Alors que l’emploi fait partie des objectifs assignés à la BCE par le Traité européen, Benoit Cœuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne, a sous-entendu jeudi 12 décembre devant un parterre d'investisseurs que le chômage de masse dans les pays du sud de l'Europe ne représentait pas un problème et était au contraire un moyen de juguler les différentiels d'inflation.
Vous ne rêvez pas
Le chômage de masse ne semble pas être un problème pour la BCE. Crédit Reuters
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Il existait jadis des limites aux pouvoirs des banquiers centraux. Une époque révolue où les taux d’intérêt et les prix des actions étaient déterminés par les marchés, où les Etats pouvaient conduire une politique budgétaire sans demander l’autorisation de Francfort, où les Traités étaient à peu près respectés, où l’industrie financière n’était pas un terrain d’expérimentations pour de nouveaux superviseurs incompétents, où l’esprit critique était encore suffisamment vivace pour que les provocations verbales et les OPA institutionnelles de personnes non élues et au bilan dramatiquement mauvais ne soient pas complètement impunies. Les choses ont changé. Dans un univers de banquiers centraux de plus en plus indépendants, les normes se sont déplacées, le pouvoir n’est plus là où on le situait et (chose très récente) les apparatchiks de la BCE ne prennent même plus le temps de cacher leurs chantages. Je ne sais pas si c’est une stratégie du type "lettre volée" à la Edgar Poe, mais la communication de la BCE de ses dernières semaines défie l’entendement, défie les normes démocratiques et défie toutes les règles de prudence élémentaire jusqu’ici à peu près en vigueur dans ce milieu ("Notre indépendance dépend de notre capacité à ne pas dépasser nos limites", Helmut Schlesinger, Président de la Bundesbank, 1992) : jugez plutôt :
Il faut une bonne dose de morgue aristocratique pour balancer benoîtement une formule pareille en public (est-ce un nouveau ballon d’essai ?). Au passage, Benoit Coeuré fait mine de croire en creux à l'inflation par les salaires, thèse réfutée depuis des décennies par la théorie comme par la pratique. On savait que l’œuvre de Milton Friedman était victime d’un autodafé permanent à Francfort, mais tout de même ; quand un de mes élèves me parle d’une inflation non monétaire je le saque impitoyablement et il doit repasser tous ses examens, un réflexe monétariste de base qui soit dit en passant a un peu sauvé la Bundesbank dans les années 70 comparativement aux autres banques centrales.
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