samedi 17 août 2013

A lire absolument : Les OGM ou l’obscurantisme français

8 août 2013, 20:19 Auteur :  6 commentaires


87283280banane-ogm-jpgPar Jacques de Guénin, ingénieur de formation, ancien élève de l’École des Mines de Paris et titulaire d’un Master of Sciences de l’université de Berkeley (Californie).
Après l’exception culturelle, voici l’exception culturale. Dans sa grande sagesse, le conseil d’État vient d’annuler l’arrêté de mars 2012 qui interdisait en France la culture du maïs transgénique. Mais cela n’a pas découragé le gouvernement de rechercher de nouvelles parades. Philippe Martin, le nouveau ministre de l’écologie, définit la position de l’État comme “d’une hostilité absolue à l’égard de ce qui est génétiquement modifié“. Pas de surprise, Philippe Martin a toujours été un écologiste ostentatoire. Au point de vouloir interdire les OGM dans son département du Gers par tous les moyens légaux à sa disposition, au point d’avoir voulu faire un référendum auprès de gens qui n’y connaissaient rien, alors qu’il est si simple de se documenter auprès de ceux qui savent, au point de recevoir avec égards José Bové qui a bâti sa célébrité sur la violence et le mépris des lois. Mais pour qu’il n’y ait pas d’équivoque sur l’impartialité politique de cet article, notons que Nathalie Kosciusko-Morizet, qui fut aussi ministre de l’écologie, mais sous Sarkozy, a défendu bec et ongles la même position. En France au moins, ce n’est donc pas une question de droite ou de gauche.
Si l’on veut comprendre à quel point cette exception “culturale” est ridicule, il faut prendre conscience qu’il existait l’année dernière dans le monde 170 millions d’hectares cultivés en OGM. Plus de 17 millions d’agriculteurs en cultivent dans 28 pays dont les États-Unis, l’Inde, la Chine, le Brésil, etc. Même Cuba vient de s’y mettre. Alors, vous pensez peut-être qu’il s’agit d’une mode récente dont on n’a pas encore bien mesuré les dangers. Eh bien pas du tout! Il y avait déjà plus de 100 millions d’hectares cultivés en OGM en 2007, dans 17 pays et par 8,5 millions d’agriculteursDu soja, du maïs, du colza, du coton et du riz sans compter les plantes thérapeutiques. Il y avait déjà 1,7 millions d’hectares en 1996, il y a dix-sept ans. On peut donc dire que cette progression n’est pas récente et qu’on a eu tout le loisir d’en mesurer les effets. Or on n’a pas encore noté un seul cas d’intoxication ou de conséquence négative sur l’environnement.
Pour l’environnement, c’est le contraireAinsi le maïs BT[1] permet d’éliminer la pyrale et la sésamie, parasites très virulents, et de diminuer ou d’éliminer les traitements phytosanitaires, ce qui devrait enchanter les verts. L’utilisation de deux espèces de riz génétiquement modifiés en Chine a permis de réduire de 80% l’utilisation de pesticides, ce qui a eu aussi comme conséquence d’améliorer la santé des agriculteurs.
Pour ceux qui connaissent le sujet, comme en France les chercheurs de l’Institut National de Recherche Agronomique, il est clair aujourd’hui que les OGM représentent un immense espoir pour les pays pauvres. Ils permettent de lutter contre les maladies des plantes (responsables de la perte de 30% des récoltes) et de les améliorer de diverses façons : résistance aux maladies, aux herbicides, amélioration des qualités nutritives et du goût, adaptation aux sols salés ou alcalins, résistance au froid et aux courants d’air, détoxification des sols par captation de métaux lourds. Ils permettent aussi la production de molécules utilisables pour fabriquer des huiles, des détergents, des fibres, et même de l’insuline. Certaines plantes transgéniques, comme le riz doré, pourraient contribuer à réduire les graves déficits en vitamine A et en fer qui frappent un nombre considérable d’êtres humains.
Les semences OGM ont des rendements plus élevés, permettent une meilleure nutrition, sont plus résistantes aux insectes, aux parasites et aux maladies. Enfin, elles nécessitent moins d’eau et d’insecticides. De nouvelles variétés sont développées, qui croissent mieux dans des conditions de sécheresse ou dans des milieux très humides, et qui pourraient aider à fournir des vaccins et des éléments nutritifs antidiarrhéiques.
