Publié le 27/05/2013
En Suède, les jeunes qui aujourd'hui affrontent la police et sèment la destruction dans leurs propres banlieues ne brûlent pas le paradis suédois, qu'ils n'ont jamais connu. Ils sont les victimes de l'égoïsme syndical et de ce véritable « opium du peuple » qu'est la politique d’assistanat des mal nommés États-providence.Par Mauricio Rojas, Suède
« Les banlieues de Stockholm brûlent », disent les médias. Et c'est lamentablement vrai, mais en aucun cas une surprise pour ceux qui connaissent le côté obscur du paradis suédois. Ce que nous voyons aujourd'hui exploser sous la forme de la colère de la révolte urbaine est l'aspect le plus destructeur du fameux État-
providence de ce pays combiné au protectionnisme du travail de ses puissants syndicats sociaux-démocrates. Voyons cela en détail.
À partir des années '70, la Suède a connu d'importantes vagues d'immigration de réfugiés et de leurs familles en provenance de pays non européens – en particulier du Moyen-Orient et de la Corne africaine –, mais aussi de l'ancienne Yougoslavie. Cela coïncida avec la fermeture hermétique à l'immigration de travail, réclamée par les syndicats sociaux-démocrates afin d'éliminer toute concurrence qui aurait pu affaiblir leur fort contrôle sur le marché du travail.
Cette perspective syndicale protectionniste et d'exclusion fut également ce qui détermina la manière d'accueillir les réfugiés. Grâce à la rhétorique d'une politique salariale solidaire, on empêcha l'immigrant de concourir sur le marché du travail de la seule manière qu'il aurait pu le faire, c'est-à-dire en demandant moins pour apparaître comme attractif malgré les désavantages liés aux difficultés de la langue, l'enseignement non homologable, l'absence de contacts, la méconnaissance des règles culturelles en vigueur, une certaine discrimination, etc.
Dans une économie à très basse création de postes de travail, cela s'est traduit par une marginalisation productrice d'une partie très significative des nouveaux immigrants. Un rapport récent (mai 2013) montre la dramatique situation du travail de deux des groupes les plus importants d'immigrants non européens : le niveau d'emploi parmi les immigrants provenant d'Irak n'atteint pas les 40%, tandis que celui des Somaliens est d'à peine 25%. Le même rapport montre que le chômage parmi les personnes non nées en Suède dépasse de 150% celui de celles nées en Suède, ce qui doit être comparé avec des marchés du travail moins réglementés et protectionnistes comme celui des États-Unis, où il n'existe simplement pas de différences entre les taux de chômage des deux groupes.
À cet effet d'exclusion des réglementations du travail, il faut ajouter les effets destructeurs de l'action de l'État-providence. Sa fonction a été de créer un enchevêtrement de subsides afin de compenser le manque de travail. Ainsi a été offert à beaucoup d'immigrants une forme d'intégration passive qui les transforme en éternels clients d'un appareil social qui les maintient dans ce qui est, de fait, une exclusion subventionnée qui, inexorablement, est en train de détruire le potentiel et la dignité de l'individu.
Avec ces conditions, et avec ces parents dégradés et réduits à l'indignité, sont nés et ont grandi les jeunes qui aujourd'hui affrontent la police suédoise et sèment la destruction dans leurs propres banlieues. Ils ne brûlent pas le paradis suédois, qu'ils n'ont jamais connu. Ils sont les victimes de l'égoïsme syndical et de ce véritable « opium du peuple » qu'est la politique d’assistanat des mal nommés États-providence. Ils ont grandi dans des quartiers où ne vivent pratiquement que des immigrés, qui partagent l'exclusion la plus profonde, et où le manque de travail est la règle. Ils ont hérité de la culture de l'exclusion et leurs perspectives de sortie du ghetto ne sont pas prometteuses. Sur ces fils non désirés de la Suède, j'avais écrit, il y a de cela presque vingt ans, un livre, Sveriges oälskade barn, dans lequel je disais que nous étions en train de semer les vents d'exclusion et qu'un jour nous récolterions des tempêtes de frustration. Et c'est justement où nous en sommes dans la Suède d'aujourd'hui. Il faudra chercher le paradis autre part.
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