mardi 24 juin 2014

Entre la France qui n’a pas fait de réforme et l’Allemagne qui les a faites, quelles leçons tirer du décrochage économique franco-allemand simultané ?

Problème de compétitivité pour les uns, déficience de la demande intérieure pour les autres... 6 ans après la crise, les mesures adoptées commencent à montrer leurs limites.


Les indices d'activité Markit montrent l'aggravation du cas français et le début d'un recul allemand, alors que le reste de l'Europe voit sa situation continuer de s'améliorer. Comment l'expliquer ?

Nicolas Goetzmann : Tout d’abord, il n’est pas inutile de rappeler la fiabilité des indices PMI publiés par Markit, leur corrélation avec les taux de croissance effectifs est forte.
Ce qui indique que la France est à nouveau aux portes de la récession, que la zone euro prise dans son ensemble avance légèrement, et que la position favorable de l’Allemagne est en train de se tasser.
Cette situation est la conséquence logique de la politique économique menée en Europe. Les niveaux de chômage dans les pays périphériques ont atteint de tels seuils que dorénavant, les salariés acceptent des salaires plus bas ; le point de rupture a été touché. Une fois cette résistance passée, la compétition interne sur les coûts peut commencer. C’est ainsi que des parts de marché passent d’une zone à l’autre et c’est ce que paye la France aujourd’hui car pour le moment, elle ne suit pas le même rythme. Pour être clair, le taux de chômage en France n’est pas encore suffisamment élevé pour que les salariés baissent la tête et acceptent de nouvelles conditions. C’est le résultat de l’Europe actuelle, une compétition dans la casse sociale. Dans une telle logique, et pour permettre à la France de retrouver de la compétitivité, il suffirait peut être d’atteindre un taux de chômage de 15% pour que les salaires commencent à coincer. C’est l’insupportable cynisme des politiques d’austérité.
L’Allemagne subit quant à elle la compétition des pays du sud, mais elle est également touchée par le ralentissement
économique chinois. C’est ce qui arrive lorsque l’on met tous ses œufs dans le panier de l’exportation, on se retrouve dépendant du bon vouloir des marchés extérieurs.
Un mot pour finir sur l’idée que les pays de la périphérie vont mieux. Les anticipations de croissance permettent de penser que l’Espagne atteindra, peut-être, un taux de de chômage de 20% en 2017. L’amélioration est simplement lamentable. Dans un monde normal, après une telle récession, l’économie devrait repartir en trombe, et pas sur ce rythme de sénateur fatigué. Entre temps, c’est une génération qui aura été sacrifiée.
Philippe Waechter : La dynamique de l’ensemble de la zone Euro s’est dégradée au mois de juin. Cela était déjà perceptible en mai dans le secteur manufacturier. Ce n’est probablement pas que le cas de la France et de l’Allemagne. Nous n’avons pas les données pour l’Italie ou pour l’Espagne mais, au regard des indices de la zone Euro, il est probable qu’ils n’ont pas été franchement orientés à la hausse .
La raison principale est l’absence d’une reprise franche de la demande interne. Si l’on compare avec les Etats-Unis c’est le profil très différent entre les deux pays ou zone de cet indicateur qui explique les différences de rythme de croissance. Mais, il faut le préciser, la crise des Etats-Unis était nettement moins complexe que celle de la zone Euro. Aux USA il s’agit d’une crise d’excès d’endettement privé dont la résorption prend entre 6 et 10 ans. On est dedans. En zone Euro, des pays ont eu cette situation mais il y a eu aussi un problème institutionnel de gouvernance et encore une incapacité à résorber les crises de façon autonome. La zone Euro apprend vite mais les chocs subis ont été brutaux et profonds. En d’autres termes elle est en train de passer d’un comportement non coopératif mais avec une monnaie commune à un comportement qui devra être plus coordonné, plus coopératif avec une monnaie commune et d’autres nouvelles institutions qui sont venues se greffer dessus. La zone Euro connait une mue absolument spectaculaire et cela pénalise sa croissance. En outre ces mutations profondes n’ont pas empêché les erreurs de politique économique comme la volonté de réduire trop rapidement les déficits publics ou la double remontée des taux d’intérêt en 2011 qui montrait une mauvaise appréhension et compréhension des phénomènes à l’oeuvre au sein de la zone.
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