Le débat sur le contrat unique du travail ou bien sur la liberté de licencier s’éternise en France et il y a fort à parier qu’il ne débouchera sur rien de concret. Il suffirait plutôt de regarder de l’autre côté du Rhin afin de comprendre quelles sont les raisons de l’extraordinaire embellie de l’emploi en Allemagne. Rappelons qu’au milieu des années 1990, l’Allemagne était considérée, à cause de son Employment Protection Act (Loi sur la protection de l’emploi) comme l’un des pays qui réglementait le plus le marché du travail. Sur une échelle de 1 à 3, l’OCDE notait l’Allemagne comme le pays le plus réglementé avec la note 3, la France étant même mieux classée avec un 2.5.
Depuis, les choses ont beaucoup changé. En 1996, les Allemands décident de d’accorder aux entreprises de moins de 11 salariés une totale liberté d’embaucher et de licencier avec même la possibilité de conclure un contrat oral avec les employés. Une réforme qui n’aura duré que 3 ans lorsque la coalition de gauche (SPD) avec les Verts la supprime avec de terribles conséquences : entre 1999 et 2005, le taux de chômage en
Allemagne augmente de 7.6 % de la population active à 11.3 %. Mais le 14 mars 2003 le chancelier Gerhart Schröder fait un discours annonçant des mesures importantes pour rendre les systèmes sociaux plus performants et flexibiliser le marché du travail. Le programme de réformes porte le nom d’Agenda 2010. Les lois Hartz bouleversent le marché du travail. Ce nom vient de Peter Hartz, directeur des ressources humaines de Volkswagen, qui avait contribué à la flexibilisation du travail dans son entreprise. Le chancelier demande même à Peter Hartz de remettre de l’ordre dans les administrations en charge de l’emploi. Imaginez un cadre supérieur du privé nommé en France à la tête du Pôle Emploi…
Voici les mesures les plus connues de l’Agenda 2010 : une plus grande liberté de licenciement est accordée aux patrons, surtout à ceux qui sont à la tête des petites entreprises. Le salarié licencié doit choisir entre une indemnité fixée par la loi et le recours aux tribunaux. La durée légale des CDD est augmentée en passant de 2 à 4 ans. La durée du versement de l’allocation chômage est réduite : de 32 mois elle passe à 12 mois pour les salariés de moins de 55 ans, à 18 mois pour les salariés au-delà de 55 ans et 24 mois pour les plus de 58 ans. Les chômeurs doivent accepter toute proposition d’un emploi légal même pour un salaire inférieur à celui prévu par les conventions collectives de branche. En cas de refus leur allocation est amputée de 30 %, voire plus en cas de plusieurs refus.
FRANCE | ALLEMAGNE | |
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Taux de chômage (2005 → 2014) | 8.9 % → 10.4 % | 11.3 % → 4.8 % |
Taux d’emploi (2005 → 2014) | 70 % → 71 % | 73 % → 79 % |
Source : Eurostat |
Mais une des mesures de cette période est un peu passée inaperçue. Il s’agit de la restauration de la mesure supprimée en 1999, c’est-à-dire la liberté totale de licencier accordée aux entreprises de moins de 11 salariés. C’est à partir de 2004 que la mesure entre à nouveau en vigueur et les conséquences sont immédiates. A partir de 2005, le chômage ne cesse de baisser en Allemagne : de 11.3 % (2005) à 4.8 % fin 2014 ! Sur la même période, le taux d’emploi augmente de 6 points en Allemagne : de 73 % à 79 %. En France, on assiste au phénomène inverse. Le chômage augmente de 8.9 % (2005) à 10.4 % (fin 2014) et le taux d’emploi de seulement 1 point : de 70 à 71 %.
Ce qui est très intéressant c’est que toutes ces mesures ont dynamisé l’embauche dans les PME, pas seulement dans celles de moins de 11 salariés (comme on peut le constater sur le tableau ci-dessous qui montre que le nombre d’employés augmente depuis 2005 dans toutes les PME ). Sur 15 millions de personnes qui travaillent dans les PME allemandes, 11.8 millions travaillent dans les entreprises de 10 à 499 employés et 3.6 millions dans les PME de moins de 10 salariés. D’ailleurs, 17 % des PME allemandes ont plus de 10 salariés alors que la moyenne européenne est de 8%.
Il n’y a pas de fatalité au chômage et les excellents résultats obtenus par les Allemands dans ce domaine le prouvent parfaitement. Au lieu de débattre stérilement à propos du contrat de travail unique, la France pourrait suivre l’exemple allemand en commençant par accorder une totale liberté d’embaucher et de licencier aux entreprises qui emploient moins de 11 salariés. Et les résultats de cette mesure décideront de la suite.
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