Mathieu Laine : « Libéral » , un mot condamné ?
Le mot « libéral » est
brûlé, condamné. L’argument ressort régulièrement, porté le plus souvent
par des libéraux excédés de voir leurs idées balayées au prétexte que
« les Français n’aiment pas le libéralisme ». « Madelin a fait 3 % » est
l’argument qui tue. Ils l’ont tous à la bouche, notamment à droite. A
gauche, n’en
parlons pas. Bertrand Delanoë s’est mordu les doigts de s’être déclaré « libéral » quelques semaines avant l’explosion de la crise financière qui a fait du libéralisme, à tort, mais nous y reviendrons, l’ennemi public numéro 1.
parlons pas. Bertrand Delanoë s’est mordu les doigts de s’être déclaré « libéral » quelques semaines avant l’explosion de la crise financière qui a fait du libéralisme, à tort, mais nous y reviendrons, l’ennemi public numéro 1.
L’adjectif « libéral » est ancien et désigne, dans un premier
temps, ce qui est relatif à un homme libre, puis ce qui est digne de
lui. On parlera d’arts libéraux, ces savoirs fondamentaux à la fois
littéraires et mathématiques au fondement de l’éducation des citoyens
antiques comme des lettrés du Moyen Âge et de la Renaissance. Ils sont
dits « libéraux » car ils contribuent, par la transmission de la
connaissance, à l’autonomiser et donc à le libérer. Aristote y fait
référence dans sa Politique et surtout dans sa Métaphysique.
La connotation est infiniment positive puisqu’elle renvoie à un
homme généreux, qui aime à donner. De là, les libéralités, ces dons au
bénéfice des légataires. Ce n’est qu’au début du xixe siècle qu’il fait
son apparition dans le monde politique. Il aurait été utilisé pour la
première fois en 1812, en Espagne, pour qualifier la Junte de Cadix.
Etre libéral, c’était s’opposer à la monarchie absolue, arbitraire et
liberticide, au profit d’un régime constitutionnel respectueux de la
liberté individuelle. D’aucuns affirment qu’il est apparu vingt ans plus
tôt, en France, pour qualifier un groupe d’intellectuels, et que les
« indépendants » qui affrontèrent les « ultras », conservateurs et
monarchistes, aux élections de 1817, se sont eux-mêmes qualifiés de
« libéraux ».
Quand on part à la racine du mot, on est bien loin des
caricatures : des origines françaises, une défense acharnée des droits
fondamentaux de chacun, une empreinte généreuse très éloignée du « grand
méchant marché ».
Aujourd’hui, toute personne se disant réformiste est immédiatement
taxée de « libérale », voire d’« ultralibérale », par les tenants du
conservatisme et du repli sur soi. Mais ces derniers sentent de plus en
plus le réchauffé, voire le moisi, et la prise de conscience de leur
inefficacité à créer le bonheur s’installe. Faut-il, pour redevenir
audible, oublier ce mot ? J’aspire à le porter avec passion, sans
catéchisme mais en cohérence, en étant donc le plus possible ouvert,
curieux et respectueux de l’autre. Il est trop porteur de sens, trop
beau pour lui tourner le dos. Je comprends aussi tous ceux qui s’en
cachent, par tactique, ou ceux, bien plus nombreux, qui ne savent pas
qu’ils le sont, mais portent au quotidien ces valeurs de bon sens. Il va
juste falloir qu’ils se manifestent, tous, bientôt, pour que le
politique sente monter la vague et trouve un intérêt à se les
approprier.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire