Après des années d’illusion, les Français ont compris – dans la douleur – que la dette publique n’était rien d’autre que de l’impôt différé. Quand prendront-ils conscience que le « trou » de la Sécu tient moins de l’accident conjoncturel que d’une faillite annoncée ? La liste de nos lâchetés est longue comme une mauvaise ordonnance : croire que si la santé n’a pas de prix, elle n’a pas davantage de coût ; penser que le temps, c’est-à-dire un hypothétique retour de la croissance, suffira à transformer les dérives passées en mauvais souvenirs ; se convaincre qu’il sera possible de transférer ad vitam aeternam les charges de nos inconséquences sur les générations futures…
Cas unique en Europe, le déficit de la sécurité sociale sera donc supérieur à 10 milliards d’euros en 2014, comme en 2013, comme en 2012, comme en 2011, etc. Et personne n’est là pour rappeler que dans tout système assurantiel juste et pérenne, les cotisations doivent finir par couvrir les prestations… Pour préserver ce chef-d’œuvre en péril de l’Etat providence, nos dirigeants n’ont eu de cesse de jouer aux apprentis sorciers, de bricoler l’usine à gaz, de raboter le totem, de créer des monstruosités fiscales, fruits du génie français pour l’escamotage. Résultat, le régime général devient petit à petit un régime par répartition dévoyé, à rebours de la solidarité habituelle : les jeunes paieront demain pour le refus de vraies réformes des assurés actuels, en sachant qu’ils ne bénéficieront pas, eux, des « largesses à crédit » de leurs aînés. Comment dès lors ne pas prévoir que le ras-le-bol social n’emporte un jour le « modèle » ?