samedi 28 septembre 2013

Des impôts sur les charges ou le cynisme fiscal

par Jean-Philippe Delsol


Des impôts sur les charges ou le cynisme fiscal
Ni vu ni connu : l’Etat multiplie charges sociales et taxes diverses – qui ne sont pas des impôts à proprement parler. Mais elles ne sont pas ou ne sont plus déductibles du revenu imposable : donc le contribuable paiera davantage d’impôt sur le revenu ! Bel exemple de cynisme fiscal.

Contrairement aux promesses sans cesse renouvelées par le gouvernement et le Président lui-même, des prélèvements nouveaux apparaissent de semaine en semaine. Mais désormais les augmentations d’impôts sont cachées, insidieuses, rampantes. 
Il en est ainsi de la garantie universelle sur les loyers (GUL) qui sera un nouveau prélèvement de 1 ou 2% sur les loyers perçus par les locataires pour un avantage plus qu’incertain en échange. 
Il en va ainsi de la contribution climat-énergie qui doit se substituer cette année à d’autres impôts, mais qui gonflera ensuite la collecte fiscale pour rapporter 4 milliards en 2016. 
Il en va ainsi du désengagement de la Sécurité sociale sans baisse corrélative des cotisations.

Prélever l’impôt sur l’impôt

Enfin, il y a une innovation majeure permettant désormais de prélever l’impôt sur l’impôt, ce qui augmente l’assiette et donc l’impôt sans le dire.
En effet, à compter du 1er janvier 2016 et conformément à une loi du 14 juin 2013, tous les salariés du privé devront être couverts par une assurance complémentaire santé collective choisie au niveau de leur entreprise. Les cotisations y afférentes seront sans doute partagées dans la plupart des cas entre employeurs et employés selon l’usage en France. S’agissant d’assurances complémentaires obligatoires, les cotisations salariales, retenues à la source, devraient être déductibles du revenu imposable des intéressés. En effet, aux termes de l’article 83 du CGI : « Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés... 1° quater Les cotisations ou primes versées aux régimes de prévoyance complémentaire auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire... »
Mais le gouvernement, qui ne veut plus supporter la charge de la Sécurité Sociale, doit trouver de l’argent et augmenter ses propres recettes. Il a trouvé la solution : il reporte progressivement la prise en charge de la santé sur les assurances complémentaires et parallèlement il élargit l’assiette imposable des contribuables en leur refusant de déduire de leur revenu imposable les cotisations versées par eux aux au titre de ces assurances complémentaires qu’il a rendu obligatoires. Telle est la mécanique diabolique par laquelle l’Etat veut s’enrichir sans rendre service.

1 milliard d’impôts supplémentaires

Aujourd’hui, les complémentaires prévoyance prennent en charge 13,7% des dépenses de santé et plus de 20% des seuls soins de ville (consultations de médecins, kinés, analyses…), en progression constante année après année. Les dépenses qui restent à la charge des ménages sont de près de 10%. L’objectif de la Sécurité sociale est de se désengager sans baisser ses frais, de réduire ses prestations sans réduire ses cotisations, et de laisser les mutuelles prendre le relai. Mais le gouvernement, de son côté, ne veut pas accroître sa participation, mieux : il veut même que les complémentaires prévoyances lui permettent une ponction fiscale nouvelle ! Il refuse donc aux particuliers de déduire de leur revenu imposable leurs cotisations d’assurances complémentaires pourtant désormais obligatoires, et il espère retirer 1 milliard d’impôts supplémentaires de cette opération.

On change la base, pas la hauteur

Le montage est adroit : on multiplie cotisations et taxes, dans tous les domaines, ce qui ne saurait passer pour des impôts nouveaux (on respecte ainsi la promesse de « pause fiscale ») mais on rend ces prélèvements non déductibles, ce qui permet d’élargir la base des impôts anciens. On change la base, pas la hauteur !
Malheureusement ce montage, qui devrait être adopté dans la loi de finances pour 2014, s’inscrit dans une tendance qui sourd depuis quelques années : faire payer l’impôt sur l’impôt. On est en plein cynisme fiscal.
Déjà une partie de la CSG n’est pas déductible du revenu imposable des particuliers, pas plus que la taxe sur les loyers élevés des micro-logements. De plus en plus de taxes ne sont pas déductibles non plus du bénéfice imposable des entreprises, comme la contribution des entreprises de préparation des médicaments, la cotisation sur les boissons alcoolisées, la participation pour voieries et réseaux, la taxe d’aménagement, la taxe de 3% sur les immeubles… Et désormais un nouvel impôt sur l’excédent brut d’exploitation semble devoir aussi être institué par la loi de finances pour 2014. Cet impôt qui frapperait le bénéfice des entreprises avant amortissements ressemblerait donc à l’ancienne taxe professionnelle qui taxait les entreprises les plus dynamiques. Bien sûr, elle ne serait pas déductible.
Lorsque l’impôt sur le revenu a été institué, pour 1915, et jusqu’en 1945, l’impôt sur le revenu de l’année précédente payé au cours de l’année était déductible du revenu imposable de la dite année. Ce principe permettait d’éviter que les contribuables ne payent de l’impôt sur l’impôt. Désormais, en multipliant les cas de non déductibilité de l’impôt pour l’assiette des autres impôts, l’Etat augmente les impôts de manière sournoise, en élargissant la base imposable au détriment des contribuables qui à ce train pourraient avoir un jour plus d’impôts à payer que de revenus perçus.
(Une version de cet article a été publiée dans le quotidien Les Echos (26 septembre).

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