EN VUE 25/07 - 01:00 | Par Jean-paul Betbeze
L'économie ne fait pas de cadeaux, surtout pas aux plus fragiles, aux moins qualifiés, à ceux qui gagnent leur vie dans des services directement donnés d'une personne à une autre. Aujourd'hui, avec des revenus nets qui risquent de baisser pour la deuxième année de suite en France, tout le monde est aux aguets. Si « la reprise est là »,paraît-il, les impôts des sociétés ne sont pas prévenus et la TVA est en retard - alors que c'est un indicateur coïncident. Que se passe-t-il ? Il se passe que l'économie s'installe dans une croissance lente, fragile, tendue. Les impôts et taxes deviennent alors décisifs, qu'ils soient
directs ou indirects, car les revenus bruts ne vont pas augmenter. La fiscalité fera la différence pour le niveau de vie. La réactivité de tous est donc très forte. Ce ne peut pas être une surprise.
Et voilà qu'on s'étonne que les services à la personne enregistrent une baisse d'activité de près de 20 % sur deux ans… alors que le coût de leurs prestations a augmenté de plus de 20 % après une cascade de mesures fiscales (baisse de la déduction de l'IRPP, suppression du forfait Sécurité sociale, hausses successives de TVA). Le contraire serait étonnant. Le multiplicateur fiscal, ce rapport entre la hausse d'impôt et le résultat net obtenu, n'est jamais stable - aujourd'hui moins que jamais. Le FMI est entré dans l'histoire en le supposant de 0,5, autrement dit en pensant que 1 euro prélevé serait pris à moitié sur la nouvelle richesse produite. Mais on a vu ce qui s'est passé en Grèce, en Espagne, en Italie, avec des multiplicateurs qui dépassent 1, la croissance s'effondre et cela crée de vrais drames sociaux.
Avec les services à la personne, inutile d'aller en Grèce ou en Espagne. Regardons ce qui se passe ici. Les services à domicile, les aides aux personnes âgées, aux crèches privées sont atteints. Comment ? De la pire façon : par le travail au noir. Si vous employez une aide ménagère ou une nounou et que le coût horaire augmente, votre réaction est immédiate. Vous arrêtez ou vous en gardez un quart, par exemple, « officiel » et le reste devient du « black ». L'entreprise ou l'association voit chuter son activité « officielle ». Elle ne pourra plus investir, se développer, former. Et la personne qui aide, forme, jardine… gagne directement moins. Pour les entreprises, pas de « black », bien sûr, mais, par exemple, des nettoyages plus rapides ou moins fréquents, avec moins de personnel à la clef. Qui perd à ce jeu ? Tout le monde.
D'abord, les salariés qui offrent ces services et voient leurs revenus diminuer. Leur emploi se rétracte, leur carrière devient plus tendue dans ce secteur en crise. Ce sont surtout des femmes de ménage, des gardes d'enfants, des étudiants, une population féminine à 80 %, qui perdent ainsi un revenu précieux, qui aurait pu être sûr et croissant. Le bénéficiaire de la prestation n'est pas satisfait non plus : le service qu'il reçoit est diminué. Et l'Etat est le grand perdant : il perd des ressources fiscales et ces billets qui circulent lui échapperont toujours. Au final, 200.000 emplois et 1 milliard d'euros de recettes au moins auront disparu. Alors, quand on lit dans « Le Canard enchaîné » de la semaine dernière que le président Hollande s'inquiète « des emplois à domicile perdus » et demande à Michel Sapin, à l'issue du Conseil des ministres, « quelles sont les implications de la baisse du volume d'heures déclarées en emploi à domicile »… ce dernier lui répond qu'il « y a des enjeux budgétaires importants ». Diable ! Et Bernard Cazeneuve ajoute qu'il « tente de freiner cette érosion et que ceci à un coût : de 100 à 200 millions d'euros ».
Par malheur, c'est l'opposé qui est vrai. On calcule ainsi que la seule suppression du forfait social, qui devait rapporter 370 millions d'euros, a détruit en fait, et en trois mois, 40.000 emplois, avec un manque à gagner de 500 millions d'euros ! Arrêter les mesures en cours va faire revenir ces 100 ou 200 millions qui ont disparu, et bien plus, et tout de suite, en rétablissant le forfait ! Dans un secteur aussi sensible et important, il faut aujourd'hui envoyer un message fort de stabilité. L'impôt tue l'impôt et l'emploi des plus fragiles avec : voilà ce que nous disent les services à la personne.
Par JEAN-PAUL BETBEZE
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