Éric Zemmour dit qu'il n'est pas libéral et trouve
pertinent l'analyse marxiste des origines du profit. En fait,
observons en premier lieu qu'il caricature lui aussi —au même titre que les
socialistes, les conservateurs, et les nationalistes, bref, les étatistes de
droite et de gauche — le libéralisme ; il y voit comme eux l'absence de règles,
ou leur déviation par la puissance, la relativisation des normes, coutumes,
traditions, justice, frontières… sauf que le libéralisme,
même rebaptisé "néo" ce n'est pas cela, et celui supposé de Bruxelles
est bien plus techno étatiste (et postmoderne dans les moeurs) que libéral,
n'en déplaise d'ailleurs à MM Filoche et Mélenchon qui n'ont eu de cesse de
profiter de la mort de Margaret Thatcher pour par exemple dénoncer la
privatisation des chemins de fer anglais alors qu'en 1980 ces derniers
n'avaient pas vu un investissement depuis trente ans ; d'où d'ailleurs
l'énormité du rattrapage que l'entreprise privée en charge ne fit pas tout de
suite, et en plus ne le dénonça pas, première erreur, la seconde erreur étant
d'avoir rétrocédé à cette même entreprise l'instance de régulation qui aurait
dû rester indépendante. En tout cas, si tous les courants du libéralisme
conviennent de la nécessité de la propriété et du Droit afférent, celui-ci
forme précisément la République (res publica : ce qui est -la chose-
mise en commun). Les USA sont une République par exemple.
Certes, certains comme les libertariens se méfient
d'une Autorité Publique qui protégerait le Droit, et considèrent qu'une
instance privée pourrait aussi tenir le rôle, y compris celle du Parquet. Sauf
qu'ils éludent, eux aussi, le négatif, humain trop humain, de toute structure,
même privée, au sens où elle peut pousser son intérêt jusqu'à ce qu'un obstacle
ne l'oblige pas à de la retenue…. Même Locke qui pensait que les humains
pouvaient se maîtriser sans avoir besoin d'une superstructure contraignante
(qu'il faut en effet entretenir) convenait de la nécessité de ce bien commun
qu'il voyait cependant contrôlé par le Parlement, l'Exécutif ne devant que
traduire les dispositions prises. En France, le Président de la République
incarne les deux parce que le pays est trop morcelé pour se contenter d'un
Parlement.
En second lieu, rappelons que Max Weber, dans son Éthique
protestante et esprit du capitalisme a montré qu'il n'est pas
contradictoire d'introduire de la rationalité dans la production (ou le
capitalisme lui-même selon lui) et, en même temps, d'être soucieux de son
comportement, par exemple en sachant payer ses dettes comme il le montre en
étudiant Benjamin Franklin, et ce sans attendre d'être mis au pas par une instance
externe…
Enfin, si l'on restreint l'argument marxiste,
adoubé donc par Zemmour, celui de "l'exploitation", à n'être qu'un
cas particulier en réalité —celui d'entreprises insuffisamment rationnelles —
et non pas l'explication fondamentale de l'entreprise capitaliste, alors
l'étatisme, qui prétend suppléer à ce défaut de rationalité par le
"social" (socialisme) ou la "Nation" (conservatisme et
nationalisme) s'avère être cette institution qui selon le mot de Paul Valéry
consiste à empêcher les gens de s'occuper de ce qui les regardent. Il y
substitue en effet une sujétion qu'il nomme "service public",
laissant croire que sans cette position d'intermédiaire, il n'y aurait ni
instruction ni santé, alors que l'existence même de structures privées en la matière
s'avère plus efficace et même moins chère comme certaines cliniques et
certaines écoles privées, surtout si la part d'impôts allouée était en fait
apporté par les protagonistes eux-mêmes selon leurs préférences. Il est
question de faire tout l'inverse en voulant réinstaurer la carte scolaire,
alors qu'il vaudrait mieux libérer les établissements en leur permettant de
recruter et de s'organiser comme ils l'entendent, quitte à ce qu'une
mutualisation puisse aider les établissements en difficulté à se remettre à
niveau.
La crise actuelle ne vient pas des années 80 mais
des années 50 avec l'instauration d'un État Providence qui a créé les ghettos
du Bronx et d'Harlem, aujourd'hui à Marseille dans le 93 et dans certaines
villes moyennes. Une certaine jeunesse imite d'ailleurs ce qui se passait dans
les années 80 aux USA au plus fort de la guerre des gangs, toute une dérive qui
n'a rien à voir avec une "délinquance de besoin" comme le clame le
directeur de MediaPart qui se veut omniscience (c'est un admirateur de
Mucchielli qui énonce ces inepties) mais plutôt avec le calcul que l'on gagne
bien plus à se laisser assister qu'à réagir comme le font des millions
d'immigrés silencieux et qui savent bien que ceux qui parlent en leur nom les
utilisent pour faire connaître le leur, les empêchant même de s'insérer en les
incitant à cultiver une différence qu'ils veulent justement oublier pour se
concentrer sur l'essentiel. Mais les étatistes ne veulent pas perdre la main,
ils s'en servent de bouc émissaires, à défaut de créer les conditions d'une
réelle prospérité. Que des entreprises freinent exprès leur chiffre d'affaire
ou n'embauchent pas par peur de crouler sous les charges, n'effleurent pas les
étatistes qui préfèrent se chahuter sur des sujets sociétaux ou institutionnels
alors que les alarmes hurlent à tue-tête, qu'il y a le feu, sauf que le
pyromane n'est autre que le pompier…
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