vendredi 6 décembre 2013

France, l’impact des fonds de pension sur l’emploi Environ 300.000 emplois pourraient être créés en 3 ans


par IREF

La vraie réforme des retraites est le passage à la capitalisation. L’IREF en a calculé les performances chiffrées : des retraites d’un montant supérieur au dernier salaire perçu. C’est ce vers quoi se sont orientés la plupart des pays européens, comme les Pays-Bas. Mais la retraite par capitalisation est gérée par les fonds de pension qui créent des emplois car ils investissent dans les entreprises et l’immobilier.
L’IREF a calculé ce que les fonds de pension pourraient apporter à la France en termes d’emplois.
• Si les fonds de pension en France étaient aussi dynamiques qu’aux Pays-Bas, investissant alors près de 4 milliards de dollars par an, ils permettraient la création de 264 000 emplois sur la période 2013-2017
• Si des fonds de pension participaient à des investissements à hauteur de 1 milliard d’euros par an, cela représenterait la création de 88 000 emplois à horizon 2017, c’est-à-dire une baisse de plus de 2% du chômage.
• Un emploi créé par des fonds de pension en France coûterait 2 fois moins cher qu’un emploi d’avenir !
La dégradation de la note souveraine de la France par Standard & Poors fait écho au recul du pays dans le classement Doing Business 2013. Ces deux événements traduisent en réalité un même phénomène : la méfiance des investisseurs à l’égard d’une économie morose. Dans ce contexte, les expériences américaine et néerlandaise apportent une solution simple, bien qu’inattendue, qui consiste à orienter les investissements des fonds de pension vers l’économie réelle, et en particulier à destination des secteurs les plus touchés par la crise.

Les stratégies gagnant-gagnant des fonds de pensions américains et néerlandais

L’objectif principal des fonds de pension est d’offrir la plus grande rentabilité à leurs épargnants pour un minimum de risques. L’avantage de ces fonds réside dans leur effet de « taille » qui leur permet de constituer des portefeuilles complexes dans lequel le risque de chaque actif est atténué par l’ensemble des autres actifs du portefeuille. Aussi, il n’est surprenant que les fonds de pension orientent la plus grande partie de leurs capitaux vers des placements financiers, souvent très structurés, ce qui contribue grandement à détériorer leur image et à provoquer la suspicion des détracteurs de la finance. Pourtant, à y regarder de plus près, il semblerait que cette conclusion soit à nuancer. En effet, aux Etats-Unis tout comme aux Pays-Bas, deux des nations accueillant les plus gros fonds de pension au monde, une part des placements de ces fonds bénéficie directement au secteur réel sans pour autant perdre de rentabilité. Aux Pays-Bas, les actifs des fonds de pension représentent 160 % du PIB, aux Etats-Unis, 75 % du PIB contre …0.33 % du PIB en France.
Actifs des fonds de pension (en % du PIB)
FRANCEPAYS-BASETATS-UNIS
0.33 %160 %75 %
OCDE, 2012
Ces investissements, appelés ETI (Economically Targeted Investments) remplissent un triple objectif : générer un rendement élevé pour les épargnants, faciliter la création d’emplois et promouvoir le développement durable. Ils peuvent prendre la forme de participation à un trust, de rachat des dettes de grandes et moyennes entreprises ou encore d’investissement direct dans un projet économique précis. Majoritairement, ces investissements se font à destination du secteur de la construction immobilière, et plus particulièrement de la construction de logements pour les revenus modérés. Bien que les investissements immobiliers ne représentent qu’une part minime du capital total des fonds de pension, leurs effets sur le secteur réel demeurent substantiels.
Ainsi, sur la période 1995-2011, les fonds de pension américains ont investi 1,22 milliards de dollars par an dans la construction de logements à loyers modérés et les investissements dans le secteur réel ont représenté 4 milliards de dollars par an pour les fonds de pension néerlandais.
La part de ces investissements dans le total des actifs des fonds de pensions s’élève à moins de 0,004%, ce qui démontre clairement le potentiel productif de ces fonds, si leurs investissements venaient à être favorisés par les pouvoirs publics.
L’exemple américain est le seul à avoir fait l’objet de statistiques. Durant l’année 2011, certains fonds ont utilisés leurs capitaux pour relancer l’activité de territoire en récession. Ainsi, à San Francisco, le fonds ALF-CIO Housing Investment Trust a permis d’embaucher 270 ouvriers du bâtiment pour construire des logements à destinations des ménages les plus pauvres de la région. De même, le Building Investment Trust a investi 353 millions de dollars dans le Maryland pour développer le complexe de locaux commerciaux « Ritchie Station Marketplace », ce qui a permis d’embaucher 1000 personnes dans le secteur de la construction.

