Les Français sont des gens formidables. Ils ont une patience inouïe, à moins que ce ne soit une crédulité infinie. Il a ainsi fallu attendre que les feuilles d’impôt arrivent dans les foyers pour que s’exprime (enfin) le ras-le-bol fiscal. Jusque là, ils avaient cru que neuf Français sur dix seraient épargnés, que seuls les riches paieraient, et que la formule magique « tout-pour-la-justice-fiscale » signifiait : « Les-hausses-d’impôt-sont-pour-les-autres ». Ils ont depuis déchanté, et ils ne doivent plus être très nombreux, ceux qui se déclarent confiants dans la remise à plat de la fiscalité ou dans la pause fiscale. D’ailleurs, il y aura encore au moins une quinzaine de hausses, de nouveaux impôts et taxes en 2014.
Les Français étant des gens formidables, les voilà qui s’inquiètent de voir que des Européens
peuvent venir travailler chez eux à des conditions sociales avantageuses pour l’entreprise qui les envoie. C’est la fameuse question des « travailleurs détachés », un de ces épouvantails à la sauce bruxelloise qui promet d’animer les campagnes électorales à venir. Il faut bien sûr lutter contre les abus et dérives que cette directive a pu engendrer, mais que la France prenne la tête de la croisade est une supercherie. C’est en effet parce que nos entreprises payent plus de charges que les travailleurs détachés sont si nombreux chez nous. Et au lieu de se concentrer sur la réduction du coût du travail et des prélèvements sur les salaires, la France préfère dresser des barrières aux frontières pour taxer, contrôler, réglementer le travail. Pour l’heure, les Français croient encore que leur modèle est le meilleur, qu’il faut le protéger contre la menace sociale étrangère. Viendra un jour où ils feront (enfin) le lien entre charges sociales et chômage, entre coût du travail et déclassement économique. Un jour où ils ressentiront une forme de ras-le-bol social.
Nicolas Beytout
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