vendredi 20 juin 2014

Et si la Deutsche Bahn inspirait la SNCF ?

par Nicolas Lecaussin
La grève qui s’éternise à la SNCF prouve, une fois de plus, que les syndicats français sont les plus dignes représentants de l’exception française. Ils bloquent le pays afin de protester contre une réforme qui ne touche nullement au statut des agents et n’affecte en rien le service public du rail. Au contraire, le projet de loi stipule clairement qu’il s’agit de « préserver le service public du ferroviaire piloté par l’Etat », ce qui signifie qu’en réalité cette réforme ne va pas résoudre les gros problèmes de la SNCF, en faisant baisser la dette (39 Mds d’euros) de l’entreprise publique, ou les subventions (12 Mds d’euros par an) dont elle bénéficie. La SNCF coûte ainsi plus de 1 000 euros par an à chaque contribuable français soumis à l’impôt sur le revenu, qu’il prenne le train ou non !

L’opposition politique, par la voix de son nouveau secrétaire général, Luc Chatel, s’est précipitée pour demander le retrait du projet. Va-t-elle proposer une autre réforme,
beaucoup plus ambitieuse, qui préparerait le système ferroviaire français à l’ouverture à la concurrence ? Espérons le, d’autant plus qu’elle pourrait s’inspirer de la réforme allemande.
Commencée en 1994 avec la création de la DBAG (Deutsche Bahn AG), issue de la fusion des deux compagnies publiques de l’Allemagne de l’Ouest et de l’Est, la Bundesbahn, et la Reichsbahn, elle a abouti, en 2005, à une restructuration massive de la compagnie de chemin de fer allemande. Pourtant, en 1994, le rail allemand se trouvait pratiquement dans la situation de la SNCF aujourd’hui : dette massive (70 Mds de DM ou 35 mds d’euros), gouffre financier compensé par des subventions publiques (55 Mds de DEM ou 28 Mds d’euros entre 1975 et 1990), personnel pléthorique bénéficiant de nombreux privilèges, baisse de la fréquentation et vétusté de nombreuses lignes… Le regroupement s’est donc fait dans un souci d’économies et pour l’ouverture du marché ferroviaire allemand aux entreprises étrangères. Les syndicats allemands n’ont pas protesté. - Pourtant, le nombre d’employés est passé de 350 000 à 220 000 personnes (une baisse des effectifs de 130 000 personnes) et plus de 700 gares ont été fermées ! Les nouveaux employés ne bénéficient plus du statut d’agent public et sont soumis aux règles du droit privé. Aujourd’hui, la part des cheminots dotés d’un statut à la Deutsche Bahn représente seulement 17 % du total des employés.
Depuis 2004, le transport ferroviaire régional allemand a été totalement ouvert à la concurrence. Des dizaines d’opérateurs privés contrôlent ce marché. Cette libéralisation a entraîné l’augmentation du nombre de voyageurs et a permis la sauvegarde de 95 km de voies par km carré contre 57 en France. La Deutsche Bahn (DB) a mis en place 5 400 trains quotidiens dans 11 pays européens ; et elle est aujourd’hui le premier européen du transport ferroviaire de marchandises (le seul fret des opérateurs privés en Allemagne correspond au volume de fret total en France). En 2010, le port de la Rochelle a préféré, à la place de la SNCF…, ECR (Euro Cargo Rail), la filiale française de la Deutsche Bahn pour la mise en place d’une PME ferroviaire consacrée au fret.
Les syndicats allemands ont choisi la réforme plutôt que la grève. Ils ont eu raison. En 2013, la Deutsche Bahn affichait un chiffre d’affaires à 39.3 Mds d’euros pour un résultat net de 1.5 Mds d’euros.
Deutsche Bahn (1994-2013)
19942013
Employés350 000220 000
Dont agents publics100 %17 %[1]
Chiffre d’affaires7 Mds d’euros39.3 Mds d’euros
Bénéfice net96 millions d’euros1.5 Mds d’euros
Dette35 Mds d’euros17 mds d’euros
Premier européen pour le fret

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