« Cent dieux sont impuissants contre un seul Jupiter »
La Fontaine fable X du Livre XII L’écrevisse et sa fille
Comme pour Thomas Pesquet, le retour sur Terre d’Emmanuel Micron se fait dans la douleur. Finit l’ivresse de la douce apesanteur, dans laquelle baignait notre Président poupin depuis son élection, pourtant pas si triomphale, du 6 mai dernier. Afin de donner le change, le voilà qui se pousse du col et se donne des allures de Dieu. Et pas n’importe lequel : Jupiter, rien de moins. Cependant, choisir une référence à la mythologie romaine n’est pas sans risque quand on porte le nom du premier traitre de l’histoire impériale. La Roche Tarpéienne est toujours proche du Capitole comme le disaient les Tribuns.
Jupiter Chrysostome
Tout auréolé de sa victoire sur l’Hydre de l’Erne : la bête immonde au ventre aussi fécond que l’inventivité d’un Inspecteur des Finances en matière de création de nouvelles taxes, notre nouveau Dieu s’est choisi Jupiter pour symboliser son ambition. Las, les choses ne sont jamais aussi simples qu’on les rêve ; les chemins de roses et les fleuves de miel peuvent soudain se transformer en ronciers et autres torrents de vinaigre.
Il faut dire que Jupiter n’est pas seul dans le Panthéon céleste. D’autres d
ivinités interagissent avec son Auguste Majesté et elles ne sont pas toutes, tant s’en faut, subjuguées par sa plastique avantageuse et sa légende dorée sur tranche.
Tout avait pourtant bien commencé. Sa jeunesse et son profil grec, lui avaient valu les louanges des conteurs mystiques, ces lointains descendants d’Homère appelés aujourd’hui journalistes. Les histrions ne tarissaient pas d’éloges sur leur nouveau héros, appelé à remplacer l’Odin méridional que s’étaient donné nos cousins d’outre-Atlantide, il y a de cela 8 ans. Il faut dire que la comparaison avec l’immonde Loki qui lui a succédé était des plus flatteuses, pour notre jeune Dieu. Même le boulet œdipien qu’il se traîne à longueur de sommets internationaux paraissait ne pas lui peser. Comme si Junon/Rhéa s’effaçait devant la toute puissance et l’admiration qui irradiaient de la personne de son époux divin. Sur la scène internationale on ne voyait que lui, reléguant les Bouddhas, Vishnou, Thor et autre Shinto au rang de divinités subalternes. Il pouvait tout dire (et surtout les pires conneries), tout glissait sur lui comme l’eau sur les plumes d’un canard. A l’instar de Midas, tout ce qu’il touchait se transformait en or … jusqu’à ce qu’il rencontre le principe de réalité.
Jupiter à terre
Et ce principe prit, justement, les traits peu avenants d’Herfioture, la bien nommée Valkyrie « qui paralyse le guerrier ». Sa voisine de l’est lui rappela aimablement, mais fermement qu’il convenait de respecter les critères du traité d’Épidaure, instaurant le sesterce unique que Saturne (Chronos) avait, en son temps, bien imprudemment signé. Après les lendemains qui chantent, le temps des matins chagrins arrivait. C’est ainsi qu’Hermès, son ministre en charge de l’ager publicus (57 % du Produit Divin Brut, tout de même !) a commencé les manœuvres en vue de rogner sur les belles promesses qui n’engagent (comme chacun le sait) que ceux qui écoutent trop avidement la Pythie. Notons que le « brave » homme est polyglotte et communie, aussi bien, dans le culte que dans la culture des rudes Valkyries. Culture qui, comme chacun le sait, est faite de rigueur et d’ascètisme budgétaire. Flanqué de son acolyte en charge du fiscus publicus : Judas de Tourcoing, il fait régner la terreur dans l’Olympe et martyrise budgétairement les Dieux et demi-dieux qui le compose. Issu du même ichor dont on fait les Titans de Bercy, Jupiter ne pouvait que céder aux chants langoureux sirènes des Finances. De la lumière des trompettes de la gloire, il passa ainsi aux ombres des cymbales du renoncement. Si bien qu’en campant la toute-puissance, le père des Dieux organisait en réalité son impuissance et bientôt son ridicule. Timeo Danaos et dona ferentes (Je crains les grecs et les présents qu’ils font), et sa presse homérique chérie se fit soudain l’écho des sombres protestations de Vulcain.
Jupiter minus
Le fabriquant des foudres de Jupiter se trouvait, en effet, fort marri par ses annonces de coupes budgétaires. Lui qui pensait avoir obtenu de son divin patron des assurances, si ce n’est de joyeuses libations à venir, du moins de jours plus fastes se sentit d’un coup cocu (ce qui est une habitude très vulcanienne). C’est que les besoins en fulgurances célestes sont, hélas légion (si l’on peut dire). Au sud de la Mare Nostrum, Oum (Astarté, pas le dauphin), Moloch et les autres dieux sanguinaires s’agitent furieusement. Les temps où le paisible Mithra faisait régner la Justice dans le croissant fertile sont bien loin. Il est temps de réagir vigoureusement et les prétoriens avaient cru pouvoir compter sur Jupiter après les Valls hésitations de l’ère Bacchus, pour ce faire. Il faut dire que l’heure est grave, même les adeptes de Râ se mettent à venir jusque dans nos bras égorger nos fils et nos compagnes.
Ce n’est donc pas vraiment le moment de venir paraitre compter ses éclairs, comme un vulgaire pâtissier.
Le courroux du Dieu forgeron fut donc à la hauteur de sa réputation et c’est en des termes fleuris qu’il exprima son ire, devant une commission de quarts de dieux de l’Assemblée nationale. Pour privée qu’elle fût, la charge n’en portât pas moins car la Presse moins servile qu’à l’accoutumée s’en emparât. La fureur de Jupiter fut à la mesure de son désarroi, prît qu’il fût en flagrant délit de mensonge. Crucifiant le valeureux soldat sur la via Apia, il s’en fut, le 14 juillet, paradant comme un coq devant les soutiers de Vulcain, au plus grand amusement de Loki et Vénus qu’il avait conviés à venir admirer sa gloire et à qui il donnait maintenant, le spectacle de son ridicule. Au final, ne trouvant pas de général pour remplacer Vulcain, Jupiter se rabattit sur un centurion d’appareil, tout juste fait primipile.
Casser le thermomètre ne diminue pas la fièvre. Nos armées ne peuvent pas être les variables d’ajustement des réformes que l’énarchie ne veut pas entreprendre. On n’envoie pas des hommes au combat, en leur comptant chichement les moyens de le mener à son terme. Point n’est besoin de paraitre sanctifier les lanceurs d’alertes pour exécuter un chef militaire, dont le seul souci est celui de la sécurité de ses hommes. En agissant ainsi, Jupiter s’est déconsidéré auprès des troupes. Et lorsque Macron perd le soutien des prétoriens, la chute n’est plus qu’une question de temps. La gestion prudentielle des privilèges de la Nobilitas ne peut se faire au détriment de la sécurité du Populus. Le fiscus publicus doit donner aux Légions le pouvoir de faire triompher leurs Aigles. À défaut, Jupiter redeviendra Préfet et finira probablement comme Quintus Naevius Cordus Sutorius Macro, son célèbre homonyme de la fin du règne de Tibère. Et nous, nous hériterons de Caligula…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire