vendredi 11 décembre 2015

Changer de logiciel politique ou aller dans le mur

10 décembre 2015 • Agnès Verdier-Molinié
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Les partis « traditionnels » sont hués par les citoyens lors de ces régionales. Pourquoi ? Un indice frappant vient du constat que tous ces partis traditionnels sont concernés : frappant de noter que les écologistes, en plein COP 21, réalisent un de leurs pires scores, que le front de gauche et les communistes, qui n'ont pourtant de cesse de marquer leur opposition au gouvernement au nom de son non-respect des engagements pris, mordent pareillement la poussière. Qu'enfin les partis de droite, ainsi que leurs alliés centristes, ne profitent guère de ce désamour, et loin en tout cas de leurs attentes. Bien sûr les attaques du 13 novembre sont certainement pour beaucoup dans les inquiétudes des Français et leur demande insatisfaite de sécurité. Mais il faut aller beaucoup plus loin que cette explication. Voir le besoin de renouvellement d'un système interminablement otage d'une caste politique - et syndicale - enfermé dans la cooptation et très éloigné des préoccupations réelles de la population.
Les études d'opinion le disent, les tournées et conférences dans les régions que la signataire de ces lignes a récemment accomplies le confirment, les préoccupations économiques tiennent le haut du
pavé : insupportable fiscalité, tracasseries administratives en tous genres, un vent de liberté cherche à souffler, en même temps que le chômage gangrène la société dans un contexte de faillite de l'État et d'absence de projet politique. Beaucoup plus que les devoirs d'une insertion des immigrés ou la lutte contre les inégalités, « le développement économique et la création d'emplois » sont les priorités de 54% des personnes interrogées dans le dernier sondage réalisé par Opinionway pour Le Point. Et la question des impôts (40%) talonne celle de la sécurité (45%). L'opinion française, ici, ne voit dans les partis traditionnels aucun leader capable de tracer une voie.

La vérité ?

Ni les Républicains-centristes ni le Parti socialiste n'ont réussi à comprendre que les Français de nos territoires et de nos entreprises sont à bout. À bout car submergés de taxes et impôts divers, à bout car confrontés à un code du travail et des normes et lois des plus tatillonnent et difficiles à comprendre. À bout car l'emploi disparaît de partout. Les régions Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA sont parmi les plus touchées par le chômage avec 12,4 % et 11,5%. On remarque qu'il y a ici une corrélation certaine entre le taux de chômage et le vote FN. Croisons les données du vote avec celles de la gestion des régions, il apparaîit que plus les régions sont endettées et mal gérées, plus la pression fiscale est forte, plus le vote FN est important.
Ainsi, les dépenses de fonctionnement de PACA et Nord-Pas-de-Calais (pour les régions et les départements) sont-elles particulièrement importantes. Si on suit aussi l'étude de la pression fiscale pesant sur les entreprises dans ces régions (toutes fiscalités locales confondues), les chiffres sont éloquents : plus de 2.100 euros par salarié en PACA et Nord-pas de Calais-Picardie alors que la Bretagne, par exemple, est à 1.700 euros de pression fiscale par salarié… Dette locale, masse salariale, impôts et chômage ont bien tendance à déraper dans les mêmes bassins territoriaux. Et ce d'autant plus que les mauvaises habitudes de gestion se retrouvent dans les mêmes bassins géographiques à toutes les strates locales, les communes, les intercos, les départements et les régions. Les villes de Montpellier, de Lille ou de Marseille ne font pas figure d'exemples en termes de gestion au cordeau de l'argent public… Pour les autres régions où le FN émerge, c'est la piètre qualité des propositions et le manque d'offre politique qu'il convient de souligner. Beaucoup de nouvelles dépenses annoncées par les candidats de gauche, de la droite et du centre à la fois en Bourgogne-Franche-Comté, des annonces aussi de dépenses en plus en Centre-Val de Loire dans des montants gauche droite à peu près équitables… Toujours les vieilles recettes qui lassent.
Et pour cause, la droite et ses alliés du centre n'ont pas tellement brillé dans cette campagne des régionales pour avancer des pistes de baisse des dépenses publiques et de la fiscalité. La plupart des candidats, quel que soit leur bord politique, proposent même (mis à part Valérie Pécresse, Xavier Bertrand ou Bruno Retailleau…) plus de nouvelles dépenses que d'économies.

Panorama des économies proposées au 2nd tour : (voir fiches complètes)

Comment croire à des économies quand la première d'entre elles aurait été de réduire le nombre de conseillers régionaux avec le passage de 22 à 13 régions (qui était prévue initialement) a été rejetée au Parlement ? Moins de régions mais toujours autant d'élus… avec le blanc-seing du Parlement. Le discours sur la sécurité ne suffira pas pour rassurer des Français lassés de voir que nos gouvernements ont toujours préféré couper dans les dépenses de défense ou pénitentiaire plutôt que dans les dépenses sociales -qui explosent à 34% du PIB- ou les dépenses de fonctionnement de nos services publics et ne faire qu'augmenter en permanence la pression fiscale qui détruit l'emploi. Le verdict sera rendu en avril prochain avec, à la clé, une fiscalité locale encore vraisemblablement à la hausse. Les collectivités locales devraient s'engager à réduire le fonctionnement pour relancer l'investissement public. Donc à la clé: réduction des effectifs, des subventions, des aides improductives, recentrage, etc. Seule la dépense productive et évaluée devrait être privilégiée.
Par ailleurs, le FN a 43% de ses électeurs qui sont des jeunes de 18 à 24 ans, catégorie de la population la plus victime du chômage. « Où sont donc les réformes structurelles susceptibles de faire baisser ce chômage ? » hurlent les Français à des partis qui ne les entendent pas. Et qui ne répondent pas à la question. C'est la fin d'un système. Il faut renouveler le logiciel politique qui se meurt. Le nouveau logiciel passera par l'entrepreneuriat, la baisse de la fiscalité, la baisse de la dépense publique, la diminution du nombre d'agents et du nombre d'élus.

Cette tribune a été publiée dans les pages Opinions du Figaro, le 8 décembre 2015. Voir ici

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