par Daniel Pipes
The Washington Times
6 octobre 2014
Considérée depuis des millénaires comme « le
grenier à blé de la Méditerranée », l'Égypte est désormais confrontée à une
pénurie alimentaire. Dans le quotidien égyptien Al-Ahram, un article
d'une étonnante franchise signé Gihan Shahine et intitulé « De la
nourriture pour la stabilité » révèle l'étendue de la crise.The Washington Times
6 octobre 2014
Pour commencer deux anecdotes : bien que forcée par son père à se marier avec un cousin qui aurait les moyens de la nourrir et de la loger, Samar, âgée de 20 ans, affirme qu'ils n'ont « la plupart du temps, que des pommes de terre frites et des aubergines pour le dîner ». Ses sœurs, âgées de 10 et 13 ans et qui ont quitté l'école pour aller travailler, perdent du poids et souffrent d'anémie chronique.
Manal, infirmière, ne parvient plus à nourrir ses quatre enfants qu'elle élève seule. « Dans la passé on avait l'habitude de farcir du chou avec du riz qu'on mangeait quand on n'avait plus d'argent. À
présent, il arrive qu'on ne puisse même plus se payer ça à cause du prix du riz qui augmente. Nos enfants ont toujours été mal nourris et ça devient de plus en plus grave. »
L'Égypte possède un taux d'obésité chez
les adultes et de retard de croissance chez les enfants parmi les plus élevés
au monde.
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De nombreux facteurs contribuent à la crise alimentaire égyptienne. En partant du plus central vers le plus périphérique, ces facteurs sont les suivants :
Des politiques publiques défaillantes. Le Caire a constamment favorisé les villes au détriment des zones rurales, avec pour conséquences la baisse de la recherche dans le domaine agricole, le manque de soutien financier, les monopoles du secteur privé, des subventions boiteuses ainsi que le développement de la contrebande, de la corruption et du marché noir. Les agriculteurs souffrent de la pénurie de semences, de fertilisants et de pesticides onéreux et de mauvaise qualité. Mais l'élément le plus pernicieux est la diminution des terres cultivées en raison de la complicité du gouvernement dans l'expansion illégale et sans frein de l'habitat.
La dépendance alimentaire. Historiquement autosuffisante, l'Égypte importe à présent – selon le FDI – 60 pourcents de sa nourriture. Le pays reste largement autosuffisant en fruits et légumes mais dépend fortement de l'étranger pour les céréales, le sucre, la viande et les huiles alimentaires. L'Égypte importe deux tiers de son froment (10 millions de tonnes sur un total de 15 millions, qui font du pays le premier importateur de froment au monde), 70 pourcents de ses haricots et 99 pourcents de ses lentilles. Ce n'est pas un hasard quand on sait que les terres consacrées à la culture des lentilles ont chuté de 85.000 à moins de 1.000 acres. Les largesses provenant de pays amis exportateurs de pétrole, d'un montant de 20 milliards de dollars en 2013, ont été capitales pour le financement des importations de denrées alimentaires. Toutefois on peut se demander combien de temps durera ce subventionnement.
Les stands à kochari offrent des repas
composés de divers féculents comme les pâtes, les pommes de terre et le riz,
agrémentés de sauce.
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Le manque d'eau. Le don du Nil, qui est de 20 millions de mètres cubes par an, est déjà presque insuffisant en raison notamment de la population croissante et de l'irrigation défaillante. Cela entraîne une diminution de la production alimentaire du pays qui va encore s'aggraver dans les dix prochaines années en raison de la construction de nouveaux barrages sur le Nil Bleu, en Éthiopie.
Les crises récentes. Le FDI en relève plusieurs : « l'épidémie de grippe aviaire de 2006, les crises alimentaire, énergétique et financière des années 2007-2009, la hausse mondiale des prix de l'alimentation en 2010 et la détérioration de l'économie provoquée par l'instabilité politique depuis la Révolution de 2011. »
Le nouveau gouvernement d'Abdel Fattah al-Sisi pourra-t-il réagir à temps et inverser les tendances désastreuses actuelles ? Pour ma part, je suis pessimiste. Les millions de Cairotes agités et instables ont bien plus de poids politique que les fellahin plus nombreux encore qui cultivent tranquillement leurs champs. Sans compter que les questions urgentes – que ce soit la grogne des ouvriers, la rébellion des Frères Musulmans ou encore le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas – détournent constamment l'attention des dirigeants des crises systémiques à long terme comme la production alimentaire.
Les intérêts des agriculteurs égyptiens
(fellahin) figurent bien bas dans la liste des priorités du gouvernement.
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