Posted On 07 oct 2014
Gilles-William Goldnadel s’étonne du peu d’écho qu’a entraîné dans les médias la condamnation de la CGT dans une affaire de détournement de fonds.
Il n’est pas interdit de s’interroger sur l’énigmatique raison qui suggère aux principaux impétrants de la droite française de vouloir se recentrer quand leurs électeurs leurs demandent de se droitiser.
Au-delà de la problématique d’un deuxième tour qui les verrait affronter une plus à droite qu’eux, il existe sans doute une raison non dite, et peut-être impensée, qui touche au médiatique.
Une partie des électeurs sont aussi des spectateurs encore sous influence
Qui n’a pas affronté un collège de journalistes bien-pensants autant que sourcilleux sous-estime peut-être l’émoi et le surmoi de politiciens qui savent qu’une partie des électeurs sont aussi des spectateurs encore sous influence, malgré la méfiance grandissante qu’ils éprouvent pour la presse conformiste.
J’aurais usé beaucoup d’encre et de salive pour inviter les opposants à l’idéologie sommaire en majesté à faire de la question médiatique, la mère de toutes les autres.
Je ne suis pas sûr d’avoir été entendu par ceux qui disent ambitionner de réformer en profondeur la société française.
La semaine qui précède nous apporte son lot d’exemples de cette mainmise dictatoriale de l’idéologie sur la
réalité des faits. Elle nous renseigne également sur l’impunité médiatique d’un syndicat CGT dont on sait qu’il constitue l’un des principaux obstacles aux transformations que réclame la grande majorité des Français.
Mercredi premier octobre: l’affaire Bygmalion a donné lieu à plus d’une vingtaine de dépêches de l’Agence France-Presse, en raison de gardes à vue qui sont intervenues.
Dans le même temps, et concernant une affaire judiciaire très importante dont j’avais déjà souligné l’occultation du procès dans ces mêmes colonnes, une unique dépêche le même jour sur le fil de la même agence de presse.
Je cite ci-après des extraits de cette dépêche adressée plus de cinq heures après la décision, sans le précieux label «urgent», contrairement aux usages en vigueur pour les autres procès:
Je m’adresse à mes lecteurs de bonne foi, qui ne confondent pas l’importance d’un fait réel avec un événement virtuel mesuré à l’aune de l’importance médiatique qui lui a été donnée arbitrairement par ceux qui ont le privilège de détenir l’information.
Qu’on ne fasse pas semblant de croire que je me plaigne de l’importance donnée au dossier Bygmalion et à ses retombées politiques dont je n’ai que faire.
Mais personne ne m’obligera à penser que de simples gardes à vue dans une affaire encore à l’instruction méritent cent mille fois plus d’intérêt que le verdict d’une affaire financière d’exception ayant donné lieu à 10 ans d’instruction et à un procès fleuve, dans laquelle le comité d’entreprise le plus important de France, la CGT, l’Humanité, et une parlementaire communiste ont fait l’objet de condamnations pénales pour des emplois fictifs et des détournements.
Personne ne me persuadera que l’écart abyssal entre la focalisation extrême de la première affaire et l’occultation totale de la seconde, n’est pas le résultat tragique d’une posture idéologique plus pavlovienne que délibérée.
Autre exemple, encore plus révoltant lorsqu’on se fait, envers et contre tout, une certaine idée de la justice.
Il s’agit d’une affaire qui avait défrayé la chronique. Elle met en cause l’Ecole Supérieure de Commerce d’Amiens. L’une de ses employées s’y était suicidée en juillet 2009 pour des raisons inconnues. Quelques employés, cornaqués par une CGT très remontée, avaient porté plainte plus tard contre les responsables de l’école pour harcèlements. Parmi lesquels une directrice (que je défendais) et un directeur. Ces deux personnes ont fait l’objet d’une relaxe définitive après une procédure cauchemardesque tant au plan judiciaire que médiatique. Ces deux innocentés pensaient en avoir enfin terminé. C’était compter sans France Culture.
Le 23 septembre, les deux accusateurs déboutés se sont répandus pendant une demi-heure sur l’antenne en reprenant de terribles griefs contre ces deux personnes dont on a jeté à nouveau l’identité en pâture. À aucun moment celles-ci n’ont été prévenues de l’émission et encore moins invitées à apporter la moindre contradiction.
À aucun moment la journaliste culturelle n’a cru devoir informer ses auditeurs de ce qu’elles avaient bénéficié en première instance comme en appel, d’une relaxe aujourd’hui définitive.
Je tiens à ajouter que même le bien à gauche Courrier Picard, qui n’avait pourtant pas ménagé ces personnes pendant la durée des procès, a reconnu depuis, lui aussi, leur état de victime judiciaire.
Personne ne me persuadera que ce comportement médiatique n’a pas d’origine idéologique et que la façon désinvolte dont on piétine l’honneur de certains n’est pas issue d’un sentiment d’impunité inhérent à la sainte cause que l’on est persuadé servir.
À ce stade terminal de ma révolte hebdomadaire, une question me brûle la plume : que fait le CSA, en dehors de morigéner périodiquement Zemmour et de ne jamais intervenir pour donner quelque semblant de sérieux à la notion de neutralité du service public de l’audiovisuel ?
Cette semaine, l’institution dirigée par l’ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin a décidé d’écarter des écrans publicitaires un message, pourtant bien émouvant, de jeunes trisomiques qui expliquaient qu’ils étaient heureux, malgré leur handicap, «de vivre, travailler et aimer comme tout le monde». Nos sages si sagaces ont cependant considéré que le clip incriminé pouvait ne pas «susciter une adhésion spontanée et consensuelle»… Sept jeunes trisomiques ont donc décidé de saisir le Conseil d’État pour s’entendre dire sans restriction, ni condescendance qu’ils sont des citoyens à part entière.
Si j’étais le CSA, je me préoccuperais plutôt des vidéo-clips des gangsta’ rap qui envahissent les chaînes musicales que regardent nos jeunes. J’avoue que la manière dont des pseudo caïds de cités, idéalisés, invectivent des flics ridiculisés, entourés de créatures ravalées à l’état de marchandises, ne m’inspire pas une adhésion spontanée.
N’était-ce pas François Mitterrand qui, évoquant la Haute Autorité de l’audiovisuel, déclarait que le respect pour les institutions devait se mériter ?
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro.
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