vendredi 20 décembre 2013

Quand la BCE admet entre les lignes qu"elle a un plan pour nous sortir de la crise : la déflation et les chômeurs

Alors que l’emploi fait partie des objectifs assignés à la BCE par le Traité européen, Benoit Cœuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne, a sous-entendu jeudi 12 décembre devant un parterre d'investisseurs que le chômage de masse dans les pays du sud de l'Europe ne représentait pas un problème et était au contraire un moyen de juguler les différentiels d'inflation.

Vous ne rêvez pas

Publié le 20 décembre 2013
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Le chômage de masse ne semble pas être un problème pour la BCE. Crédit Reuters
Il existait jadis des limites aux pouvoirs des banquiers centraux. Une époque révolue où les taux d’intérêt et les prix des actions étaient déterminés par les marchés, où les Etats pouvaient conduire une politique budgétaire sans demander l’autorisation de Francfort, où les Traités étaient à peu près respectés, où l’industrie financière n’était pas un terrain d’expérimentations pour de nouveaux superviseurs incompétents, où l’esprit critique était encore suffisamment vivace pour que les provocations verbales et les OPA institutionnelles de personnes non élues et au bilan dramatiquement mauvais ne soient pas complètement impunies. Les choses ont changé. Dans un univers de banquiers centraux de plus en plus indépendants, les normes se sont déplacées, le pouvoir n’est plus là où on le situait et (chose très récente) les apparatchiks de la BCE ne prennent même plus le temps de cacher leurs chantages. Je ne sais pas si c’est une stratégie du type "lettre volée" à la Edgar Poe, mais la communication de la BCE de ses dernières semaines défie l’entendement, défie les normes démocratiques et défie toutes les règles de prudence élémentaire jusqu’ici à peu près en vigueur dans ce milieu ("Notre indépendance dépend de notre capacité à ne pas dépasser nos limites", Helmut SchlesingerPrésident de la Bundesbank1992) : jugez plutôt :
1/ Devant des investisseurs (et si j’en crois un compte rendu de la Deutsche Bank), Benoit Coeuré a déclaré le 12 décembre, je cite : "Deflation in the south is part of the adjustment and is not in itself an issue", c'est-à-dire : la déflation des PIIGS n’est pas notre problème,le chômage de masse n’est pas un problème mais une solution, un moyen de juguler les différentiels d’inflation. Notons que ce processus d’ajustement (parfois baptisé "dévaluation interne" pour faire joli, si les gens savaient !!) prendra plusieurs décennies. Pas grave pour les 26 % de chômeurs : Weidmann de la Bundesbank a déjà prévenu l’année dernière que la crise serait longue, 10 ans au minimum, donc rien ne presse et tout est under control. Pour rappel, les chômeurs du Sud sont de vrais chômeurs, pas des travailleurs au black comme dans les années 80 ; faute de demande. Pour rappel, l’emploi fait partie des objectifs assignés à la BCE par le Traité européen (à condition de le lire). Et pour rappel l’agrégat monétaire M3 est à 1,4 % sur 12 mois en zone euro, contre une norme théorique BCE à 4,5 %... mais passons.
Il faut une bonne dose de morgue aristocratique pour balancer benoîtement une formule pareille en public (est-ce un nouveau ballon d’essai ?). Au passage, Benoit Coeuré fait mine de croire en creux à l'inflation par les salaires, thèse réfutée depuis des décennies par la théorie comme par la pratique. On savait que l’œuvre de Milton Friedman était victime d’un autodafé permanent à Francfort, mais tout de même ; quand un de mes élèves me parle d’une inflation non monétaire je le saque impitoyablement et il doit repasser tous ses examens, un réflexe monétariste de base qui soit dit en passant a un peu sauvé la Bundesbank dans les années 70 comparativement aux autres banques centrales.

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