samedi 30 août 2014

“Les Ukrainiens et les Russes forment un seul peuple” : comment l’accumulation d’erreurs commises par les Européens a fini par aider Poutine à faire main basse sur l’Ukraine


L'OTAN l'a confirmé, les troupes séparatistes pro-russes sont appuyées par du matériel et des soldats russes, en violation de la souveraineté de l'Ukraine. Aussi condamnable soit-elle, une telle opération ne devrait pas surprendre les États européens, qui par leur mauvaise gestion du dossier ont leur part de responsabilité.

Dissuasion vaine ?

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“Les Ukrainiens et les Russes forment un seul peuple” : comment l’accumulation d’erreurs commises par les Européens a fini par aider Poutine à faire main basse sur l’Ukraine
Manifestation anti-Poutine à Kiev Crédit REUTERS/David Mdzinarishvili
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Atlantico : Le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a déclaré qu’il était "désormais clair que des troupes et de l’équipement russe ont franchi la frontière [ukrainienne]", appelant la Russie "à arrêter ses actions militaires illégales." Au regard de la dynamique de rapprochement qui avait été enclenchée entre l’Union européenne et l’Ukraine, le fait que la Russie en vienne à l’action armée dans ce qu’elle considère comme son pré-carré est-il si surprenant ?

Béatrice Giblin : Qu'elle aille jusqu'à l'action armée est, si ce n'est surprenant car après l'annexion de la Crimée on pouvait s'attendre à une réaction forte et déterminée de la Russie décidée à défendre les Russophones - montre néanmoins que Vladimir Poutine est assuré de ne pas avoir à affronter une réaction armée des Occidentaux et en cela je crois qu'il a raison. Ce ne sont pas les sanctions occidentales qui vont réellement le
dissuader de poursuivre cette offensive car les bénéfices politiques internes (immense popularité qui lui laisse le champ libre pour mettre avec les siens, la main sur les secteurs économiques les plus profitables, et régionaux (retour de l'hegemon de la Russie sur son étranger proche) qu'ils en tirent sont suffisants pour accepter de les supporter.
Florent Parmentier : La Russie est une grande puissance régionale qui entend le rester ; son complexe d’encerclement stratégique est bien réel, et suppose de repousser le plus loin possible les frontières de l’OTAN, considéré comme un ensemble hostile dans la doctrine de défense russe. Pour autant, cette tension, existante depuis la chute de l’URSS, ne devait pas nécessairement engendrer un conflit : lorsque Viktor Ianoukovitch a dû reculer face à la révolution orange en novembre – décembre 2004 (mouvement massif de protestation contre la fraude électorale), une table ronde a permis de négocier une solution acceptable pour les différents protagonistes. Après le temps du conflit, il faudra nécessairement en revenir à la diplomatie.  
L’évolution récente vient plutôt du fait que l’UE est désormais classée à la même enseigne que l’OTAN. Le modèle européen est considéré comme menaçant pour l’influence russe, sur le plan économique, mais également sur celui des valeurs.

Les Etats européens sont-ils aussi responsables d'avoir laissé croire à l'Ukraine qu'elle pourrait à terme rejoindre l'UE, et qu'elle lui assurerait un soutien indéfectible ?

Florent Parmentier : Il faut bien comprendre les motivations et les contraintes des différents acteurs. Au sein de l’Union européenne, il est évident que les partisans de l’élargissement sont moins nombreux qu’il y a quelques années, du fait de la crise économique, sociale et politique. Avant l’Ukraine, il faudra déjà "digérer" l’Europe du Sud-Est, qui absorbera des ressources européennes encore un moment. Sur le plan géopolitique, les Européens sont divisés entre ceux qui voudraient mettre davantage de moyens au Sud, suite au "Printemps arabe", et ceux pour lesquels il faudrait consacrer. Dans ce cadre, la priorité polonaise accordée à l’Ukraine contraste avec la relative indifférence d’un pays comme l’Espagne. On peut dire que les Européens ont même été très prudents ces dernières années, certains pays s’opposant virulemment à toute rhétorique concernant une éventuelle "perspective européenne" pour l’Ukraine. L’accord d’association proposé à Vilnius en novembre 2013 et désormais signé n’implique pas une adhésion à l’UE.
Du côté ukrainien, l’Union européenne a pu être perçue non comme une union politique et économique, mais comme un moyen de contrebalancer géopolitiquement la Russie, ou de rejeter toute influence russe. En réalité, l’Ukraine n’a pas les moyens d’effectuer un choix aussi clivant. Ainsi, depuis l’indépendance, les Présidents ukrainiens ont bien essayé par le passé de maintenir une ligne dite d’équidistance, persuadés que le pays ne sortirait de l’ambiguïté qu’à son détriment.
La prudence des Européens par rapport à l’Ukraine et aux autres pays du voisinage est toutefois contrebalancée par une attitude négligente vis-à-vis des intérêts russes.

Par quelles attitudes les Etats européens ont-ils contribué à aggraver la situation au point qu’une opposition armée impliquant l’OTAN devienne fortement envisageable ? Peut-on parler de déni de réalité vis-à-vis des prétentions géopolitiques de la Russie, qui sont pourtant bien connues ?

Béatrice Giblin : Une attitude trop arrogante les Européens ont oublié un peu vite que la Russie est un grand pays. Je ne crois pas que l'on puisse parler de prétentions géopolitiques, pour les Russes l'Ukraine c'est presque la Russie, ils peuvent  même considérer que l'origine  de la Russie commence à Kiev première capitale avant Moscou. Aussi lancer la politique de voisinage proposer un statut d'association avec l'UE était en quelque sorte agiter le chiffon rouge. Sans doute le rôle de la Pologne fut il grand dans cette politique de rapprochement d'avec l'UE soutenue aussi par les Etats Baltes.
Mais sommes nous pour autant à la veille d'une intervention armée de l'OTAN  je ne le pense pas en tous cas il faut vraiment l'éviter et tout faire pour que les Ukrainiens, les séparatistes, la Russie et l'UE prennent langue ensemble pour tenter de trouver les conditions d'un cessez le feu. Mais il ne faut pas sous estimer la responsabilité  qui est grande dans cette situation des autorités ukrainiennes. Par exemple quand elles ont déclaré que le Russe n'était plus une langue officielle de l'Ukraine, même si elles sont revenues rapidement sur cette faute politique, le mal était fait et V Poutine s'est précipité dans la brèche pour clamer sa défense des russophones en danger . Ceci étant dit les Ukrainiens ont parfaitement le droit de choisir leurs alliés mais il est aussi indispensable de rassurer les minorités russophones, ce qui n'a visiblement pas suffisamment été fait.

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