mardi 14 janvier 2014

Une quenelle bleue blanc rouge ?

Ecrit le 13 jan 2014 à 13:12 par Frédéric Laboulaye dans Poing de vue

Une quenelle bleue blanc rouge ?C’est un village de la France profonde et de l’ouest rural. Jadis, ce fut un pays chouan. La mémoire locale en a conservé le souvenir, quelque chose comme une défiance à l’égard de Paris (les Bleus). Un peu plus de 1 000 habitants, une population d’agriculteurs, d’artisans mais aussi de salariés, soit des rurbains (proximité d’une grande ville) soit beaucoup de professions dévolues aux services à la personne. Là, pas d’immigrés à part quelques Turcs venus il y a déjà longtemps pour travailler dans une tannerie. En revanche, une délinquance en progression forte attestée par la gendarmerie en milieu rural profond comme au niveau national. L’expression politique aux présidentielles est manifestement orientée à droite, Sarkozy en tête, Le Pen en seconde position. C’est la galette des rois, on se réunit dans la grande salle municipale. Beaucoup de monde, un public bon enfant que
quelques verres de Vouvray mettent en verve pondérée de sagesse paysanne. Comment l’affaire Dieudonné est-elle ici vécue ?
Valls Iznogoud !
Autant qu’on puisse en juger, dans une population plutôt réservée, on est un peu taiseux en milieu rural, le café du commerce est unanime sur Valls : « Qu’est-ce qu’il a besoin de s’exciter sur ce noir, alors même que ce café a été cambriolé deux fois dans l’année, ‘ferait mieux de s’occuper de la délinquance ! » Le jugement général est qu’il en fait trop et qu’il ne dissimule pas assez ses ambitions de devenir calife à la place du calife. Puis vient le problème des libertés. Bien que non explicite, il y a dans les commentaires l’idée qu’ « on peut plus rigoler, déjà qu’ils ne nous restait plus rien après les impôts il est maintenant interdit de rire ! » Ce d’autant plus que les aventures sentimentales du rondouillard de l’Élysée (1) ne sont pas un objet de scandale à proprement parler, mais plutôt une occasion de redire que la bande à Hollande s’occupe décidément de futilités alors qu’il y a le feu, que nos jeunes peinent à trouver du travail et que ceux qui vivent d’aides publiques feraient bien de se mettre au travail. Ici, ceux qui vivent de l’assistance d’État sont de souche et connus de leurs concitoyens. Ils sont, pour le compte, un véritable objet d’opprobre : « Pensez donc, à l’automne, ils ne vont même pas aux pommes ! » La région étant couverte de vergers, « ce sont les filles et les étudiants africains qui viennent ramasser les pommes ! »
Quenelle et/ou bras d’honneur ?
La question du fond des propos de Dieudonné n’est jamais évoquée. Tout se passe comme si l’antisémitisme n’est pas le problème ou bien il n’est pas perçu comme tel. Les plus politisés font remarquer que Dieudonné a renoncé au spectacle incriminé et que l’interdiction des spectacles nouveaux cache quelque chose. Serait-il un opposant et l’interdirait-on comme tel, on ne nous dit pas tout ! Le problème juif n’est jamais évoqué. Indifférence ? Prudence ? Celui-ci n’apparaît que lorsque la question souvent éludée mais secrètement dominante est posée : qui commande en France ? Mais on connaît mal le CRIF et les autres… En revanche, Israël, c’est loin, et l’on sait peu de chose sur le conflit avec les Palestiniens, jamais évoqué pratiquement, ce qui n’exclut en rien que ces hommes et ces femmes tant méprisés par nos pseudo-élites aient leur jugement sur ces faits.
Plutôt favorables à Israël « qui est assiégé », ils ont le réalisme de comprendre que, vu de chez eux, il n’y peuvent rien. Généralement, ils sont unanimes pour convenir qu’il ne fallait pas aller en Syrie : plus encore, là, ils se livrent franchement, même chose pour le Mali et la Centre Afrique : « Fallait pas y aller ! » Et oui, on est plutôt isolationniste dans la France profonde ! Pour en revenir à Dieudonné, en revanche, on ne perçoit guère ses sympathie pour l’islam, encore moins pour le Hamas. On ne peut pas faire population moins raciste que celle-ci. On aime bien Dieudonné pour une chose, c’est manifeste : la quenelle ou le bras d’honneur. Tous se reconnaissent dans le refus de l’oligarchie. Dans le défi symbolique, on préfère d’ailleurs le bras d’honneur à la quenelle, mais « c’est du pareil au même ! ». Dieudonné révèle le peuple à lui-même. On lui avait interdit de mal penser ? Il lui restait le vote protestataire et l’humour. Ainsi s’exprime-t-on prudemment et de façon rarement objectivée mais c’est la signification des messages qui compte. Dieudonné révèle la caste dirigeante pour ce qu’elle est dans sa solidarité répressive pour laquelle œuvrent autant des politiques que des journalistes (le kiosque à journaux local ne vend aucun journal national, même pas Le Parisien). Les impôts, l’emploi, la sécurité, le prix du lait et du blé, la TVA sur les travaux d’artisans et la santé, voila les vraies préoccupation de cette population qui, au final, trouve bien vaine la querelle de la quenelle. La bouffonnerie est acceptée à la mesure de ce qu’elle reste à sa place. Mais en faisant de Dieudonné l’ennemi public numéro 1, Manuel Valls commet l’erreur d’entrer dans le théâtre des marionnettes, parmi les bouffons. On discerne avec une peu d’ironie la pose « matamoresque » du ministre de l’Intérieur, même si on ne le dit pas ainsi (2). C’est Guignol et le gendarme. Le ministre de l’Intérieur a tort d’y entrer, me dit-on en substance, mais on rirait volontiers des coups de bâton administrés par Guignol et l’on sent confusément que ça va venir ! Plus difficile, j’ai essayé de savoir ce que mes concitoyens pensaient du traitement juridique de la question. La séparation des pouvoirs n’est pas une chose bien connue, et mal perçue, et pour cause, après des années de pression de l’Exécutif sur les magistrats. Néanmoins, si l’on n’est pas très vigilant sur la rapidité avec laquelle le Conseil d’État a fait interdire les spectacles de Dieudonné, certains font néanmoins des comparaisons avec la lenteur de la justice. Bien entendu, la distinction trop subtile entre le tribunal administratif composé de magistrats et le Conseil d’État composé d’obligés de l’État échappe à nos concitoyens. En revanche, ils s’interrogent pour savoir pourquoi une juridiction autorise et pour quoi la seconde interdit. La justice devrait être un bloc dans leur logique, ils ne lui trouvent guère plus de cohérence ici que lors des jugements rendus d’un tribunal à l’autre.
Au final, ce qui paraît plus significatif et le plus marquant dans cette modeste enquête de terrain (seul le terrain ne ment pas, c’est bien connu !), c’est que la sagesse populaire stigmatise la déraison de la caste dirigeante qu’il juge futile, lui répondant respectueusement pas un geste dont elle aurait en horreur qu’il fut considéré comme nazi, mais en revanche lui signifiant tout à la fois d’aller s’occuper de choses sérieuses ou d’aller se faire voir ailleurs, ce qu’elle exprimera sans aucun doute aux prochaines élections.
1. Après la quenelle, la… queue !
2. la matamore ; celui qui tue les Maures dans la symbolique de la reconquista espagnole, ruse de l’histoire Valls, le « républicain » d’origine espagnole est ici le tueur de Maure : Dieudonné, le métis africain !

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