Il est malin, Jérôme Kerviel. Il n’est pas coupable mais victime du « système ». Il est blanc-bleu, innocent comme l’enfant. Il lutte de toutes ses forces contre les complots qui éclosent autour de lui comme poussent les épineux au bord des routes d’Italie. Ecrasons une larme.
Car, si l’on comprend bien ses explications bredouillantes, Jérôme Kerviel n’a pas fraudé la Société générale, il n’a pas bidouillé son système informatique, il n’a pas dissimulé de positions financières ultra-risquées, il n’a pas contourné les règles de sécurité imposées par la banque à ses traders. C’est elle, en commettant l’erreur de laisser quelques failles dans ses procédures, qui l’a implicitement tenté et, pourquoi pas, lui a même suggéré de fabriquer des
faux. La justice dit le contraire et, à trois reprises, l’a reconnu pénalement responsable ? Complot ! Complot des juges, asservissement des témoins soudoyés, lâcheté des enquêteurs prévariqués. Alors, pour libérer cette justice asservie, Jérôme Kerviel fait appel au chef de l’Etat : c’est à lui de desserrer l’étouffant couvercle qui empêche d’honnêtes gens de témoigner en sa faveur de peur d’être broyés par le « système ». Et puisque François Hollande, comme cela se profile, ne répond pas à sa requête, que reste-t-il à Robin des Bois ? Les médias, bien sûr, ce quatrième lieu de pouvoir qui, à la différence des autres, la finance, la justice et la politique, n’a pas entièrement cédé au « système ». Et le voilà qui trouve des micros, des caméras, des colonnes pour, sous couvert d’un message messianique de délivrance, narguer la justice par-dessus la frontière italienne. Il est malin, Jérôme Kerviel : il a compris que, dans ce « système », le spectacle est roi. Mais voilà : les spectacles, c’est comme les arnaques. Si l’on voit trop les ficelles, c’est que la fin est proche. En prison, Kerviel.