Présenté par le gouvernement comme un joyau du progrès social, ce « compte pénibilité » tient plutôt de la caricature d’une France qui perd. Et qui se perd. Passons sur l’usine à gaz de cette mécanique infernale, unique en Europe. Oublions son coût aussi lourd que flou, supporté comme il se doit par les entreprises. Laissons de côté les effets pervers et les mauvais signaux envoyés sur la prévention, l’emploi des seniors, le nécessaire report de l’âge de départ à la retraite… Plus que ces ravages annoncés, le clou de la loi Touraine est révélateur d’un triple fourvoiement.
 
D’abord, il accentuera le corporatisme, dans une France déjà asphyxiée par de multiples statuts, minée par la jalousie sociale, paralysée par ses rigidités. Vous avez aimé détester les « régimes spéciaux », vous adorerez maudire les « métiers pénibles » – potentiellement 20 % des salariés ! Ensuite, il alimentera le clientélisme, machine folle à transferts sociaux. A chaque catégorie professionnelle ses rentiers, ses lobbyistes, ses revendications. En multipliant les régimes particuliers, le gouvernement s’expose à davantage de conflictualité, de concessions et donc… de déficits.
 
Même s’il ouvre de nouveaux droits, ce dispositif alimentera enfin la défiance. Ce mal français ronge notre économie. Bombe financière, fruit d’un mauvais marchandage sur la « réforme » des retraites, symbole d’un paritarisme boiteux écrasé par l’interventionnisme étatique, le « compte pénibilité » est l’archétype de ces politiques du passé, dépassées avant même d’être appliquées. Au final, c’est toute la France qui perd, pour le coup, des points.