Par Lucien SA Oulahbib
Qu'il s'agisse de l'Europe, du processus de travail, de la vie sociale et politique, il est patent de constater que la pratique des élites reste paternaliste voire en accentue le procédé tout en énonçant le contraire, voilà un des traits de nos démocratures d'aujourd'hui.Ainsi, au-delà de la droite de la gauche et de leurs sinistres extrêmes (le fascisme comme réaction au léninisme/trotskisme remarquait Romain Rolland avant de soutenir Staline contre Hilter) ce paternalisme consiste moins à défendre cette idée de bon sens stipulant que les choses du monde étant "complexes" il s'agirait d'en analyser le plus possible tous les aspects que de surtout déconsidérer, d'emblée, le jugement forcément biaisé des peuples ; ils seront en effet jugés bien peu capables de jugement (y compris, surtout en "entreprise" puisque "dominés" par leurs "préjugés". Exit la CFDT. Et quelques nervis de cette démocrature en marche iront le lui rappeler en cassant son hall. Même la CGT subit le même sort (ou alors s'auto-mutile pour détourner les soupçons?…).
Ce qui diffère cependant d'auparavant (hormis la "casse") c'est que naguère cette
infantilisation était annoncée sans ambages : les gens (les actuels "sans dents") sont des grands enfants incultes élevés à l'ombre de la vraie connaissance ; ainsi la césure séculaire entre barbarie/civilisation, obscurantisme/lumière, réaction/progrès en était l'illustration, le premier terme incarnant le peuple (des "gueux" aux bourgeois) le second l'élite (de robe et d'épée aujourd'hui d'État et de Médias) ; alors qu'aujourd'hui il sera toujours énoncé, hypocritement (la main sur le coeur) que toute la souveraineté viendrait du "Peuple", avec grand P et trémolos égalitaristes (voire "anti-élite"!) mais qu'il faut songer à "éduquer" (lavage de cerveau) comme il faut (nous sommes des poulets aux hormones depuis longtemps lavés à l'eau de Javel France Inter, Cult/ture France Info de plus en plus en grève, sans parler des FIAC et autres officines de bourrage de crâne) jusqu'au paradoxe de la suppression en France des classes bilangues, et des bourses au mérite pour les familles dites "favorisées" puisque cela se fera au nom du "bien" : les langues deviennent des règlements pour les spectacles no borders ; tout juste de quoi faire un petit tour et puis s'en vont pisser dans les "fans zones" mondiaux, nouveaux zoo pour terminaux humains.
Sauf que l'on empêchera, dans le même mouvement, ou pratiquement, que ce peuple ainsi zombifié tant vénéré dans les livres et les cérémonies aux morts soit réellement souverain, surtout quand il vote "mal" ; nos élites s'efforcent en effet et le plus vite possible d'effacer cette tâche sur la nappe quelques mois plus tard ; ce qui fait que nous ne sommes pas du tout encore à l'abri de surprises diverses et variées y compris au Royaume dit "Uni" comme ce le fut naguère en France en Irlande et aux Pays-Bas où un vote négatif sur un traité européen se transforma par magie politique au sens strict en vote positif…(le référendum doit être en effet ratifié par le Parlement, souverain, au Royaume "Uni"…)
Ce paradoxe, de plus en plus transparent, entre des propos pseudo-émancipateurs et leur réalité pratique, sera nommé ici l'infantilisation des esprits européens. Nous vivons donc et de plus en plus dans ce qu'il faut bien désormais appelée une "démocrature".
Cette notion est à prendre désormais sérieusement en ce sens déjà où elle ne peut plus être cantonnée à certains pays comme la Hongrie, la Russie, voire la Turquie, le Venezuela, l'Algérie, l'Egypte. On parlera alors de démocratures insidieuses et explicites pour signifier les différences entre-elles (la Chine y étant exclue puisqu'elle reste une dictature pure et simple) ; ainsi des journalistes et des intellectuels peuvent être explicitement emprisonnés dans certains pays tandis que dans d'autres comme en France ils seront placardisés ou affublés de l'étiquette infamante d'extrême droite ou de sioniste.
La démocrature exprime l'idée que désormais des dits "savants" sont au pouvoir possédant le savoir vrai. Basée sur des analyses psycho-sociologiques pourtant erronées, dépassées, n'ayant en fait seulement remplacées, par un dispositif plus pompeux (bardés de formules ésotériques) les vieilles spéculations stipulant que tous les individus ne seraient que le "produit" de leurs milieux à l'instar d'une cire modelable à l'infini ou d'une éponge infiniment absorbante, la "démocrature" est reconnaissable lorsqu'elle stipule que le peuple, ne peut, par essence, être souverain en réalité alors qu'il l'est bien sûr sur le papier : voyez la peine de mort, l'ascension d'Hitler, le non à l'U.E etc. D'où la nécessité de garder le pouvoir, de fusionner le cas échéant des groupes aux idéologies contradictoires du moins en apparence. Sauf que cette thèse est non seulement erronée, mais nocive.
Elle est erronée tout simplement parce que Errare humanum est : les élites qui ont soutenu les doctrines explicitement totalitaires pour le "bien" des peuples sont pléthores et continuent à l'être ; personne pourtant n'exige de limiter institutionnellement le pouvoir des élites comme elles le font pour le peuple alors qu'il serait bon de le faire ne serait-ce qu'en rendant réellement indépendantes les universités, en permettant réellement aux conseils d'administration des écoles publiques et privées de recruter les personnes de leurs choix, en permettant réellement à la Cour des Comptes de poursuivre les administrations déficitaires sans que le rendu en service public en soit la cause (EDF, SNCF…) en permettant réellement à un réel service public de l'information d'être réellement pluriel, etc., etc….
Cette démocrature est nocive parce qu'elle prétend agir au nom de notre bien alors qu'elle le fait au nom du sien posé comme étant celui du monde connu et inconnu ; or, le citoyen ne peut être réduit à n'être qu'un être humain parmi d'autres plus chanceux s'il vit en Occident, plus malheureux aussi puisque les belles pleureuses viennent le culpabiliser pour lui dire que sa puissance provient de la faiblesse qu'il a imposée aux autres.
Cette nocivité s'accroît parce qu'elle empêche nos sociétés de sécréter les anti-corps naturels permettant de compenser les écarts de situation par la solidarité spontanée des groupes comme les fondations le font dans les pays anglo-saxons ; car si sur le papier les "inégalités s'accroissent" surtout parce que la mondialisation des circuits financiers a accéléré artificiellement le montant de certaines fortunes, il n'empêche que la misère mondiale a chuté pratiquement de moitié, que le pouvoir d'achat augmente, que l'espérance de vie s'accroît, même si elle peut stagner par moments en particulier dans les pays comme la France où l'infantilisation s'accélère...
Aussi convient-il mieux de donner réellement à la société les moyens de se développer par elle-même, tout en veillant à ce que cela se fasse dans l'équité, au lieu de faire croire qu'il faudrait accroître plutôt sur nous la mainmise étatiste pour atteindre "le meilleur des mondes", celui que la démocrature crée aujourd'hui sous nos yeux avec le consentement de notre servitude volontaire.
Le 30/6/2016
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