lundi 25 novembre 2013

Le principe de subsidiarité,

Par Jacques de Guenin

De même que l'homme s'associe à d'autres hommes pour satisfaire des objectifs qui dépassent ses facultés, des associations ou des entreprises peuvent s'associer de diverses façons pour constituer des ensembles permettant d'accomplir des objectifs qu'aucune des parties ne pourrait accomplir seule. Il existe nombre d'associations ou d'entreprises fonctionnant suivant ce principe dans la société civile. Ainsi les compagnies d'assurance réassurent-elles leurs plus gros risques auprès de compagnies aux capitaux plus importants.
Le principe de subsidiarité, cher aux libéraux, veut que cette action se fasse par délégation de pouvoirs des associations d'individus vers les associations d'associations. Si le sujet préoccupe les libéraux, c'est que la tendance des organisations humaines va plutôt dans l'autre sens : dans une fédération d'associations, c'est souvent la fédération qui fixe les orientations; dans un groupe d'entreprises, il arrive souvent que le groupe décide unilatéralement de ce que devront faire les filiales. Mais c'est surtout dans la répartition des pouvoirs au sein d'une même nation que les libéraux voudraient voir appliquer le principe de subsidiarité.
Ce principe a été défini dans l'encyclique "Quadragesimo anno" du pape Pie XI, en 1931 :
"De même qu'on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s'acquitter de leur seule initiative, et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler de manière très dommageable l'ordre social, que de retirer aux groupements d'ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste, et d'un rang plus élevé, les fonctions qu'ils sont en mesure de remplir eux-mêmes."
"Que l'autorité publique abandonne donc aux groupements de rang inférieur le soin des affaires de moins d'importance où se disperserait à l'excès son effort ; elle pourra dès lors assurer plus librement, plus puissamment, plus efficacement les fonctions qui n'appartiennent qu'à elle, parce qu'elle seule peut les remplir."
Reprenant la même idée sous une autre forme, Frédéric BASTIAT écrivait en 1849 :
"Quand le gouvernement ne peut pas éviter de se charger d'un service qui devrait être du ressort de l'activité privée, il faut du moins qu'il laisse la responsabilité aussi rapprochée que possible de celui à qui naturellement elle incombe".
"Ainsi dans la question des enfants trouvés, le principe étant que le père et la mère doivent élever l'enfant, la loi doit épuiser tous les moyens pour qu'il en soit ainsi. A défaut des parents que ce soit la commune ; à défaut de la commune, le département. Voulez-vous multiplier à l'infini les enfants trouvés ? Déclarez que l'Etat s'en charge."
..."Comment veut-on que le monde se perfectionne, si ce n'est à mesure que chacun remplira mieux ses devoirs ? Et chacun ne remplira-t-il pas mieux ses devoirs à mesure qu'il aura plus à souffrir en les violant ?[1]"
La Confédération Helvétique, formée de 23 cantons, est organisée selon ce principe. L'article 3 de sa constitution est ainsi rédigé :
Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la constitution fédérale, et, comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral.
Le mot le plus important de ce texte est le mot "délégués". Tout pouvoir exercé par l'État Fédéral est un pouvoir délégué par les cantons.
Le principe de subsidiarité a fait une réapparition remarquée en 1992 au moment de la discussion du Traité de Maastricht. Son article 3 b est ainsi conçu.
"Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire."
Malheureusement, la réalité n'a jamais été conforme aux attentes, ce qui fait dire aux mauvaises langues que la Communauté Européenne utilise le principe en sens inverse : "il faut laisser aux nations les sujets dont la Communauté ne peut vraiment pas s'occuper". Il ne faut pas s'en étonner. Comme tout corps constitué, la Commission Européenne a tendance à accroître ses pouvoirs sous sa propre impulsion, mais aussi sous l'impulsion des fantasmes de tel ou tel chef d'État. Par l'étendue des pouvoirs nouveaux qu'il lui donnait, le Traité de Maastricht pouvait à juste titre effrayer les libéraux, et c'est eux qui se sont battus pour introduire ce garde-fou.

Voir aussi : http://lecercle.lesechos.fr/node/84669/ et  http://lecercle.lesechos.fr/node/85082/



[1] Harmonies économiques. Chapitre sur les salaires.

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