samedi 11 juin 2016

L’arrogance de la gauche

Par Lucien SA Oulahbib 
Il suffit d'écouter France Culture (on le sait hélas) surtout dans sa tranche de 6h30-9h pour observer jusqu'à la lie ce côté cynico-mielleux et en même temps prétentieux du genre "entendez comme nous sommes si intelligents" mais oui, nous qui sommes si anti-racistes, tant LGBT, qui lisons, dans le texte, Foucault Deleuze Sade et qui avons (last but not the least) une vie cul/turelle sans aucune mesure avec n'importe quelle Boutin et autre Veilleur tabassé debout (aucun média mainstream, hormis Causeur et Valeurs actuelles, n'en a d'ailleurs parlé). Voilà ce qui "nous" rend si supérieurs. Cette impression d'être au-dessus du panier (à crabes). Un côté snob retenant mal son mépris de caste bien loin d'un Boris Vian en réalité qui égratinait tout le monde, Automne à Pékin.
Une arrogance si tendancieuse aussi puisque la préposée à "l'économie" ira trouver des causes toutes exogènes à ce qui se passe au Venezuela, tandis que le préposé aux "idées" égrènera systématiquement et longuement les pages dites "débats" du journal "l'Humanité"
(sans rire) oubliant qu'il parle sur une radio du "service public" censée être plurielle…
Certes, cette même tranche horaire peut inviter tel commentateur de "droite", telle personnalité du même acabit, commenter telle autre page de débats, sauf que le côté tendancieux résidera dans les interstices, dans le ton moqueur (s'y esclaffant presque en sourdine) dans les présentations thématiques orientées systématiquement dans des problématiques de "gauche", avec toujours ce ton imbibé de présomption à-qui-on-ne-la-fait- pas, même lorsqu'il n'est plus possible de nier l'évidence de l'échec multiforme celui d'un modèle intellectuel, culturel, sociétal, complètement biaisé, dépassé, hors sol.
Ainsi l'on tentera de "sauver" le concept de lutte des classes en le traquant partout sauf que celui-ci a pour enjeu le pouvoir et que celui les traversent tout autant… il ne suffit donc pas d'adopter une distance ironique pour s'en immuniser au nom de sa destruction ; celle-ci restant en effet cosmétique lorsque l'on se comporte en petits soldats d'opérette consistant à repérer la paille du pouvoir honni dans l'oeil d'autrui oubliant sa propre poutre dans le sien.
Bref l'on n'échappe pas au pouvoir (qui ne se réduit pas au rapport de forces, il engrange aussi le prestige et les compétences) ce qui implique au moins deux alternatives :
soit on le limite par des contre-pouvoirs comme on le sait via la pluralité d'opinions et des institutions indépendantes, or ce n'est visiblement pas le cas dans tout le service public et les médias même privés tant les intrications sont si fortes en France entre les grands groupes et l'appareil d'État ;
soit on prétend détruire en soi le pouvoir par le cynisme et l'ironie (comme le fait remarquer Chantal Delsol dans son dernier livre sur La haine du monde) sauf que l'on ne fait que détruire la scène publique du débat tout en s'échappant des décombres par les coulisses et autres passages secrets menant aux autres médias, cabinets, universités, ZAD, toute cette fromagerie publique/privée elle aussi tenue de main de maître par le même clan depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la droite aux affaires ayant laissé faire, pis, s'étant pliée à ses oukases de peur de ne pas paraître total look.
L'arrogance de gauche défend la seconde solution, et démontre par là sa veine profondément totalitaire anti-démocratique, anti-républicaine, malgré ce qu'elle "dit" (et, ajoute-t-elle, "ne fais pas ce que je fais"…).
Car au fond quand l'on gratte le vernis que reste-t-il de cette arrogance de gauche hormis les positions de pouvoir s'entend ?
Même pas le libertinage qui existait bien avant elle, et Pasolini en a bien montré les limites. Quant à ses maîtres, tels Bourdieu, Foucault and Co, que disent-ils de plus que le jeune Marx sur l'aliénation, la domination, les inégalités (n') oubliant (pas) que ces trois notions sont complexes, relatives, devant être perçues dialectiquement comme le précisait Hegel, ce qui implique qu'elles ont aussi un côté positif :
ainsi la statue de marbre qui certes détruit négativement du marbre pour être, ainsi le fait de se nourrir en détruisant non seulement des animaux mais aussi des carottes et des salades (qui auraient aimé "vivre" elles aussi), ainsi les inégalités des compétences compensées par l'égalité des chances et non pas par l'égalitarisme, tout cela est bien complexe, nécessite bien sûr des limites, du qualitatif, y compris dans l'industrie (cela existait cependant déjà cela s'appelle simplement le luxe à démocratiser maintenant) ; tout un ensemble d'enjeux, discutés depuis plusieurs millénaires, et qui, sans doute, trouvera des solutions peu à peu, puisque au fond la société démocratique, dans laquelle la liberté des uns ne peut se faire au détriment de la liberté des autres, n'a "que" cinq cent ans ; ce qui reste jeune si l'on se réfère au début de l'Histoire humaine, celle des cités lacustres datant de dix mille ans.
Mais qu'a apporté la gauche post-marxiste dans ce débat depuis les sixties ? Rien d'autre que cette idée de revenir à l'utopie du bon sauvage ou des sociétés frugales et matrilinéaires d'une part, ou de foncer cul par dessus tête vers l'hyper-technologie de la fabrication eugénique camouflée par le "droit à". Or, même cela n'est pas nouveau si l'on a lu Le meilleur des mondes et toute la SF, de Jack Vance à Isaac Azimov en passant par Jules Vernes avec Robur le conquérant.
Le roi est nu, la gauche s'est faite aussi grosse que le boeuf et éclate sous nos yeux sauf qu'elle s'accroche par toutes ses tentacules, on le voit partout, y compris à la SNCF qui meurt de son monopole (tout en prétendant défendre "le" peuple), aussi est-il vain de les couper une par une tant qu'elle n'est pas frappée également à la tête comme l'a si bien montré Persée.


Le 11/6/2016     

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