéger les plus humbles que le destin politique de ceux qui les dirigent n’en dépend pas directement. Quel commissaire a-t-il été élu à son poste ? Bref, la démocratie est le pire des régimes à l’exception de tous les autres, comme le disait Sir Winston. Les Anglais, fidèles à leur grand homme viennent de décider de quitter le côté obscur de la farce. Nous allons donc devoir nous réhabituer à subir des contrôles qui n’avaient jamais disparu, puisque nos amis d’outre-Manche avaient toujours refusé de participer aux accords de Schengen.
Quelles perspectives ?
Ce départ des Anglais est en effet très paradoxal. Non seulement ils n’ont jamais été qu’à moitié dans l’Europe, mais en plus ils avaient la perspective d’être encore moins contraints. Alors qu’elle avait tout obtenu des européistes : droit de regard sur la gouvernance de l’Euro, un traité de libre-échange avec les États-Unis, un rabais substantiel sur leur contribution, la perfide Albion s’en est allée. Que nos zélites aient été jusqu’à leur promettre les fesses de la crémière en plus du beurre et de l’argent du beurre en dit long sur ce qu’ils pensent de l’attractivité réelle de leur usine à gaz intégrée. Quand on les entend pérorer sur les avantages de l’Union, on croit écouter de nouveau le Premier secrétaire du PCUS, nous vanter les mérites de la patrie des travailleurs. Les dirigeants anglais avaient presque réussi le hold-up parfait, mais leur peuple en a décidé autrement… pour le plus grand bonheur des autres.
Car avec cette sortie précipitée, le Royaume est désormais plus désuni que jamais. Leurs zélites se ruent sur de prétendues racines irlandaises pour obtenir un passeport européen. L’Écosse voit dans l’Europe son viatique pour prendre une indépendance qui lui a toujours été refusé depuis le raccourcissement de Marie Stuart. L’Irlande du Nord, très dépendante des subventions agricoles, songe sérieusement à se réunifier à l’Eire qui, elle, voit tout le bénéfice qu’elle va pouvoir tirer d’être la dernière terre anglophone de l’EU.
Il n’y a du reste pas que l’Irlande qui doive se réjouir du retour de l’Angleterre vers le grand large. La France en profitera aussi grandement. L’Allemagne n’aura plus de roue de secours vers laquelle se tourner quand le partenaire « historique » se montre un peu trop (ou pas assez, c’est selon) entreprenant. Même amoindri par plus de 40 ans de socialisme, tantôt honteux, tantôt assumé, notre pays voit mécaniquement son poids croître du fait du départ britannique. L’Espagne va même peut-être y gagner son rocher tant convoité de Gibraltar. Il n’y aura guère que l’Italie pour regretter les sujets de Sa Majesté et les Grecs pour pleurer sur le renvoi aux calendes nationales du retour des frises de leur Panthéon. Les Etats-Unis ne s’y trompent, d’ailleurs, pas.
Le début de la fin de l’Europe passoire
Comme l’ont finement vu les tenants du politiquement correct, ce scrutin peut s’analyser comme un vote de repli identitaire et économique. Il marque, nous l’avons vu, le grand retour du fait national dans un univers de pensée qui s’évertuait jusqu’ici, à tout le moins, à nier son utilité. La Nation c’est la guerre proclamait le chœur bêlant des progressistes. Refuser l’altérité c’est se replier sur un quant-à-soi mortifère, j’en passe et des meilleures. Le toujours modéré Alain MINC a ainsi déclaré : « Ce référendum n’est pas la victoire des peuples sur les élites, mais des gens peu formés sur les gens éduqués ». Rien que ça ! Salauds de pauvres, on leur accorde le droit de vote et ils en profitent pour en abuser. Ah que la dictature de la majorité est tout d’un coup bien lourde à porter pour cette minorité bien née, habituée à diriger par la grâce de ses diplômes.
Il faut bien reconnaitre quela Nation étant le seul bien des pauvres, comme disait l’autre, il n’est pas très étonnant que ces derniers s’y accrochent. Surtout que malgré tous les efforts déployés par les fédéralistes, c’est encore dans un cadre national que s’effectuent les élections. La plaisanterie qui tient lieu de simulacre démocratique à Strasbourg ne trompe même pas un Zimbabwéen et ne peut, de ce fait, prétendre à une quelconque légitimité. L’Europe telle qu’elle s’est développée est une construction technocratique hors sol qui s’est donné pour mission d’harmoniser le continent, sur le dos des peuples, pour permettre la libre circulation des marchandises. Si le capitalisme est infiniment supérieur au socialisme en termes de progrès humain, il n’en reste pas moins un moyen et non une fin. La mondialisation a d’indéniables vertus émancipatrices en matière de développement. Elle ne peut cependant être acceptée que si elle améliore la condition des uns sans détériorer celle des autres. Au sein de l’Europe, l’alignement des conditions d’existences des ouvriers français sur celles de leurs homologues polonais — même si cette dernière est plus enviable que celle des Vénézuéliens — ne peut être une perspective acceptable politiquement.
Le paradoxe du Brexit réside dans le fait que c’est la nation la plus largement responsable de cette dérive mercantile de l’aventure européenne qui quitte en premier le navire. De Gaulle avait toujours refusé l’adhésion de la Grande-Bretagne, précisément parce qu’elle ne partageait pas, avec les fondateurs, l’objectif d’une union politique du vieux continent, l’économie n’étant qu’un moyen d’y parvenir. De concessions en compromis, d’élargissements en renoncements, nous n’avons cessé depuis, d’adopter un mode de fonctionnement anglo-saxon qui, combiné à l’arrogance administrative française et à l’entêtement allemand, a produit la catastrophe que nous appelons UE. Cette Union qui débat sans fin du diamètre des concombres, tout en laissant des hordes de migrants venir jusque dans nos bras,prétendre « qu’Allah sauve la Reine », vaut-elle vraiment qu’on la pleure ?
Après tout ce gâchis, il reste donc à nos politiciens à remettre l’ouvrage sur le métier. Une chose est sûre : si elle reste dans cette impasse et continue à se construire contre les peuples, il n’y aura plus d’Europe dans 10 ans. L’Europe doit s’intéresser au bien-être de ses citoyens, unir ses moyens pour les faire progresser et les protéger. Contrairement à ce que croit l’ineffable Harlem Désir, ce n’est pas plus de programmes Erasmus qui fera aimer l’Europe. Elle doit être ce que l’on nous avait vendu avec Maastricht : l’instrument de la préférence communautaire et non celui de seul parangon du libre échange dans un monde dominé par l’intérêt national de nos partenaires et concurrents. Seuls, nous sommes trop petits pour rivaliser avec les États-Unis, la Chine ou les nouveaux émergents. Rassemblés, nous avons la taille critique pour être de nouveaux égoïstes, comme les autres n’ont jamais cessé de l’être à notre endroit.
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