lundi 9 décembre 2013

Les professions libérales entrent dans la contestation

Il ne manquait plus qu'eux! Médecins, pharmaciens, avocats, notaires, experts-comptables, architectes… c'est désormais au tour des professions libérales de manifester leur exaspération face à une fiscalité trop lourde et une réglementation exagérément tatillonne. Avec eux, c'est donc un nouveau front, on ne peut plus préoccupant, qui s'ouvre pour le gouvernement. Et ce après le carton jaune que lui ont adressé les patrons de PME début octobre, la fronde contre l'écotaxe partie de Bretagne des «bonnets rouges» ou encore la campagne «les sacrifiés» lancée mi-novembre par les commerçants artisans.
L'Union nationale des professions libérales (UNAPL) lance aujourd'hui
une mobilisation baptisée «les asphyxiés». Avec distribution de tracts à l'ensemble de la population, lancement d'une grande pétition «les métiers de la vie, moi j'y tiens», affichage de pancartes «les métiers de la vie en danger» dans tous les cabinets et une campagne sur Facebook et Twitter. Un hors-d'œuvre, avant le plat de résistance - une fusion avec la lutte des artisans est évoquée -, si l'exécutif ne répond pas positivement aux revendications des libéraux.
«Ce n'est qu'un apéritif, confirme Michel Chassang, leur président, aussi à la tête de la Confédération des syndicats médicaux français. Si on n'est pas entendu, on n'exclut pas de descendre dans la rue. D'Amiens à Bordeaux, partout où je me rends, je constate un ras-le-bol très fort et une franche hostilité. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour ne pas nous laisser dépasser par le terrain.»
Les libéraux ont trois revendi­cations. Premièrement, ils s'insurgent contre la fiscalité et notamment une plus grande progressivité de la contribution sociale généralisée (CSG), l'une des pistes de la réforme fiscale via sa fusion avec l'impôt sur le revenu. «On va en en prendre plein la figure, s'insurge Michel Chassang. Si ce projet passe, cela pourrait représenter jusqu'à un quadruplement de la CSG pour les libéraux! Il est hors de question qu'on se laisse faire.» Dans la rubrique fiscalité, les libéraux sont aussi remontés contre la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui a succédé à la taxe professionnelle. L'article 57 de la loi de financement de la Sécu prévoit une hausse de 40 % de la CFE pour les professions libérales placées sous le régime fiscal des bénéfices non commerciaux (BNC). Soit pour 80 % des libéraux.

Mission de concertation

Second sujet de discorde: les retraites. D'une part, les libéraux soupçonnent le gouvernement de vouloir faire main basse sur les 21 milliards d'euros de réserves de leurs caisses complémentaires alors que le gouvernement a décidé de désigner le directeur général directement en Conseil des ministres. Bref de mettre ces réserves sous ­tutelle! «On lorgne nos ressources qui ont été soigneusement économisées au fil des ans et qui doivent servir à ­financer les départs massifs des baby-boomers», s'étrangle un médecin. D'autre part, ils ­contestent le volet pénibilité, prévu dans la dernière réforme des retraites. Tout travail reconnu pénible permettra à celui qui l'a exercé de partir en retraite avec, au maximum, deux ans d'avance sur l'âge légal. «Un anesthésiste qui travaille 24 heures d'affilée, avec la responsabilité qui lui incombe, n'aura pas le droit au compte pénibilité. Mais les personnes qui ­travaillent avec lui y auront droit. C'est aberrant!», réagit Michel Chassang. Conscient du pro­blème, le gouvernement a confié à Michel de Virville, l'ex-DRH de Renault, une mission de concertation avant le déploiement, au 1er janvier 2015, du compte pénibilité.
Enfin, les 750.000 libéraux en ont assez de ne pas avoir voix au chapitre alors qu'ils emploient un million de salariés, représentent 25 % du secteur marchand et créent 100 milliards d'euros de valeur ajoutée par an. Parce qu'elle n'est pas présente dans les quatre secteurs majeurs de l'économie (industrie, construction, commerce et services), l'UNAPL n'est pas considérée comme représentative au niveau interprofessionnel à l'instar du Medef, la CGPME et l'UPA. «On est dépendant des autres organi­sations qui n'ont pas toujours les mêmes objectifs, rappelle Michel Chassang. Il est anormal d'exclure 2 millions de personnes de la négociation et d'accords qui s'appliquent à eux». Le rapport Combrexelle sur la question de la refonte de la représentativité patronale prévoit un «statut intermédiaire» pour l'UNAPL qui lui permettra d'être consultée en amont et en aval des décisions. «Les strapontins d'observateurs, on a déjà donné, ça ne sert à rien», assure Michel Chassang.

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