Ce sont deux entailles, deux petites déchirures lourdes de sens mais passées inaperçues ou presque dans le fatras des annonces de Jean-Marc Ayrault sur la réforme des retraites. C’est d’abord la création du compte individuel pénibilité qui permettra à un salarié de partir plus tôt à la retraite du seul fait qu’il aura été exposé à des travaux pénibles. Et cela même si le salarié est en excellente santé, alors que jusqu’ici, ce type de départ anticipé était ouvert à ceux qui avaient subi une invalidité du fait de leur travail. On peut bien sûr trouver cette disposition évidente de justice : personne n’est a priori favorable à la pénibilité ! Sauf que la fonction du système de retraite n’est pas de corriger poste par poste, emploi par emploi, les
inégalités au travail mais d’apporter un revenu de remplacement à quiconque termine sa vie professionnelle. Le compte pénibilité, c’est le basculement du principe de l’assurance vers un mécanisme de redistribution.
Même évolution avec l’effet domino des hausses de cotisations. Le Premier ministre, engagé à ne pas (pas trop ?) augmenter le coût du travail, a promis que les hausses de cotisations-retraites des employeurs seraient compensées et par ricochet répercutées sur les Français, ménages, consommateurs, épargnants… et retraités ! Or jusqu’à présent, le système reposait sur un principe simple de répartition : ceux qui travaillent, les actifs, payent pour les inactifs. Bientôt, les retraités seront donc taxés pour financer une partie de leur retraite.
C’est pour l’instant peu de choses, mais c’est une véritable rupture dans le pacte français sur les retraites. Et il y a là de quoi assouvir pour longtemps la passion française pour la redistribution et la fiscalité.