jeudi 5 mars 2015

Dialogue social : « laissez faire » employés et dirigeants Les pouvoirs se tiennent par la barbichette et ont peur de rendre leur prérogatives aux individus.

Par Jean Philippe Delsol
Et si l’Etat rendait leur liberté aux employés et aux employeurs ? Peut-être alors que la France du travail s’éveillerait. Mais il continue à vouloir tout gérer depuis le haut. Les entreprises n’en meurent pas toutes, mais toutes en sont atteintes.
Le projet de loi sur le dialogue social en est le paradigme. Les syndicats drapés dans leurs privilèges ont refusé tout accord et la loi veut prendre le relais pour simplifier en compliquant. Les IRP, Institutions représentatives du personnel (CE, délégués et CHSCT), se réuniraient mais conserveraient chacune toutes leurs prérogatives et leur personnalité juridique. Une belle pagaille en perspective ! Des accords seraient à négocier par branche, donnant toujours le pouvoir de blocage aux syndicats. Lorsque le dialogue pourra s’ouvrir dans les entreprises, pour autant qu’elles aient plus de 300 salariés, ça sera encore par signature avec des syndicats. Par ailleurs est proposée la création de nouvelles commissions paritaires pour s’ingérer dans les affaires des TPE, une solution que les syndicats adorent parce que le paritarisme les fait vivre financièrement.
Les pouvoirs se tiennent par la barbichette et ont peur de rendre leur prérogatives aux
individus. Les syndicats de salariés notamment sont dans la main de l’Etat qui les nourrit et auquel ils font peur. Par eux-mêmes, ils ne représentent rien, avec l’un des plus faibles taux de syndicalisation des pays de l’OCDE : d’environ 8 % tous secteurs confondus, mais à peine 5 % dans le secteur privé. Ils n’ont pas de ressources propres : à peine 15 % de leurs dépenses sont couvertes par leurs cotisations (contre 80 % en Belgique, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie ou Suède) et le surplus vient des employeurs (décharges horaires, subventions aux CE, locaux), de l’État (décharges de service, crédit d’impôt sur le revenu de 66 % des cotisations syndicales, subventions) et des organisations paritaires (défraiements, reversements divers).
Mais la France dispose d’un taux de couverture conventionnelle parmi les plus élevés du monde (93 % environ, contre 56 % en moyenne dans les pays de l’OCDE). Parce qu’en France, les organisations salariées et patronales négocient pour l’ensemble des employés de la branche et non pour leurs seuls adhérents, grâce à la procédure d’extension des accords collectifs. De cette manière, des syndicats qui ne représentent qu’eux-mêmes imposent des charges et obligations qu’employés et patron auraient sans doute refusées s’ils avaient eu à en décider. Ils copient l’Etat qui décide du bien des autres, mais ne le pratique pas, lui qui multiplie à l’envi les contrats à durée indéterminée, paye ses employés avec des retards parfois infinis et manie le harcèlement administratif… !
La solution n’est pas l’intervention de l’Etat, sinon pour rendre leur liberté aux acteurs de l’entreprise, les laisser négocier dans un cadre large et souple que le code du travail pourrait avoir pour seule mission de fixer après consultation des organisations syndicales. Si les salariés pouvaient nouer des accords directement avec leur patron, si les syndicats devaient vivre de leurs cotisations, comme les entreprises doivent le faire avec leurs clients, ils seraient peut-être plus réalistes et plus soucieux des vrais besoins des employés et de l’entreprise.
Jean-Philippe Delsol, avocat, président
de l’Institut de recherches économiques
et fiscales (IREF).

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