Tous les journalistes vous le diront : une des difficultés du métier c’est, face à une actualité répétitive, de garder sa fraîcheur de jugement. Ne pas être blasé pour ne pas passer à côté d’une info. Alors bien sûr, voir grandir à toute vitesse la pile des rapports sur l’état de la France, lire chapitre après chapitre les mêmes recommandations, les mêmes avertissements, les mêmes alarmes, ne peut que provoquer un sentiment de lassitude.
Le risque serait donc de détourner le regard, de ne pas écouter la complainte des Sages, tous ces experts
qui nous expliquent, au fil des rapports, que la situation de l’Europe est préoccupante et celle de la France catastrophique.
C’est d’ailleurs un peu sur cette lassitude que compte le gouvernement. En affirmant que les réformes sont en cours, en promettant que la croissance reviendra, il espère désamorcer les critiques des experts et endormir les gens. Malheureusement, et même en tenant compte de l’accord patronat-syndicats sur la compétitivité, même en imaginant que la prochaine réforme des retraites sera immensément ambitieuse, le compte n’y est pas. Coup sur coup, la Cour des Comptes, la Commission de Bruxelles et l’OCDE ont envoyé des semonces sur les comptes publics, la fiscalité, le coût du travail, le système d’assurance chômage, les effectifs de la fonction publique ou la dérive de l’école. Comment imaginer que tous ceux-là se trompent ? Ou qu’ils seraient enfermés dans un schéma de pensée unique et forcément perverti ?
La réalité est plus simple, plus cruelle aussi. Elle sort de la bouche du Commissaire européen en charge de tous ces dossiers, Olly Rehn : « L’heure des réformes courageuses a sonné ». On ne peut mieux dire que ce qui a été fait ou promis jusqu’à présent reste nettement insuffisant. Heureusement pour tous les journalistes, il reste donc beaucoup d’occasions de ne pas être blasés !