samedi 1 février 2014

Comment sauver le système de retraite français ?

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Un excellent point de départ pour une démarche "Benchmarking" qui ne sera

 jamais faite en France !

par IREF

Les exemples étrangers - Actes du Colloque

Au moment où la France refuse toute réforme « systémique » et s’accroche à un système par répartition en train d’exploser, d’autres pays ont choisi la capitalisation, pour une part dominante (Suisse) ou subsidiaire (Allemagne). La transition est bloquée en France pour des raisons corporatives (privilèges des régimes spéciaux), voire idéologiques.

Plus de 150 personnes ont assisté, le 21 janvier dernier, au colloque sur les retraites
organisé à Paris par l’IREF et l’association Contribuables Associés. Benoîte Taffin, porte parole de Contribuables Associés, a introduit le débat en appelant les enjeux économiques et politiques de la réforme des retraites en France. Comment d’autres pays voisins ont-ils réglé la question ?

Les trois piliers suisses

C’est le cas de la Suisse où il existe trois piliers, comme l’a très bien montré Victoria Curzon-Price, professeur d’économie à l’Université de Genève et administrateur de l’IREF.
1. AVS (1948) : assure les premiers 24.570 francs suisses (CHF, soit 20.000 €) de revenus annuels – système par répartition, redistributif, garantissant une rente minimale individuelle de 14.040 CHF (11.700 €) par assuré, et maximale de 28.080 CHF (23.000 €) . Cette rente est assurée par la Confédération. Le taux de remplacement est de 60%.
2. PP : Prévoyance Professionnelle : système par capitalisation, géré par 2.000 caisses mutuelles paritaires, obligatoire (1985) pour la tranche de revenus 24.570 – 84.240 CHF (20.000-69.000 €) et volontaire pour les tranches supérieures. L’assuré SE SENT PROPRIETAIRE… Il peut puiser dans son épargne pour acheter un logement.
3. Epargne privée défiscalisée plafonnée jusqu’à 6.600 CHF (5.400 €)

Les comptes d’épargne retraite subsidiaires en Allemagne

En Allemagne, le système est plus contraignant, même si l’épargne est privilégiée. D’après Alexander Fink, professeur assistant au Département d’Economie de Leipzig et chercheur associé de l’IREF en Allemagne, depuis les années 2000, l’Etat fédéral allemand favorise différentes formes privées d’assurance-vieillesse. En revanche, les mécanismes d’incitation enferment les épargnants concernés dans un système contraignant, et semblent davantage conçus pour les fournisseurs de services financiers que pour les épargnants. Si ces derniers avaient été invités à la table de négociation, la structure d’incitation aurait été plus forte et transparente et la flexibilité pour les épargnants plus importante. L’exemple américain démontre qu’une solution plus simple est possible.
Riester, Eichel et Rürup : une structure incohérente avec de faibles incitations
Le régime Riester
1) afin de bénéficier d’un avantage fiscal maximal, l’épargnant doit investir au moins 4 % de son revenu (ou au minimum 2 100 euros) dans un produit financier. Celui dont l’épargne est en-dessous de ce seuil touchera moins en compensation de l’Etat fédéral.
2) Pour chaque enfant touchant les allocations familiales, il est possible de rajouter 185 euros en épargne. Pour les enfants nés après 2007, le complément d’épargne s’élève à 300 euros par allocataire.
3) Une déduction jusqu’à 2 100 euros par an est autorisée dans la déclaration de revenus.
L’épargne doit être investie dans des produits certifiés (plans d’épargne, assurance-retraite privée, fonds d’investissement) et reste exonérée d’impôts jusqu’à maturité.
La retraite Riester est très peu flexible, puisque les paiements prennent la forme d’une rente viagère. Il reste possible de financer par exemple l’achat d’un bien immobilier au bénéfice de l’épargnant, mais non pour un logement loué à un tiers.
Le régime Rürup
Le régime Rürup s’adresse aux épargnants relativement aisés qui n’ont pas accès au régime Riester. Ici, le montant déductible s’élève à 20 000 euros pour un investissement d’épargne-retraite. Or jusqu’en 2025 ce montant n’est pas déductible en totalité : de 76% en 2013, celui-ci augmentera de 2 points chaque année jusqu’en 2025. Comme dans le système Riester, la valorisation du capital et les intérêts pendant la période d’épargne sont exonérés d’impôts. Seuls sont imposés les pensions de retraite versées. En revanche, la part imposable des versements augmente de 50 % (2005) par deux points jusqu’à 80 % (2020), puis par un point par en jusqu’à 100 % (2040).
Or, le régime Rürup est également très peu flexible. Par exemple, un contrat de ce type ne saurait être vendu. De même (et à l’instar du régime Riester), il n’est pas autorisé de retirer le capital épargné, même en partie. Le capital accumulé ne peut se transmettre en héritage, ni servir de garantie de prêt bancaire (mais un dispositif de versement au dernier vivant est possible).
Le régime Eichel
C’est un régime d’entreprise, qui offre aux salariés la possibilité d’épargner une partie du salaire et des cotisations sociales avant impôt sur le revenu. En 2013, les montants respectifs s’élèvaient à 2 784 euros et à 4 584 euros, à investir dans les « assurances directes », les fonds ou les caisses de pension. L’ « assurance directe » est une assurance-retraite, une assurance-vie (simple ou liée à un fonds) dont le capital en actions ne doit pas dépasser 35 %. L’épargnant qui arrive à la retraite a le choix entre une rente viagère, un retrait équivalant à 30% du capital moyennant une pension plus faible, et un retrait total du capital.
Les fonds de pension sont largement libres de leurs placements, et peuvent investir jusqu’à la totalité du capital en bourse. L’épargnant est tenu à la rente viagère à la retraite, mais peut retirer 30 % du capital en une fois.
Les caisses de retraite sont gérées par une ou plusieurs entreprises et fonctionnent comme une assurance. La part en actions de leur portefeuille ne doit pas dépasser 35 %. L’épargnant peut choisir entre une rente viagère, un retrait correspondant à 30 % du capital moyennant une pension moins élevée, et un retrait du capital dans sa totalité.
Les contrats directs consistent à fixer à l’avance un montant à verser au moment de la retraite. Le prestataire est libre de ses investissements, et les versements se font en une fois ou sous forme de rente viagère. Les modalités du contrat sont libres. Ce dispositif s’adresse surtout aux cadres dirigeants à salaire élevé.
Un avantage des régimes d’entreprise par rapport aux systèmes Riester/Rürup est la possibilité de récupérer l’intégralité du capital investi au moment du départ à la retraite. L’inconvénient est cependant que les salariés sont obligés d’investir dans des supports choisis par l’employeur.

La tyrannie du statu quo en France : les régimes très « spéciaux »

Alain Mathieu, président d’honneur de Contribuables Associés, a rappelé les privilèges du système de retraite public français et la nécessité de l’aligner sur le privé. Le total des pensions versées cette année aux retraités des régimes spéciaux de retraite, c’est-à-dire ceux des fonctionnaires et des entreprises publiques, comme la SNCF, EDF, et la RATP, s’élèvera à plus de 90 Milliards €. Et ce montant croît très vite : de plus de 4 Milliards € par an, car le nombre de retraités augmente de 3, 5 % par an et leur pension moyenne de plus de 2%. Si ces retraités avaient le même régime que les salariés du régime général, l’économie serait de plus de 45 Milliards €/an, Quand on sait que le MEDEF demande des économies de dépenses publiques de 100 Milliards € et que le président de la République dit que c’est impossible et qu’il ne pourra pas faire plus de 50 Milliards en 4 ans, on voit l’importance d’un alignement des régimes publics et privés, qui permettrait à lui seul, s’il était réalisé, de faire la différence entre les demandes du MEDEF et les projets du gouvernement. Et la demande du patronat n’est pas extravagante : si l’on voulait que les impôts et cotisations sociales versés par les entreprises françaises soient au niveau de ceux des entreprises allemandes, il faudrait les diminuer de 120 Milliards et non de 100.

Comment gérer la transition en France

Enfin, Jacques Garello, Professeur émérite à l’Université d’Aix-Marseille, président de l’ALEPS (Association pour la Liberté Economique et le Progrès Social) et administrateur de l’IREF, a conclu en rappelant que seul le passage à la capitalisation pourrait sauver les retraites en France. C’est le sujet de son livre intitulé Comment sauver vos retraites (Editions du libréchange, 2014).
Le système des retraites par répartition, obligatoire et centralisé, est promis à une explosion rapide, comme l’a rappelé le rapport Moreau (2013). Pourquoi ne pas changer de système et passer à la capitalisation, moins coûteuse et plus productive ? La classe politique et les syndicats n’en veulent pas. Mais les Français, désinformés, ont également peur de la capitalisation. Rien ne justifie cette peur, les performances des fonds de pension et compagnies d’assurances privées le démontrent. Le professeur Garello insiste sur deux points, rarement évoqués dans les débats :
1° Comment gérer la transition d’un système à l’autre sans que les Français aujourd’hui prisonniers de la répartition ne perdent pas au change ?
2° Quel est l’impact sur la croissance de la capitalisation et des perspectives d’investissement et d’emploi qu’elle ouvre grâce à l’utilisation d’une épargne aujourd’hui gaspillée ? Le passage à la capitalisation s’est partout accompagné d’une forte relance de l’économie.

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