mardi 14 janvier 2014

Les mesures rétroactives en matière de fiscalité ! Est-ce légal ? Peut-être ! Moral ? Sûrement pas !

Les feuilles de paie de décembre sont fausses
Les entreprises ont oublié d'intégrer au revenu imposable des salariés la part patronale de complémentaire santé.
La suppression de cette niche fiscale dans le budget 2014 n'avait pas fait grand bruit. À tort car près de 13 millions de salariés vont voir leur revenu net imposable exploser à cause de cette mesure technique qui rapportera gros à l'État, soit 960 millions d'euros. En effet, la part patronale au financement du contrat collectif de complémentaire santé, qui était jusqu'à présent déduite du revenu imposable des salariés, ne l'est plus depuis la publication du budget de l'État 2014 au Journal officiel, le 30 décembre dernier. Comme toutes les mesures concernant l'impôt sur les revenus, telle la réindexation du barème, celle-ci s'applique aux rémunérations de 2013.
Le gouvernement estime que la disparition du dispositif augmentera en moyenne de 288 euros le revenu net imposable des salariés concernés. Il se fonde sur une participation patronale de 24 euros par mois au titre de la complémentaire santé. «Ce chiffre est largement sous-estimé, dénonce Malik Douaoui, avocat fiscaliste au cabinet Taj. La part patronale est bien plus élevée, se situant dans une fourchette de 50 à 200 euros par mois. Sa réintégration provoquera donc des hausses du revenu net imposable annuel comprises entre 600 et 2400 euros! Or la plupart des salariés n'ont pas encore compris que leur revenu imposable va fortement augmenter.»

Des avantages cumulés

Et pour cause. Les entreprises n'ont pas pu tenir compte de la suppression de la niche lors de l'élaboration des feuilles de paie de décembre, où est traditionnellement inscrit le revenu net imposable de l'année qui s'achève. Le montant figurant en bas de la dernière fiche de millions de salariés a donc toutes les chances d'être faux, comme l'a révélé Europe 1 ce lundi. Le ministère du Budget rétorque que «la mesure de fiscalisation de la part employeur des complémentaires santé a été annoncée dès le 25 septembre 2013», à la veille de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. «Il y a tout lieu de penser, ajoute-t-on à Bercy, que les professionnels ont mis à profit les trois mois qui se sont écoulés depuis pour s'adapter à cette nouvelle donne.»
Hélas, non. La mesure n'est entrée en vigueur qu'au moment où elle a été publiée au Journal officiel, comme à l'accoutumée au dernier moment, le 30 décembre. Avant cela, elle devait notamment être validée par le Conseil constitutionnel, avec le reste du budget 2014. «Aucune entreprise n'a voulu anticiper, explique Malik Douaoui. Elles vont donc toutes devoir envoyer un courrier à leurs employés d'ici la fin janvier début février.» S'il n'est pas possible de savoir dans le détail quel sera l'impact pour les salariés en termes d'impôts supplémentaires, la mesure pourrait annuler pour beaucoup de contribuables salariés l'effet positif de la réindexation du barème de l'impôt sur le revenu, après deux ans de gel.
Pour motiver sa décision, le gouvernement avance que les salariés bénéficiant d'un contrat collectif obligatoire «cumulent plusieurs avantages: aide de l'employeur au financement de la couverture complémentaire santé, exonération de cette participation et déductibilité de leur propre cotisation salariale». Bref, cela entraîne une «inégalité de traitement par rapport à la plupart des adhérents à des contrats de complémentaire santé». Une «inégalité» que le gouvernement s'est donc empressé de supprimer pour financer la promesse présidentielle de la généralisation de la couverture santé.
L'exonération supprimée ne concerne toutefois que le risque santé, la niche fiscale demeurant pour les contrats collectifs d'entreprise d'autre nature (prévoyance décès, etc.). Dans les annexes du budget 2014, le gouvernement a d'ailleurs chiffré, au cas où, le coût du dispositif survivant: 640 millions d'euros.

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