Investissements immobiliers des fonds de pension : perspective française

Sur la période 1995-2011, les fonds de pension américains ont investi, directement, près de 21 milliards de dollars dans l’immobilier résidentiel, permettant ainsi l’embauche de plus de 161 000 ouvriers et employés dans le secteur immobilier.

Investissements immobiliers des fonds de pension (en milliards de dollars)
et effet direct sur l’emploi

PNG - 22.4 ko

Sources : Wasser (2011), Zelinsky (2009). Calculs P&J Conseils, IREF.


A la lumière de ces chiffres américains, il apparaît que l’activité des fonds de pension pourrait avoir un impact remarquable sur l’économie française. En effet, en France, le secteur immobilier est très tendu tout en représentant une part non négligeable de l’activité totale : 14% du PIB et 8% de l’emploi. Aussi, une croissance de 10% des investissements immobiliers entraine une hausse de 0,3 point de croissance. Or, les études du NBER ont démontré que dans le cas français, une hausse de 1 point de croissance entraine une augmentation de 0,57% de l’emploi. A partir de ces statistiques, il est possible de chiffrer, approximativement, l’effet qu’auraient les fonds de pension s’ils pouvaient investir autant en France qu’aux Etats-Unis ou aux Pays-Bas.
L’investissement immobilier s’élève à 217 milliards d’euros en France. Si des fonds de pension participaient à cet investissement à hauteur de 1 milliard par an (à peine plus qu’aux Etats-Unis mais 4 fois moins qu’aux Pays-Bas), cela représenterait une hausse de 0,02% soit une augmentation de 0,006 point de croissance. L’effet peut paraître infime, mais cela représente alors 0,003% d’emplois en plus, soit la création de 88 000 emplois à horizon 2017, c’est-à-dire une baisse de plus de 2% du chômage.
De même, si les fonds de pension en France étaient aussi dynamiques qu’aux Pays-Bas, investissant alors près de 4 milliards de dollars par an, ils permettraient la création de 264 000 emplois sur la période 2013-2017, c’est-à-dire qu’ils seraient responsables d’une baisse de plus de 6% du chômage.
Enfin, comme le montre l’exemple néerlandais, l’influence des fonds de pensions sur des secteurs aussi rigides que l’immobilier est aussi positive à long terme. En effet, au cours des 20 dernières années, l’emploi dans le secteur de la construction a baissé de 8% en France, alors qu’il augmentait de 20% aux Pays-Bas.
Alors que le coût de la création de 150 000 emplois d’avenir est estimé à 3.45 mds d’euros, les fonds de pension pourraient créer en France de – vrais - emplois à un coût d’environ 11 400 euros/emploi contre 23 000 pour un emploi d’avenir !
Ainsi, il apparaît clairement qu’en période de dette publique importante, nécessitant de restreindre les dépenses mais aussi d’augmenter les prélèvements, les investissements de fonds de pension, dirigés vers les secteurs en crise, représentent une alternative favorable aussi bien à la reprise économique de moyen terme qu’à la création d’emplois à court terme. En replaçant la question des fonds de pension dans une perspective de cycle politique, il apparaît que la libre entrée des fonds de pension en France, dès la fin 2013, garantirait une création nette d’emplois en 2017, et accroîtrait dans le même temps la flexibilité du marché immobilier. En d’autres termes, l’investissement de ces fonds permettrait de réellement renverser la courbe du chômage avant la fin du l’actuel mandat présidentiel.
Novembre 2013. Etude réalisée par l’IREF (Nicolas Lecaussin et Lucas Léger) en collaboration avec le cabinet P & J Conseil.

Références

Antipa, P., & Schlalck, C. (2010). Impact of Fiscal Policy on Residential Investment in France. Dans O. De Brandt, T. Knetsch, J. Penalosa, & F. Zollio, Housing Markets in Europe (pp. 385-406). Berlin : Springer Berlin Heidelberg.
Boivie, L., & Almeida, B. (2009). Pensionomics : Measuring the economic impact of state and local pension plans. Washington DC : National Institute on Retirement Security.
Bouveret, et al. (2010). L’évolution du marché immobilier en France. Economie et Prévision , 2 (193).
Egebo, T., Richardson, P., & Lienert, I. (1990). Model of Housing Investment for the Major OECD Economie. 14.
Kapsos, S. (2005). The employment intensity of growth : trends and macroeconomic determinants. Employment Stategy Papers .
OECD. (2013, October). Annual Survey of Large Pension Funds and Public Pension Reserve Funds : Report on pension funds’ long terme investments. OECD.
Wasser, M. (2011, March). Creating Good Jobs for Our Communities : Pension Dollars at Work. Americain Rights at Work Education Funds , pp. 1-6.
Zelinsky, E. (2009). Interpretive bulletin 08-1 and economically targeted investing : A missed opportunity. Southeran California Law Review , 82, 11-18.

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