Publié le 2/08/2013
Les exemples concrets et réels valant parfois mieux que les savantes analyses économiques, en voici un qui illustre admirablement l’incapacité d’Air France à s’adapter aux lois de son marché. Peu importe que la compagnie aérienne fasse partie de notre patrimoine national : sauf à mettre un terme à son aveuglement, c’est une inéluctable faillite qui l’attend en bout de piste.
Par Frédéric Georges-Tudo
Par Frédéric Georges-Tudo
Et de trois ! Avec l’annonce hier de 2500 suppressions d’emplois supplémentaires en 2014, Air France s’apprête à engager son troisième plan de départs volontaires en quatre ans. Une cure d’amaigrissement impérative et bienvenue de la part d’un transporteur aérien étouffé par des sureffectifs liés à son ancien statut d’entreprise publique. Mais sera-t-elle suffisante ? Rien n’est moins sûr. Car… Et de cinq ! En dépit des nouvelles mesures d’économie annoncées, la compagnie devrait afficher l’an prochain son cinquième exercice déficitaire depuis 2009.
Pour comprendre les raisons d’un tel gâchis, on pourra bien sûr avancer de multiples explications dont la première d’entre elles est sans doute l’insupportable corporatisme qui règne au sein d’Air France. Lorsque l’on doit composer avec des syndicats aussi puissants que déraisonnables et toujours prêts à bloquer le pays à la moindre revendication non satisfaite, il est certes très compliqué de réformer une entreprise. De même, continuer à devoir rendre des comptes à un actionnaire public (l’État détient encore 16% d’Air France) qui confond allègrement politique et économie, n’est surement pas le plus léger des boulets (voir la hausse annoncée en 2014 de 12,7% de la "taxe Chirac" prélevée sur les billets d'avion pour financer l'aide aux pays pauvres). Enfin, il serait injuste de
ne pas mentionner le handicap causé par le coût du travail en France, la fluctuation des tarifs pétroliers ou encore la concurrence low cost.
Il n’en demeure pas moins que ce traditionnel exposé socio-économique de la piètre situation d’Air France tend à faire oublier une réalité plus prosaïque mais néanmoins fondamentale : si la compagnie en est là aujourd’hui, c’est aussi et surtout parce qu’elle ne comprend plus rien à son marché. Semblant se contrefiche de l’évolution de la loi de l’offre et de la demande du transport aérien de passagers, elle continue à agir comme si de rien n’était. Fossilisée par ses réflexes d’opérateur jadis monopolistique, elle symbolise hélas à merveille le mal qui ronge notre pays tout entier. À savoir une incapacité flagrante à se mettre à l’heure du monde. Afin d’illustrer cette triste évidence, voici le cas tout simple mais éloquent d’un vol Paris - Genève pour une famille de 4 personnes le samedi 28 décembre 2013. C’est à dire le jour J du grand départ aux sports d’hiver pendant les vacances de Noël. Cet exemple nous en apprend plus que n’importe quelle analyse d’expert :
- Via Air France : 1 298 euros
- Via easyJet : 367 euros
Vol direct ; décollage en milieu de journée d’un aéroport proche de Paris (Roissy avec Air France et Orly avec easyJet) ; atterrissage à deux pas du cœur de Genève ; bagages en soute pour chacun des quatre passagers ; places numérotées réservées à l’avance ; possibilité d’emprunter le vol suivant ou de se faire rembourser intégralement sans frais en cas de vol manqué… Ces deux tarifs incluent des prestations en tous points identiques. Ou presque. Soyons honnête, notre « chère » compagnie nationale offre tout de même un bienfait qui fait toute la différence et justifie certainement l’écart de prix. Il s’agit du repas à bord. Quiconque a déjà eu le privilège de gouter les mets délicats servis sur ses vols intérieurs sait à quel point la gastronomie française y est portée à son plus haut niveau d’excellence. Et c’est heureux. Car au prix de 232,75 euros / personne, c’est bien le moins que l’on puisse attendre de ce déjeuner…
Des tarifs Air France trois fois et demie plus élevés que ceux de son principal concurrent sur un vol emmenant les Parisiens vers les Alpes un samedi de grand départ au ski ! Voilà ce que signifie l’expression « incapacité flagrante à se mettre à l’heure du monde ». Le transporteur aérien peut dégraisser, rationaliser, économiser, se restructurer, communiquer, se repositionner… autant qu’il le désire. S’il ne met pas très vite fin à de telles aberrations tarifaires, il est assuré de descendre en vrille jusqu’au crash final.
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