Dans cette France en crise et qui doute d’elle-même, la guerre intestine que se livrent les grands féodaux du Parti socialiste paraît à première vue scandaleuse et folle. Scandaleuse parce que soulignant le décalage insensé entre la préoccupation des Français et l’entreprise de démolition mutuelle à laquelle ces combattants s’adonnent, fournissant au passage ses meilleurs arguments au Front national. Et folle parce qu’il est inimaginable qu’un parti de gouvernement, dans un des pays les plus ouverts au monde, en soit encore à s’écharper sur des dogmes que toutes les grandes démocraties modernes ont déjà dépassés depuis longtemps.
Pourtant, derrière ce déferlement de haine fratricide, se cache peut-être l’espoir de trouver une voie de passage, une manière de sortir de toutes ces postures archaïques. Et le mouvement initié par Manuel Valls, son déplacement vers le centre, s’il ne trompe personne
par son côté manœuvrier, offre tout de même l’avantage de tenter de dessiner quelque chose de nouveau dans le paysage politique. Lorsque le Premier ministre dit que « la seule question qui vaille, c’est comment orienter la modernité pour accélérer l’émancipation des individus », lorsqu’il préfère une ligne « pragmatique, réformiste et républicaine » à un label socialiste, lorsqu’il affirme que « la première finalité » du mouvement de réforme est de « libérer la création d’emplois par tous les moyens », comment s’y opposer ?
Bien entendu, il y a loin de la réflexion à l’action, et les six premiers mois de Manuel Valls démontrent quelles sont les limites de sa propre audace. Bien entendu, François Hollande bouge encore, capable de tout sacrifier à son propre intérêt, à la gauche immobile. Mais la droite, aujourd’hui en grand désordre, ferait bien de réfléchir à ce que ces fractures de la gauche peuvent provoquer comme secousses chez elle.
Nicolas Beytout
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