Les biotechnologies libèrent les paysans les plus pauvres des chaînes d’une nature potentiellement destructrice. Ils paient les semences plus cher, mais ils utilisent moins d’eau et d’insecticides, obtiennent de meilleurs rendements et gagnent plus d’argent. Les agriculteurs d’Afrique du Sud qui sont passés aux plants OGM en témoignent volontiers, ainsi Richard Sithole: « Avec l’ancienne variété de maïs, j’obtiens 100 sacs de céréales avec mes 15 hectares. Avec le maïs BT, j’en obtiens 1000. ». Ou Thandi Myeni: « Avoir du coton BT signifie que je ne pulvérise mes champs avec des insecticides que deux fois par an, au lieu de six. À la fin de la journée, je sais que mes plants ne vont pas être détruits, que j’aurai une récolte et un salaire. »[2]
Quand Norman Borlaug, né dans de la campagne de l’Iowa, Docteur en agriculture de l’Université du Minnesota, a reçu le Prix Nobel de la Paix en 1970, le comité le lui décernant déclara que “ses travaux avaient permis de sauver environ un milliard de vies humaines”.  Il a par la suite remporté la Médaille Présidentielle de la Liberté et la Médaille d’Or du Congrès américain. Borlaug sait qu’il n’est pas possible de construire un monde pacifique avec des estomacs vides et de la misère humaine. En 2005 lors d’une conférence sur les biotechnologies parrainée par le Congrès pour l’Égalité Raciale aux Nations Unies, il a déclaré qu’il ne voyait aucun moyen de nourrir la population mondiale à venir sans avoir recours à des céréales génétiquement modifiées. Et il en a fait la preuve quantitative.
Les cultures OGM sont plus rigoureusement réglementées et testées que n’importe quelles autres, bien que ceci ne soit plus, selon l’avis de nombreux scientifiques, nécessaire : les Américains ont déjà mangé des millions de plats contenant des ingrédients OGM, sans que le moindre dommage n’ait été noté sur leur santé ou sur l’environnement, comme l’a noté Henry Miller, l’ancien directeur de la section des biotechnologies à la Food and Drug Administration.
Il y a hélas beaucoup de gens en France, autour de José Bové, d’ATTAC, ou même au gouvernement, qui expliquent benoîtement qu’ils ne sont pas a priori contre les OGM : ils demandent seulement que l’on n’en plante pas tant que l’on n’aura pas établi leur absence de nocivité au moyen de recherches appropriées. On se demande alors pourquoi José Bové et ses acolytes ont commencé par le sabotage des installations de recherche. Le 5 juin 1999, dans notre beau pays de France, dans cet État de droit où l’on apprend qu’il ne faut pas se faire justice soi-même, une centaine de personnes appartenant à la Confédération Paysanne, pénétrèrent par effraction dans une serre du Cirad, organisme public de recherche agronomique. Devant les journalistes convoqués pour l’occasion, la bande procéda à la destruction d’ordinateurs et de milliers de plans de riz, génétiquement modifiés pour améliorer leur résistance à la sécheresse et la salinité.
Incidemment, elle détruisait aussi l’émulation salutaire qui existait entre le Cirad et l’université de Cornel, aux USA, laquelle faisait des travaux sur le même sujet. Mais ses chercheurs, eux, n’ont pas bénéficié d’un José Bové. Ils ont mis au point un riz à concentration élevée en tréhalose, un sucre qui permet une résistance accrue à la sécheresse et à la teneur du sol en sel. Ce riz est capable de résister à des sécheresses intenses et de renaître à la moindre goutte de pluie. De même, il survit dans des sols contenant 50% plus de sel que les zones de culture considérées comme très salées. Enfin il supporte des températures inférieures de dix degrés à celles que peut supporter la variété non transgénique. Un immense progrès pour les pays pauvres.
Il est à peine besoin de mentionner les destructions systématiques de champs plantés en maïs OGM auxquels se livrent régulièrement les nervis de José Bové.
