ANALYSE Par Contrepoints
Publié le dans Monnaie et finance
Par Dan Popescu.
Robert Mundell, lauréat du prix Nobel d’économie, a dit, en décembre 1999, en recevant son prix, que « la chose la plus importante qu’il nous manque aujourd’hui est une monnaie universelle, un standard de valeur, le lien entre le passé et le futur et le ciment qui réunit ensemble des lieux lointains de la race humaine »1. Il a aussi rappelé que l’or a rempli ce rôle depuis le temps de l’Empereur romain Auguste jusqu’en 1914 et que « l’absence aujourd’hui de l’or comme partie intrinsèque de notre système monétaire rend ce siècle, celui qui vient de se terminer, unique depuis plusieurs millénaires»2.
Avant la Première Guerre mondiale, la livre sterling occupait la place d’honneur grâce à la force économique, aux réserves d’or et à l’étendue géographique de l’Empire britannique. La dette du Royaume-Uni avant la Première Guerre était de 29%, mais après deux guerres, elle a explosé à 240% du produit intérieur brut.
En 1944, après ces deux guerres désastreuses, surtout pour l’Europe, une conférence monétaire
internationale a été organisée à Bretton Woods, aux États-Unis, pour créer un nouveau système monétaire international. La Grande- Bretagne se présentait à la conférence affaiblie, alors que les États-Unis avaient subi très peu de dommages, avaient une dette acceptable, un surplus budgétaire et de grandes réserves d’or. Comme le décrit Benn Steil dans son livre The Battle of Bretton Woods, les États-Unis ont profité de cette position de force et ont imposé aux Anglais et au monde entier un système monétaire basé sur le dollar américain, mais soutenu par l’or.
Trente ans plus tard, avec la mauvaise gérance des fonds publics et deux guerres (Corée et Vietnam) très coûteuses, la pression sur le dollar américain est devenue insoutenable. Sous la pression des demandes internationales de conversion du dollar en or, en 1971, le Président Nixon a mis fin à la couverture en or du dollar et, ainsi, aux accords de Bretton Woods. Un retour au standard or a été proposé par le Général de Gaulle, président français qui, dans un discours en 1965, a dit:
« Nous tenons donc pour nécessaire que les échanges internationaux s’établissent, comme c’était le cas avant les grands malheurs du monde, sur une base monétaire indiscutable et qui ne porte la marque d’aucun pays en particulier.
Quelle base? En vérité, on ne voit pas qu’à cet égard il puisse y avoir de critère d’étalon autre que l’or. Eh oui! L’or, qui ne change pas de nature, qui se met, indifféremment, en barres, en lingots ou en pièces, qui n’a pas de nationalité, qui est tenu, éternellement et universellement, comme la valeur inaltérable et fiduciaire par excellence »3.
Malheureusement cela n’a pas eu lieu et, depuis, nous sommes sur un standard de dollar américain de monnaie fiduciaire sans aucune couverture réelle (or ou or et argent), et qui donne aux États Unis un « privilège exorbitant », comme l’a dit le ministre des finances d’alors et futur président de la France, Valéry Giscard d’Estaing. Les déficits et la dette américaine sont devenus exorbitants et, par conséquent, le système monétaire international basé sur le dollar est sur le point de s’écrouler. La question pour moi n’est pas si, mais quand et comment l’écroulement du système « dollar » va se produire. En tous cas, quel que soit le résultat, il est évident déjà que l’or en fera partie d’une façon ou d’une autre. Jusqu’à ce moment-là, l’or va monter en prix contre toutes les monnaies fiduciaires de papier, car l’or adore le chaos et l’incertitude.
Quel sera le nouveau système monétaire international? Il y a plusieurs scénarios et ils dépendent tous de la façon dont la crise va se produire et comment la transition va se faire. Robert Mundell a prédit en 1999 que « L’or va faire partie du système monétaire international dans le 21ème siècle »[4. Bernstein, Peter L., The Power of Gold, 2000]. L‘or retrouvera ce rôle traditionnel de monnaie universelle quand le dollar américain, l’euro et le yen ne fonctionneront plus comme des moyens acceptables de paiement au niveau international. Ceci me semble être le cas, car tous les pays sont endettés au maximum possible. Tous ont abusé de la planche à billets « à l’infini ». Les deux graphiques ci-dessous montrent l’évolution de la dette américaine et le prix de l’or depuis 1970 et la balance des paiements courants de plusieurs pays.
Le scénario-catastrophe serait un écrasement total du dollar américain dû à une déflation ou une hyperinflation. Dans ce cas, je vois l’or s’imposer comme standard pur de facto, car aucune autre monnaie fiduciaire n’est assez forte en ce moment pour remplacer le dollar. En plus, la chute du dollar américain risque d’emporter avec lui d’autres devises comme l’euro, la livre sterling, le yen, etc.
