jeudi 8 août 2013

Accusée de «laxisme» par l'UMP, la garde des Sceaux a fustigé «la désinvolture» de ses prédécesseurs Place Vendôme.

L'occasion était trop belle. Et Christiane Taubira ne s'est pas privée de la saisir. Accusée de laxisme depuis son arrivée Place Vendôme, en mai 2012, la garde des Sceaux a taillé en pièces l'opposition après les révélations du Canard enchaîné sur l'erreur juridique commise en 2004 lorsque l'UMP Dominique Perben était ministre de la Justice. Préférant le terme de «faute juridique» à celui de «bourde», elle a fustigé mercredi «le laxisme de la droite» et une «désinvolture qui a duré plus de huit ans», de 2004 à 2012.

«Je suis extrêmement préoccupée par ce laxisme de la droite, des gouvernements successifs», a lancé
Taubira au cours d'une déclaration solennelle à la presse. Pour elle, ces gouvernements de droite «ont ainsi pris des risques considérables pour la sécurité des Français, pour la protection des victimes et bien entendu pour la récidive car il y a dans cette désinvolture qui a duré plus de huit ans un message d'impunité, puisque des personnes qui ont été condamnées seront élargies du seul fait d'erreurs législatives». Voilà ce qui s'appelle renverser la charge de la preuve.


En cause: un décret pris par Dominique Perben et dans lequel était listée une série d'actes interrompant la prescription de l'exécution des peines, c'est-à-dire le délai à l'issue duquel la peine ne peut plus être exécutée. Or, dans deux décisions rendues le 26 juin 2013, la Cour de cassation a estimé que de telles dispositions ne pouvaient être fixées que par la loi et non par un décret.
Résultat: des détenus, dont on ne connaît pas encore le nombre, sont en droit de réclamer leur libération immédiate et de demander une indemnisation à l'État pour incarcération arbitraire. Au total, les dossiers de 3499 détenus vont être passés au peigne fin. Selon les données communiquées par Taubira, sur 848 condamnations déjà étudiées, «six personnes ont déjà fait l'objet d'une libération». «Nous ferons une totale transparence sur cette affaire», a promis Christiane Taubira sur BFMTV, ajoutant que le nombre de détenus libérés devrait être connu en fin de semaine. Poussant son avantage, la garde des Sceaux a également lancé à l'adresse de la droite: «Nous sommes aux responsabilités. Donc, nous allons assumer.»
L'affaire - très sensible - est surveillée comme le lait sur le feu au sommet de l'État. François Hollande a reçu la garde des Sceaux à l'Élysée mercredi après-midi pour «faire le point sur les conséquences de ce problème et rectifier le tir afin de ne pas en subir les conséquences», confie un conseiller élyséen. «Le premier ministre est en contact permanent avec le président de la République et Christiane Taubira», confie un conseiller de Matignon où l'on se dit «indigné des manœuvres grossières de la droite dont le bilan est lamentable».
Quelques jours après la polémique sur les trois condamnés de Dreux, dont l'exécution de la peine a été reportée en raison d'un manque de place en prison, Hollande et Ayrault veulent s'épargner un nouveau procès en laxisme. «Il devrait y avoir très peu de sortie», affirme-t-on d'ailleurs Matignon où l'on assure que «toutes les voies de droit seront utilisées pour éviter ces sorties».
Face à une droite quelque peu gênée, le PS ne compte pas lâcher l'affaire. Au risque peut-être d'en faire trop? «Dans le fond, il n'est pas illogique que les successeurs de Perben n'aient pas été informés ou alertés sur cette erreur juridique, concède un dirigeant socialiste. Une fois qu'une disposition est prise, elle est lancée et elle ne remonte pas jusqu'au ministre ensuite.» Pour savoir ce qui s'est réellement passé, le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale Jean-Jacques Urvoas a proposé «d'entendre les ministres successifs» de la Justice. «Il faut que l'on comprenne pourquoi une telle erreur n'a pas été détectée et ce qu'il faut mettre en place pour que cela ne se reproduise plus», confie-t-il. Christiane Taubira, dont la réforme pénale n'est toujours pas bouclée, devrait s'envoler bientôt pour la Guyane où elle a prévu de passer ses vacances. Pour le moment, la date de son départ n'est pas arrêtée. Ses conseillers ont préréservé un billet aller sur trois vols. Rien de moins.


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