Un autre des griefs mis en avant par les écologistes anti-OGM est que le développement des OGM est fait par des compagnies privées pour accroître leurs profits au détriment du tiers monde. C’est faire preuve d’une ignorance qui confine à la stupidité :
- d’abord parce que beaucoup de découvertes utiles sont faites dans des universités et des instituts de recherche publics. Or ce sont celles-là que les délinquants détruisent, car les compagnies privées se protègent mieux.
- ensuite parce que les sociétés privées ont une incitation beaucoup plus forte que les organismes publics à ne pas commettre d’erreur sur le plan de l’environnement ou de la santé. Pour elles c’est simplement une question de vie ou de mort.
- enfin parce qu’elles sont bien obligées de fabriquer des produits assez bon marché pour que les gens aient intérêt à les acheter.
Enfin, les ignorants prétendent qu’avec les OGM, les agriculteurs sont obligés d’acheter les semences chaque année. Cela fait rire les agriculteurs, qui ne cultivent que du maïs hybride depuis plus de cinquante ans, et achètent déjà leurs semences chaque année. En effet, la fabrication du maïs qui servira de semence l’année suivante, dit le “maïs semence”, exige beaucoup de main d’œuvre temporaire et est donc beaucoup plus coûteuse à produire que le maïs qui sera consommé[3]. Il se fait sous le contrôle des “semenciers”, qui l’achèteront à un prix plus élevé que le maïs consommation. Il n’y a pas de relation entre la quantité de maïs semence fabriqué dans une ferme et ses besoins en semence l’année suivante. Il est donc plus commode pour un fermier de vendre son maïs semence à un semencier et à lui acheter les semences dont il aura besoin l’année suivante. L’argument de Bové qu’avec les OGM on devra acheter les graines aux marchands de semence au lieu de les produire soi-même révèle soit une ignorance confondante, soit de la mauvaise foi.
Lorsque des gens que l’on croit intelligents font des âneries, il ne faut pas en conclure que ce sont des ânes. Il faut se demander pourquoi ils le font. Que Philippe Martin soit intelligent, cela ne fait pas de doute. Il a été le plus jeune préfet de France, dans les Landes, et il a eu le courage de démissionner pour se présenter aux élections législatives et à celles du Conseil Général dans le Gers. Il a été élu député et président du Conseil Général.
Que NKM soit intelligente, cela fait encore moins de doute et en plus elle a une formation scientifique, que n’a pas Philippe Martin : elle a obtenu un baccalauréat scientifique à 17 ans et est entrée à l’École Polytechnique à 19 ans. Elle a pris ensuite comme école d’application l’École du Génie Rural et des Eaux et Forêts. En 1997, elle a obtenu un MBA du “Collège des Ingénieurs”, établissement international de grande réputation.
Peut-être se trouvera-t-il des lecteurs de ce texte pour m’expliquer ce qui motive ces gens intelligents lorsqu’ils ont un comportement aussi rétrograde. Une hypothèse possible est que l’un et l’autre sont plus intéressés par leur carrière politique que par les OGM, et pensent qu’il est politiquement payant de faire la cour aux écologistes.
Quoiqu’il en soit, le combat contre les OGM relève de la barbarie et de l’obscurantisme. Il nous rend ridicules dans les autres pays civilisés. Il a fait perdre beaucoup de temps à nos meilleurs chercheurs, dont certains ont préféré partir à l’étranger. Il diminue la compétitivité de notre agriculture et il a fait prendre un retard peut-être irréversible aux semenciers français qui comptaient pourtant parmi les meilleurs du monde.
Jacques de Guenin


[1] Ainsi nommé parce qu’une bactérie appelée Bacilius Thurengiensis, issue du sol, a été introduite dans la graine de ce maïs. Cette bactérie contient une protéine qui tue trois espèces de chenilles meurtrières pour le maïs, comme pour le coton.
[2] Citations extraites d’une étude de l’institut Molinari intitulée Nourrir la planète, par Paul Driessen.
[3] . Pour obtenir des semences de maïs hybride, on “castre” le maïs afin d’obtenir une plante exclusivement femelle, donc qui ne soit pas fécondée par le pollen male des maïs non castrés, qui sont hermaphrodites.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire