dimanche 20 avril 2014

Cet héritage judéo-chrétien si bien assimilé que la France finit par l’oublier… voire par le nier

Lire absolument "Les Pierres d'angle" de Chantal Delsol.


David Cameron a récemment dénoncé les "non-croyants qui sous-estiment le rôle de la religion nécessaire pour élaborer un code moral". Le Premier ministre britannique remet ainsi sur la table la question de l'héritage religieux dont les Occidentaux sont pétris, et mêmes les plus athées et anticléricaux d'entre eux.

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Atlantico : Le Premier Ministre David Cameron a récemment fait parler de lui en évoquant sa foi chrétienne ainsi qu'en dénonçant les "non-croyants qui sous-estiment le rôle de la religion nécessaire pour élaborer un code moral". Un fait qui peut étonner de la part d'un dirigeant européen libéral à l'heure du XXIe siècle. quels sont encore les héritages "visibles" de notre passé judéo-chrétien ? Comment a-t-il évolué (ou non) sur les dernières décennies ?

Christophe Geffroy : En réalité, les héritages de notre passé judéo-chrétien sont partout présents et même les plus anticléricaux ne semblent pas réaliser que nombre de principes auxquels ils tiennent par-dessus tout proviennent du christianisme. Un livre remarquable l’a récemment abondamment prouvé, celui de Chantal Delsol, Les Pierres d’angle (Cerf), que j’invite vos lecteurs à lire si le sujet les intéresse. En effet, ces « pierres d’angle » de notre civilisation, Chantal Delsol en énumère quatre principales : le respect de la dignité de la personne humaine, la démocratie, la liberté de penser et la notion de progrès.
Le concept de dignité humaine n’a pu éclore que parce que le christianisme a développé la notion de personne, par analogie avec les trois personnes de la Trinité, et parce que cette personne est créée par Dieu à son image (cf. Gn 1, 26-27). En rejetant le christianisme, on veut toujours la dignité humaine, mais on ne sait plus ce qui la fonde ; et celle-ci n’étant plus conférée de l’extérieur, d’une façon transcendante, c’est donc l’homme lui-même qui en est juge,
d’où la porte ouverte à l’arbitraire et à toutes les dérives qui apparaissent aujourd’hui.
De même, l’égalité fondamentale des hommes devant Dieu postulée par le christianisme a permis à l’homme de s’émanciper des contraintes du groupe et a donc permis les conditions de la liberté individuelle qui est le terreau indispensable de la démocratie ; que cette émancipation de toute autorité supérieure ait été trop loin est une autre question, il n’empêche que c’est bien dans l’ère de la civilisation judéo-chrétienne et nulle part ailleurs que s’est développée la démocratie et l’on pourrait dire la même chose des autres « pierres d’angle » que j’ai évoquées.
Michel Maffesoli : C’est essentiellement en France que ce genre de propos (proches d’ailleurs de ceux que le président Sarkozy avait tenus lors d’une visite à Rome, sur la prééminence du rôle éducatif du curé sur celui de l’instituteur) choque. On sait que dans les pays anglo-saxons, l’affirmation de son appartenance religieuse fait partie des règles de sociabilité habituelles, mais ce qui coexiste d’ailleurs avec une grande diversité des pratiques religieuses.
La France est dans une situation paradoxale : de son rôle de “fille aînée de l’Eglise” elle a hérité une propension au monothéisme qui se retrouve d’ailleurs chez les catholiques traditionnels comme chez les tenants d’un laÏcisme rigoureux ; mais ce combat a également conduit à vouloir extirper de l’espace public toute référence religieuse.
Quoi qu’il en soit, c’est vrai que les grandes religions du Livre (Catholicisme, Protestantisme, Judaïsme, Islam) ont élaboré un ensemble de règles morales très approfondi : les Dix commandements de l’Ancien testament sont repris par les Juifs et les Chrétiens et le Coran définit également des devoirs moraux.
Ces règles qui stipulaient comment vivre sur terre pour gagner le salut (ce que j’appelle “l’économie du salut”) ont perdu de leur force transcendante. Mais la référence à leur origine religieuse subsiste. Ne dit-on pas d’ailleurs “un saint laïc” pour parler d’un incroyant qui se conduit bien ?

Comment expliquer cette persistance des symboles chrétiens à une époque "déchristianisée" ?

Christophe Geffroy : Cela s’explique précisément par ce que je viens d’expliquer de façon trop succincte : les choses auxquelles nous tenons le plus dans notre civilisation sont inhérentes, consubstantielles au christianisme, l’antichristianisme qui sévit actuellement ne peut donc en venir à bout sans renier les principes de base que tout le monde veut conserver. Le problème qui apparaîtra inévitablement si l’on continue dans cette voie, à savoir de combattre plus ou moins sournoisement le christianisme, c’est que ces principes auxquels nous croyons n’auront plus d’appui et risquent fort de s’effondrer ou d’être totalement vidés de sens. Prenons l’exemple de l’anthropologie : aujourd’hui nous en sommes arrivés à ne plus savoir ce que c’est qu’un homme ; d’un côté il est réduit au rang d’un simple animal, à un amas de cellules manipulables à merci, et, d’un autre côté, on l’entoure d’un culte comme un objet sacré, invoquant à tout-va des droits de l’homme en fait vidés de leur substance en les multipliant à l’infini !
Michel Maffesoli : La déchristianisation est, sur la longue période, relativement récente : elle débute au XVIIIème siècle, dans une petite élite pour s’étendre peu à peu, massivement depuis la Seconde Guerre mondiale.
Mais elle prend différentes formes : dans les pays d’Amérique latine comme en Afrique, c’est plutôt une forme de syncrétisme, mêlant toutes sortes de croyances ; ainsi au Brésil, malgré l’avancée importante des évangélistes protestants, très fondamentalistes, les pratiques des nouveaux convertis par rapport aux cultes afro-brésiliens (candomblé) ne disparaissent pas, au contraire.
En Europe, cette déchristianisation a connu une forme “areligieuse” pendant tout le siècle dernier, il n’est pas sûr que ce mouvement continue et je pencherais plutôt pour le développement chez nous aussi d’un certain syncrétisme, mêlant spiritualité orientale, latino-américaine, croyances New Age et vieux fonds chrétien.

N'y a-t-il pas par ailleurs un héritage oublié du judéo-christianisme ? Les valeurs dites républicaines comme la liberté, l'égalité et la fraternité ne sont-elles pas finalement les descendantes des principes de l'Eglise ?

Christophe Geffroy : Si bien sûr, cela se comprend aisément après ce que j’ai essayé de démontrer plus haut. Il est évident, en particulier, que le triptyque révolutionnaire liberté-égalité-fraternité est impensable sans l’arrière-plan chrétien. La liberté, l’égalité et la fraternité sont trois valeurs éminemment chrétiennes bien antérieures à leur proclamation par la Révolution française.

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