Atlantico : La reprise s'accélère en novembre pour le secteur manufacturier de la zone euro. L'indice signale une expansion en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Autriche et en Irlande. Mais la France ne profite pas de cette progression et enregistre même une accélération des reculs de la production et du nombre de nouvelles commandes. La France s'enfonce alors que le reste des pays de la zone euro se redressent. Quelle est la part de responsabilité du gouvernement dans cette absence de reprise ? Quelles décisions ou absence de décision ont-elles pu être préjudiciables ?
Alain Fabre : Les dernières indications sur la situation industrielle en Europe semblent faire émerger un scénario que je redoutais depuis plusieurs mois. Un décrochage non plus par rapport à l’Allemagne mais par rapport à l’ensemble de l’Europe. On parle beaucoup de l’Allemagne dont l’activité tourne de façon plus équilibrée, la poussée
de la consommation des ménages prenant le relais sous l’effet de la progression des salaires, des échanges extérieurs. En Espagne, on assiste avec trois ans de retard au scenario allemand. Après la compression de la demande intérieure, l’Espagne sort de la crise par les échanges extérieurs. Les Espagnols vont connaître en 2013 leur premier excédent de la balance des paiements courants depuis 1990. La Grèce donne également des signes qui vont dans ce sens tout en ne jouissant pas des mêmes atouts que l’Espagne. Même si l’on sent en France des indices d’enrayement de la dégradation que ce soit sur sa croissance ou même sur le chômage – même si ces chiffres doivent être lus avec un peu de prudence – on ne détecte pas un processus de sortie de crise fondé sur les moteurs robustes à l’œuvre ailleurs. Comme le montrent l’évolution très dégradée de l’investissement et de la production industriels, la France consomme encore notamment en raison de son modèle social qui le lui permet sans avoir à produire. En revanche la production est en panne. L’économie n’est pas en récession ; elle s’effondre. C’est notre stratégie qui est prise en défaut et les mois qui vont venir ne feront qu’accentuer ces tendances.
Erwan Le Noan : Hier, le site américain Business Insider a publié un article qui expliquait que le secteur manufacturier français était toujours dans un « sale état » (« is still looking very ugly »). C’est vrai sur le constat et sur l’idée que cela n’est pas nouveau. Le gouvernement de François Hollande est responsable, au même titre que les précédents, pour ne pas prendre les décisions à la hauteur des enjeux : libérer les entreprises des contraintes qui pèsent sur elles à commencer par la fiscalité écrasante (la France a le taux d’Impôt sur les sociétés le plus haut de toute l’Europe et celui qui a le moins baissé depuis une décennie).
Alors qu’on pouvait reprocher au précédent gouvernement de ne pas aller assez loin et assez vite, ou de ne pas faire grand-chose, celui de François Hollande est lui responsable de prendre des mesures qui vont à contresens (par exemple quand il réfléchissait à taxer l’EBE) ou quand il s’emmêle tellement que plus personne ne sait où il va.
Au-delà de la responsabilité conjoncturelle du gouvernement, notre retard en matière industrielle - la France est aujourd'hui derrière l'Angleterre en termes de développement industriel - est-il dû à notre modèle de développement ?
Alain Fabre : C’est exactement cela. La France continue à penser que la croissance résulte de la consommation provenant de la dépense publique et non de la production des entreprises. Nous avons sacrifié notre industrie au nom du mythe de la fin du travail et d’un monde post-industriel. Quand nous en prenons conscience, c’est pour réveiller les mannes de Colbert. Alors que le monde d’aujourd’hui est celui de l’innovation, des avantages comparatifs et de entrepreneuriat, le gouvernement continue à sanctuariser la dépense publique et à colmater nos retards industriels en montant sur ses ergots d’État stratège. La fermeture des pianos Pleyel – ceux de Frédéric Chopin – et les difficultés de PSA ont en commun ce diagnostic français erroné. La croissance économique est affaire d’entrepreneurs qu’on laisse libre de déployer leurs talents, non de technocrates aussi brillants soient-ils.
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