Un autre scénario moins drastique serait une négociation semblable aux négociations de Bretton Woods, sous l’auspice du Fond Monétaire International, avant un écrasement total du dollar. Des études ont déjà proposé une monnaie internationale comme les droits de tirage spéciaux (DTS) du Fond Monétaire International. Jim Rickards, dans son livre s, semble croire que ce soit le scénario le plus plausible. Une version inclut une proportion d’or (20% à 30%). Une autre serait une devise internationale soutenue en partie par l’or. Il est aussi possible qu’il y ait une période transitoire avec plusieurs monnaies de réserve (dollar américain, euro, livre sterling, yen, yuan, rouble, etc.), sans qu’aucune ne domine les autres, mais qui serait, à mon avis, très instable et de courte durée. Même dans ce cas-ci, l’or y jouerait un rôle très important. Pour donner une crédibilité à leurs devises, les pays achèteront de l’or pour leurs réserves monétaires.
Tout indique que, même si les gouvernements, à travers leurs agences monétaires comme les banques centrales, le nient publiquement, l’or est déjà accumulé en vue de mieux se positionner dans ce futur système monétaire international. Les pays émergents sont les plus actifs sur le marché de l’or, car ils en ont très peu dans leurs réserves. La Chine et la Russie ont clairement indiqué par leurs paroles, mais aussi par leurs achats, que l’or est à la base de leurs stratégies de soutien de leurs devises.
En ce moment, nous vivons des changements majeurs qui ne se produisent que tous les cent ans. Un de ces changements se produit dans le domaine monétaire et, plus particulièrement, en ce qui concerne la monnaie-papier. Par un abus constant, les souverains durant cent ans ont totalement détruit la réputation et, par conséquent, la valeur de leurs devises. Et cela, parce que la confiance est la seule force d’une devise fiduciaire. Pour rebâtir la confiance, il faut revenir à une base réelle, et la seule qui a fait ses preuves depuis plus de 5,000 ans, qui a été reconnue et respectée à travers le monde entier, est l’or et l’argent.
« Si tout échoue, possiblement aussi le nouveau plan de droits de tirage spéciaux (DTS), l’or attend dans les coulisses comme un protecteur de valeur et une monnaie universelle. En fin de compte, une lutte mondiale entre l’or et le DTS pour devenir « monnaie » suprême peut être le prochain choc qui va s’ajouter à la longue liste de chocs historiques sur le système monétaire international » Jim Rickards
Le graphique ci-dessous donne quelques indications de la valeur du dollar américain si un retour au standard or est décidé. Une couverture en or du dollar américain de 100% représenterait $11,384 par habitant alors qu’une couverture en or de 40% représenterait $4,554 par habitant.
La formule utilisée par Nick Laird vient de Jim Rickards. Elle est fondée sur la règle instaurée au début des années 1900, lorsque la masse monétaire était soutenue à 40% par de l’or.
Pour la formule de ce graphique, vous prenez la masse monétaire et la divisez par la population, puis vous en calculez 40% pour obtenir le résultat.
La courbe bleue représente la règle historique des 40% que nous avions sous le standard-or. La courbe noire représente la masse monétaire soutenue à 100% par de l’or et, comme on peut le voir sur les dépassements, elle peut être atteinte.
La courbe bleue nous donne une cible et la courbe noire nous indique une hausse potentielle, alors que la valeur de l’or se rapproche de la taille de la masse monétaire.
En 1944 nous avons vécu un transfert de pouvoir de la Grande-Bretagne, l’empire sur lequel le soleil ne se couche jamais, mais pleine de dettes et meurtrie par la guerre, vers les États-Unis. De la même façon, aujourd’hui on vit un transfert de pouvoir de l’Empire américain, lui aussi affaibli par plusieurs guerres et plein de dette qu’il ne pourra jamais rembourser, vers la Chine. On constate actuellement, sur la scène internationale, la même arrogance de la part des États-Unis envers la Chine qui s’est produite en 1944 de la part du Royaume-Uni envers les États-Unis, et que décrit si bien Benn Steil dans son livre sur les négociations de Bretton Woods.
Dans ce changement séculaire géopolitique et monétaire qui se produit, l’or va briller de nouveau dans son rôle historique d’extenseur de dette et de havre de stabilité monétaire. Quel que soit le dénouement de cette crise monétaire séculaire, il est évident que l’or y sera à un prix bien plus haut qu’aujourd’hui par rapport aux monnaies fiduciaires.
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