Par Iris Canderson on 2/6/2015
Lu sur le site de l'auteur, Benoît
Rittaud :
" J’aurais sûrement mieux fait
d’attendre 2016 pour publier La Peur
exponentielle, parce que quand la COP21 sera terminée (et donc
l’échec acté du nouvel ultime rendez-vous pour sauver la planète), la pression
sur les médias sera sans doute moins forte. Le courrier que j’ai reçu ce
matin me laisse penser que, en attendant ce n’est pas du tout
le moment de se montrer mal-pensant sur le climat, fût-ce en passant.
Alors que je devais être prochainement
l’invité d’une émission en direct à la radio pour parler de mon dernier livre (La Peur
exponentielle, donc), j’ai reçu ce matin un courrier m’indiquant
que l’émission était annulée. Ne me demandez pas de vous dire le nom de
l’émission en question, ni la radio concernée, car mon intention n’est pas de
désigner quelqu’un à la vindicte publique mais seulement de lever un petit coin
du voile sur ce qui se passe en arrière-cour de certains grands médias. La
seule chose que je crois utile d’indiquer est qu’il s’agissait d’une radio de
Radio France. Ce point est significatif pour deux raisons :
- Radio France a explicitement
affiché son désir
d’aider la communication gouvernementale des prochains moisde participer activement à la réussite de la conférence Paris Climat de décembre ; - mes positions
climatosceptiques m’ont déjà, par le passé, valu l’annulation de
deux interviews, sur deux radios différentes de Radio France (là, ce
sera la troisième).
Voici donc le courrier que j’ai reçu ce
matin :
Bonjour,
Nous venons de terminer la lecture de
votre livre, très intéressant, sauf que nous ne
pouvons pas, sur une heure
d’émission, ne donner la parole qu’à un climato-sceptique. Nous ne sommes pas
une émission de débat et pensions que le sujet était purement mathématique et
philosophique.
En conséquence nous sommes désolés de
devoir annuler cette émission.
Merci pour votre compréhension,Cordialement,
L’équipe *****.
Ma volonté de préserver leur
anonymat m’empêche de démontrer ici que, en réalité, certains des thèmes
récents qu’ils ont abordés étaient largement de nature à faire débat.
Contentons-nous donc d’observer la tournure de ce passage : « nous ne
pouvons pas, sur une heure d’émission, ne donner la parole qu’à un
climato-sceptique« . Difficile de ne pas y voir
l’affichage d’une interdiction de me laisser m’exprimer pour cause d’opinion
non-conforme en général. Selon les propres termes de mon
interlocuteur (et j’imagine que, vu les circonstances, il les a bien
pesés) ce pas mon livre qui pose problème, mais ma personne.
Il est inexcusable pour ces journalistes de Radio France que je sois
climatosceptique, même si j’écris par ailleurs un livre considéré
comme « très intéressant« .
Toujours confiant en la nature humaine
et à la possibilité offerte à chacun de s’amender loyalement, j’ai répondu ceci
:
Bonjour,
Si je suis certes surpris que le climatoscepticisme
s’apparente pour vous à un sorte de délit, je suis plus étonné encore que vous
en fassiez un motif d’annulation. En effet, ayant lu l’ouvrage qui m’a valu
votre invitation, vous savez que le climat est loin d’en être le sujet
principal. (Je n’ai pas compté, mais en gros le climat doit occuper
l’équivalent d’une vingtaine de pages sur quatre cents. D’ailleurs, sur les
cinq conférences que j’ai déjà données sur le sujet de ce livre, pas une seule
n’a évoqué le climat.) Nous n’aurons donc aucun mal à trouver une façon de
parler de mon « très intéressant » livre (selon vos propres termes)
qui évite la question climatique si vous le souhaitez. Nous pouvons, entre
autres possibilités, évoquer l’histoire des grains sur l’échiquier et son
interprétation au fil des âges, la question démographique depuis les exégètes
des XVIIè et XVIIIè siècles, la notion de surfini comme alternative
intellectuelle à celle d’infini, la dialectique du temps circulaire et du temps
cyclique et les mathématiques qui leur sont liées (notamment en Inde
médiévale)… Voilà bien de la philosophie, voilà bien des mathématiques, le tout
sans référence aucune au climat.Je n’ose imaginer que la raison profonde de votre désinvitation serait mon inscription sur quelque « liste noire », c’est-à-dire que mes prises de position sur le climat me frapperaient pour vous du sceau de l’infamie quel que soit le sujet. Je veux croire au contraire que vous savez faire la part des choses entre les opinions diverses que peut exprimer un auteur, et qu’il n’est pas nécessaire d’être en accord total ou même partiel avec ce qu’il dit pour lui reconnaître un intérêt dans le débat public.
Avec respect et cordialité, je me permets donc de vous demander de reconsidérer votre position. Si vous le faites, j’estimerai que l’incident ne s’est jamais produit et ne vous tiendrai pas rigueur de votre hésitation.
Dans l’attente de votre réponse, bien cordialement,
Benoît Rittaud.
Le responsable de l’émission a alors
pris la plume pour me répondre ceci :
Cher monsieur,
Je vous remercie d’avoir pris le temps
de me répondre, vous n’êtes pas sur une ‘liste noire’ et je ne considère
évidemment pas vos prises de position comme un délit.. En revanche ces
prises de positions, climato-sceptiques donc, transparaissent très clairement
dans cet ouvrage ,même sans mentionner spécifiquement le climat et je ne me
sens pas de vous recevoir, en unique invité, sans aucun avis contradictoire
dans cette émission en direct sur ******.
Sachez que [je m’en désole],Très cordialement,
*********
On admirera la qualité de
l’argumentation : non non, vous n’êtes pas sur liste noire (qu’allez-vous
penser !), c’est juste que votre livre a quelques morceaux de mal-pensance et
que « je ne le sens pas« .
J’avoue que l’épisode ne me rassure pas
sur l’état de la liberté de la presse ".
Benoît Rittaud
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