vendredi 1 août 2014

Croissance, déficit, chômage: les nuages s'amoncellent

La situation économique très dégradée du pays fait de cette rentrée 2014 un véritable casse-tête pour le gouvernement.
• Croissance
C'était il y a à peine une semaine, au dîner des journalistes de la presse présidentielle. François Hollande rompait avec l'optimisme qu'il affichait jusqu'alors sur la croissance- il n'hésitait pas dire quelques jours auparavant que «la reprise» était là -, pour admettre que les choses étaient finalement plus compliquées. Grave, il avait admis qu'un ralentissement économique n'était «pas impossible» et que la croissance pouvait encore «s'affaiblir».
La croissance sera au cœur des priorités de la rentrée. Entre-temps, le 14 août, l'Insee aura publié les estimations de l'activité au deuxième trimestre, et donc de la première moitié de l'année. Au sommet de l'État, on craint que les résultats ne soient pas bien élevés, après un premier trimestre marqué par une croissance nulle. De fait, les signes négatifs se sont multipliés ces dernières semaines.
«Les prévisions de croissance en zone euro sont inférieures à ce que nous prévoyions en début d'année», a reconnu hier le ministre des Finances, Michel Sapin, lors d'un déplacement en Italie.
Pour l'heure, le gouvernement ne tient pas à revoir sa prévision de croissance de 1 % en 2014 et 1,7 % en 2015. Une estimation à laquelle plus personne ne croit - les économistes s'accordent sur 0,7 % et 1,2 % respectivement. Mais nul doute qu'il tirera les conséquences en septembre, dans le cadre de la préparation de la loi de finances (PLF) pour l'an prochain.
Face à une situation qui semble lui échapper, l'exécutif affichera un certain volontarisme. Le ministre de l'Économie, Arnaud Montebourg, prévoit même de présenter une loi qui sera consacrée à la croissance. Pierre Moscovici, qui sera le commissaire européen français à Bruxelles à la rentrée, ne cesse également de le répéter: il faut une «réorientation de l'Europe vers la croissance et l'emploi», ce qui passe notamment par la relance de grands programmes d'investissements. En attendant, une croissance moins importante que prévu, c'est un casse-tête budgétaire en vue (un écart de 0,1 point de croissance équivaut à 2 milliards d'euros en moins dans les caisses). Et la préparation du budget 2015 risque d'être plus compliquée que prévu pour le gouvernement…
• Budget et fiscalité
La loi de finances (PLF) pour 2015 va permettre à François Hollande de tenir un discours dans lequel les baisses d'impôts font leur retour. Le premier ministre, Manuel Valls, a déjà indiqué qu'une réduction fiscale supplémentaire pour les ménages modestes viendrait prolonger celle qui avait été décidée pour cette année, afin notamment de faire sortir de l'impôt ou d'empêcher d'y entrer 1,9 million de ménages. Tous les arbitrages ne sont pas encore rendus, mais le coup de pouce pourrait cette fois-ci concerner les revenus inférieurs à deux smic. Ce seraient alors près de 2 milliards d'euros qui seraient restitués aux Français.
Mais le PLF et le PLFSS (projet de budget pour la Sécu) commenceront aussi à traduire l'enveloppe de 50 milliards d'euros d'économies dans les dépenses - quelque 21 milliards sont prévus pour 2015, d'après les dernières estimations de Bercy. Une enveloppe qui paraît aujourd'hui insuffisante pour compenser à la fois le manque de croissance, donc de moindres recettes fiscales, et les divers gestes (pas de gel des retraites de moins de 1200 euros, annulation du gel prévu de certaines prestations sociales…) annoncés ces dernières semaines pour calmer la grogne dans la majorité.
Paris s'est engagé à ramener son déficit public à 3 % du PIB en 2015. Le gouvernement a donc l'été pour réfléchir à la stratégie qui sera la sienne à la rentrée face à un engagement qu'il risque de ne pas pouvoir tenir - même s'il affirme encore aujourd'hui qu'il n'en est pas question. François Hollande a d'ores et déjà admis que «s'il devait y avoir un ralentissement de l'économie, nous utiliserions à ce moment-là les marges de flexibilité» offertes par le pacte de stabilité européen.
Car le chef de l'État ne compte pas modifier totalement ses plans sur l'autel des finances publiques. Au PS, on estime qu'on est «au maximum de l'effort qui peut être demandé» aux Français. «50 milliards d'économies sur trois ans, c'est ce que je pense être le bon dosage (…) pour à la fois réduire le déficit, permettre aux entreprises d'être plus compétitives et faire un certain nombre de baisses d'impôts», rappelait récemment le chef de l'État.
• Emploi
«J'avais dit qu'on allait inverser la courbe du chômage ; c'était toute la passion qu'on avait mise, toute la volonté qui était la nôtre, et puis ce n'est pas venu»: dans son interview du 14 Juillet, François Hollande a fini par admettre son échec sur le front de l'emploi. Difficile de faire autrement tant les chiffres sont mauvais. Mois après mois, le chômage n'a cessé de monter (sauf en octobre 2013 et lors du bug SFR d'août de la même année), si bien que, depuis l'élection présidentielle, la France compte 475.000 chômeurs supplémentaires rien qu'en catégorie A (personnes sans aucune activité). Après la nouvelle hausse de juin, près de 3,4 millions de Français pointaient à Pôle emploi en A. Le recours aux contrats aidés n'a pu compenser la chute de l'emploi dans le secteur privé (100.000 postes détruits rien qu'en 2013).
Désormais, le ministère du Travail ne vise plus qu'un retour aux 3 millions de chômeurs en… 2017. Mais si la croissance ne redémarre pas en 2015 et 2016, même un tel objectif sera inatteignable. Le gouvernement le sait, et cherche donc à relancer la confiance des acteurs économiques. Il compte pour cela sur les 40 milliards d'euros de baisse d'impôts et de charges sociales accordées aux entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité. Et met la pression sur le patronat: en septembre, un point sera fait sur l'avancée des négociations sur les contreparties dans les branches (à ce jour, seule la chimie a signé).
Mais sachant que le pacte n'aura des effets que sur le long terme, l'exécutif joue d'autres cartes. En septembre, François Hollande présidera lui-même une rencontre sur l'apprentissage, afin que les obstacles à son développement soient levés. Les aides à l'alternance ont d'ailleurs été en partie rétablies cet été. L'exécutif compte aussi lancer une négociation sur le chômage de longue durée et des Assises de l'investissement. Enfin les syndicats et le patronat négocieront sur le dialogue social en entreprise, donc sur la place et le rôle des délégués du personnel, des comités d'entreprise, etc. Une façon d'aborder la question des seuils de 11 et 50 salariés, et des obligations afférentes, qui, selon le patronat, nuisent à l'emploi. La situation désastreuse de l'emploi annonce-t-elle une rentrée sociale houleuse? Difficile à dire. Mais la CGT et FO, qui ont boycotté la deuxième partie de la conférence sociale de juillet, ne comptent pas faire de cadeaux à l'exécutif.

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