Nos amis suisses de l'Institut libéral ont récemment publié un livre concis et néanmoins très instructif : « L'impôt sur les successions : une fausse bonne idée ».
Dirigé par Pierre Bessard et Victoria Curzon-Price (présidente entre 2004 et 2006 de la très select Société du Mont-Pélerin), cet ouvrage collectif intervient dans un contexte particulier en Suisse : l’idée, agitée par la plupart des forces politiques et même les églises, qu’il faut
établir un même impôt sur les successions au niveau fédéral, au lieu d’une concurrence fiscale entre les cantons comme elle existe aujourd’hui (et qui profite naturellement aux cantons les plus respectueux de l’argent des citoyens).
Cet ouvrage est écrit par des Suisses, pour les Suisses. Outre-Jura, il est encore possible de faire pencher le débat en faveur du respect de l’héritage, alors qu’en France, cet impôt existe déjà. Il est toutefois intéressant de voir réunis en une petite centaine de pages les principaux arguments qui plaident contre l’imposition des successions. L’intérêt de cet ouvrage est qu’il en conteste le principe aussi bien sur des fondements éthiques quepratiques. L’imposition des successions est une mauvaise idée non seulement parce qu’elle est inefficace, mais aussi et surtout parce qu’elle est injuste.
Quand il n’était encore que candidat à l’élection présidentielle, en 2006, Nicolas Sarkozy avait proposé la suppression des droits de succession. Son argument, déjà énoncé lorsqu’il était ministre de l’Économie et des Finances en 2004, était que « quand on a travaillé toute sa vie, on a le droit de donner à ses enfants le produit de son labeur ».
Si cette idée n’a pas trouvé de transcription légale, elle est toujours d’actualité. Comme l’exprime Pierre Bessard dans le prologue de l’ouvrage (pages 11 à 27), l’imposition du revenu d’un défunt, qui a déjà été imposé à plusieurs reprises au cours de sa vie, est « questionnable tant d’un point de vue moral qu’économique ». Pourquoi, en effet, un héritage devrait-il être taxé sous prétexte qu’il change de mains ? C’est contrevenir à la liberté de tester que d’imposer les successions, puisque le patrimoine ou les revenus transmis avaient été accumulés durant la vie du testateur à cet effet.
Pour fonder sa contestation de l’imposition des successions, Pierre Bessard a fait intervenir un prêtre, Peter Ruch, un pasteur évangélique, culture protestante de la Suisse oblige. Des pages 83 à 103, il s’appuie sur les Évangiles pour réfuter l’idée que l’imposition des successions se justifierait d’un point de vue théologique, dans un contexte où les Églises, catholique et protestantes, sont majoritairement favorables à cet impôt pour des motifs de « justice ».
En réalité, comme le démontre Victoria Curzon-Price dans son épilogue, « La poule aux œufs d’or » (pp. 107-110), l’argument de la « justice » est un alibi moral commode pour cacher l’appétit de ressources fiscales des États, mis à mal depuis 2007 par les crises en cascade : subprime, dettes souveraines, euro… même la Confédération, relativement bien gérée par rapport à ses voisins, est concernée. Plutôt que de limiter ses dépenses ou de réformer ses systèmes sociaux aux déficits croissants, Berne entend imiter des exemples proches. Les héritages sont en effet des mannes faciles à exploiter : les morts ne font pas grève.
Un ouvrage à faire connaître en Suisse pour éviter la fédéralisation de l’imposition des successions, mais aussi en France pour que la promesse de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 devienne enfin réalité.
Vous pouvez vous procurer le livre en ligne sur le site de l’Institut.
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