Texte d’opinion de Patrick Coquart publié le 12 février 2015 sur 24hGold.
Après l’Espagne, l’Institut de l’Entreprise s’est penché sur le cas de l’Irlande[1], souvent considéré comme « la success story des exercices de consolidation budgétaire entrepris dans le prolongement de la crise financière de 2008. »
Revenons en arrière quelques instants. Dans les années 1990, la réussite de l’Irlande était éclatante. À tel point que le pays fut qualifié de « Tigre celtique ». Il y avait de quoi avec une croissance annuelle moyenne de 7,5 % dans la décennie 90 et de 5,1 % entre 2001 et 2007. Ce succès a été rendu possible par une « forte ouverture internationale », « une réelle attractivité fiscale pour les entreprises et d’une façon générale un très bon climat des affaires que symbolise le taux d’imposition des sociétés de 12,5 %, et enfin la qualité de la main d’œuvre irlandaise et de son cadre institutionnel. » Nathanael Mason-Schuler, auteur du rapport, précise que « la hausse du PIB par habitant y a été très importante, l’Irlande dépasse la France à compter de 1997. »
Cela dit, dès la fin des années 1990, l’économie irlandaise connaît des faiblesses, comme par exemple :
- la dégradation de sa compétitivité, avec l’augmentation des coûts salariaux ;
- l’existence d’une bulle immobilière et l’explosion des crédits entraînant l’hypertrophie du système bancaire ; - la croissance des dépenses publiques, plus importante que celle du PIB.
Dès 2007, l’Irlande plonge dans la crise avec l’éclatement de la bulle domestique et « une récession économique importante marquée par une contraction cumulée du PIB nominal de près de 20 % de 2008 à 2010. » La crise financière mondiale viendra accentuer cette crise initialement irlandaise.
Dès 2008, le gouvernement tente de la juguler. Mais « vu le volume du besoin de financement irlandais et les difficultés d’accès au financement de marché, l’Irlande doit se résoudre, à compter de l’automne 2010, à solliciter une assistance internationale massive ». Au total, l’assistance financière sera de 85 milliards d’euros.
Le programme mis au point par l’Irlande et la Troïka (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) a trois volets :
- un volet financier, avec la recapitalisation des établissements bancaires et la création d’un fonds de réserve ;
- un volet budgétaire, avec la réduction du déficit public à moins de 3 % ;
- un volet économique, avec des réformes structurelles, en particulier du marché du travail.
- un volet budgétaire, avec la réduction du déficit public à moins de 3 % ;
- un volet économique, avec des réformes structurelles, en particulier du marché du travail.
C’est ainsi, qu’entre 2010 et 2013, les dépenses de l’État irlandais ont été réduites de près de 10 % en valeur, soit de presque 6 milliards d’euros. Comme l’indique le rapport de l’Institut de l’Entreprise, cela a supposé « d’inverser considérablement l’évolution récente des dépenses publiques irlandaises qui progressaient depuis le milieu des années 1990 de 10 % par an moyenne. »
Les dépenses des collectivités locales ont, elles aussi, été réduites. Notamment, le nombre de collectivités a baissé d’environ deux tiers, et le nombre d’élus locaux a chuté de 1 627 à 949. Les prestations sociales ont connu des baisses ciblées en même temps que des réformes structurelles étaient menées.
Parallèlement, les prélèvements obligatoires ont augmenté (TVA, élargissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu, création d’une taxe sur les propriétés, etc.), mais le taux d’impôt sur les sociétés a été maintenu à 12,5 % malgré la pression de certains pays (dont probablement la France).
Toutes ces mesures, détaillées par l’Institut de l’Entreprise, ont abouti à la sortie officielle de l’Irlande du programme d’assistance financière internationale le 15 décembre 2013, trois ans après son lancement. Dès 2011, le pays renouait avec la croissance. Les dernières prévisions tablaient sur une croissance de 3 % en 2014. Le chômage a baissé de trois points depuis 2012, passant de 15,1 % à 11,8 % (rappelons qu’il était de 4,5 % en 2007).
Pour autant, l’activité économique irlandaise « est encore nettement inférieure à son niveau d’avant crise » et l’Irlande reste fragile. Sa dette publique est encore supérieure à 120 % du PIB. Les premiers remboursements de la dette contractée auprès de la Troïka n’interviendront pas avant 2017.
Ce qui me semble remarquable dans le cas irlandais – et qui pourrait inspirer la France – tient en quatre points.
Premier point, bien que le pays ait connu de nombreuses vicissitudes politiques – voire des crises – depuis 2007, les partis au gouvernement se sont entendus « sur la nécessité d’une thérapie de choc et d’un sursaut national ». Il faut bien reconnaître que l’on en n’est pas encore là en France. Il n’y a même pas de consensus sur la situation du pays.
Deuxième point, le gouvernement irlandais s’est appuyé sur les partenaires sociaux. En particulier, il a signé deux grands accords « avec les multiples syndicats de la fonction publique et des représentants de la police et de l’armée, visant notamment à faire accepter les mesures drastiques de baisse de la masse salariale. » Là encore, le fossé avec la France est béant. Chez nous, la plupart des syndicats préfèrent descendre dans la rue plutôt que de discuter.
Troisième point, les réformes irlandaises ont été drastiques pour la sphère publique mais n’ont pas empêché le retour de la croissance. Et cela est dû au fait que l’Irlande s’est appuyée, pour son redressement, sur les entreprises et sur la mondialisation. Le taux d’impôt sur les sociétés a été maintenu à 12,5 % ; l’ouverture de l’économie à l’international n’a pas été remise en cause.
Quatrième et dernier point, la bête et méchante logique de rabot n’a pas été appliquée. Au contraire, les réformes menées par le gouvernement irlandais ont été mûrement réfléchies, et initiées avant l’arrivée de la Troïka.
Les Irlandais ont dû faire de gros sacrifices. Le ministre des Finances, Michael Noonan, a décrit la crise comme « la pire depuis la Grande famine de la pomme de terre au XIXème siècle » et a rendu hommage à ses compatriotes, « les vrais héroïnes et héros » du redressement. Mais au moins les Irlandais, contrairement aux Français, savent-ils pourquoi ils ont fait ces sacrifices.
Patrick Coquart est associé dans un cabinet de conseil en management.
L'exemple irlandais montre que l'on peut passer très vite d'une spirale du déclin vers une spirale vertueuse du redressement. Il suffit d'un consensus sur le diagnostic et les remèdes. Ce genre de consensus est malheureusement hors de portée chez nous où il est impossible de débattre rationnellement d'un problème important (économie, immigration, identité, éducation, santé, retraites...). L'Etat impose alors ses vues idéologiques.
RépondreSupprimerLa rationnalité n'est pas enseignée à l'ENA !
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