Gabriel Lévy
17 septembre 2013
Non, les caciques - pas même
« le meilleur d’entre eux » - ne les entendent pas. Ils n’entendent
que le tintamarre qu’ils font à la suite des quelques mots imprécis prononcés
par M. Fillon au sujet de l’avenir électoral de leur parti, mais suffisamment
clairs pour 72 % des sympathisants UMP (BVA pour iTélé).
« Le sourd n’entend pas
le tonnerre, mais il recevra la pluie ». Un grand nombre de ces
caciques seront battus, mais peu retourneront à leur charrue. En définitive,
une peine bien légère cette plaie d’orgueil, pour ceux qui ont accumulé
erreurs, bévues et fautes, revers et échecs. Ne sont-ils pas en place
impunément depuis plus de 30 ans ?
Entendent-ils ces centaines de
milliers de nos concitoyens qui, angoissés par l’insécurité, ont signé
une
pétition de soutien au bijoutier de Nice, victime d’une agression, sans
même se préoccuper du bien-fondé de son comportement ? La colère, la colère
seulement.
Non, nos hérauts, MM. Jupé,
Raffarin, Copé, Borloo et tant d’autres, n’entendent que les proclamations
auxquelles les destine ce rôle, mais pas le grondement. Même assiégés, ils
s’interrogent sur des évidences dans le cas des seconds tours électoraux
qui ne leur seraient pas favorables :
Peut-on voter socialiste ? La réponse est un non catégorique si le jugement porte
sur la conduite de notre économie. Il n’y a pas d’exemple de réussite d’une
économie socialiste.
Peut-on voter socialiste ? Poser cette question à leur électorat est absurde, s’il
s’agit d’approuver leurs réformes sociétales profondes concernant la
famille, l’enseignement, l’immigration, la sécurité, l’organisation de la
justice, le multiculturalisme, le vote des émigrés… Absurde, car ils
connaissent la réponse.
Que leur reste-t-il pour
affirmer la pertinence de leur rejet d’un autre compétiteur ?
Des « Valeurs »,
rarement précisées, alors que celles qui rejettent ces réformes
sociétales, terreau sur lequel prospère l’insécurité, et celles qui
visent à faire respecter l’identité et la culture françaises, fondent la
convergence de plus d’un Français sur deux, convaincus que sur ces chapitres,
le mal est à gauche et non à droite, même la plus extrême.
Des « valeurs »
rarement précisées, et quand elles le sont, elles ne sont pas convaincantes. On
en rira encore longtemps, en se rappelant qu’elles ont conduit des personnages
éminents devant les tribunaux pour des emplois fictifs. Certes, comme dans tous
les partis. Certes, « il n’y a jamais eu d’enrichissement
personnel ». Mais si l’intérêt financier d’un parti reste indispensable
aux carrières, c'est-à-dire aux intérêts personnels, il ne coïncide pas
forcément avec celui des contribuables, ni avec la morale politique ou la
morale tout court.
Certains de ces hérauts (M. Le
Maire) invoquent les « valeurs » du Général De Gaulle, pour condamner
tout contact avec un autre parti, en oubliant de rappeler que, n’écoutant que
son sens tactique, il avait nommé M. Maurice Thorez, Ministre d’Etat de la
France, malgré sa fuite à Moscou à la suite de la conclusion du pacte Germano-Soviétique,
soit avant le début des hostilités. Ne représentait-il pas en 1945 un
fort pourcentage du corps électoral ?
Croient-ils, ces
« leaders », qu’un reflux inexorable conduira à l’alternance et
qu’ils reprendront leur place ? Nous feront-ils courir le risque qu’il en soit
différemment, que le pouvoir soit confié de nouveau à M. Hollande, à la gauche
et à l’extrême gauche ? Et si l’alternance est gagnée, à quelles fins ?
Aujourd’hui seul l’un d’entre eux (M. Fillon) prévoit « 35 mesures
capitales », dont l’abandon des 35 heures, ce qu’il n’a pas osé, ou pu
faire, quand il était premier ministre, et l’abolition de l’obtention de la
nationalité française en vertu du droit du sol, ce qui, n’étant pas du goût des
socialistes, sera probablement mis aux oubliettes.
Est-ce la malédiction de la France de vivre ce
jugement d’Isaïe : « Ceux qui conduisent ce peuple l’égarent. Et ceux qui se laissent
conduire se perdent »?
Cette référence biblique
pourrait donner raison aux commentateurs de nos chroniques qui estiment
que « nous ne faisons que gémir inutilement devant un mur des
lamentations ». Hélas, nous ne sommes plus assez jeune pour conduire
une révolution, mais les pamphlets finissent parfois
par recueillir leurs fruits : nos concitoyens ne seront pas éternellement
aveugles ou impuissants.
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