mercredi 2 octobre 2013

La sévérité que l'Europe du Sud ne pouvait pas accepter : l'Allemagne est-elle en train de gérer la crise comme un traité de Versailles à rebours ?

Si le chômage européen a timidement baissé de 0,1 point entre juin et juillet, la crise continue de déstabiliser de nombreux Etats. Elle entraîne aussi des comparaisons historiques surprenantes comme le montre une tribune publiée dans le Financial Times, signée par de nombreux économistes, qui compare les politiques d'austérité de l'UE au traité de Versailles.


Jean-Marc Daniel : La comparaison n’a selon moi guère de sens. Elle s’inscrit dans la tradition anti-européenne et anti française du FT qui tend à accuser l’euro de tous les défauts et le Traité de Versailles de toutes les abominations, essentiellement parce qu’il était l’œuvre de la diplomatie française. La critique de Keynes sur ce traité et sur les réparations à laquelle il est fait référence était en fait approximative et rageusement anti-française - ses propos sur le ministre français des Finances de l’époque étaient outrés, à la limite de l’antisémitisme. Rappelons au passage qu’en 1871, personne n’avait considéré en Angleterre que les 5 milliards de francs or payés par la France aient pu être un problème, alors même que l’économie mondiale s’orientait vers une longue crise.
Parmi les pays qui ont déclaré la guerre aux démocraties en 1939, un seul avait à se plaindre de Versailles. L’Italie et le
Japon étaient des vainqueurs de 1918 et n’avaient aucune contrainte économique née du Traité. Quant à l’URSS qui était alliée de l’Allemagne nazie en 1939, elle n’avait pas été affectée par un quelconque paiement au titre des réparations. En fait, la critique du Traité de Versailles, bien que rituelle, mériterait une analyse plus fine ; s’y référer relève de l’effet de style convenu.
D’autant que sur le fond comparer le paiement des réparations par l’Allemagne à l’austérité budgétaire actuelle est absurde. L’Allemagne devait rembourser une dette extérieure alors que les pays endettés de la zone euro doivent honorer des engagements dans leur propre monnaie. Il y a une confusion fréquente chez certains analystes entre les deux types de problèmes, entre la dette extérieure et la dette intérieure. Pour rembourser une dette extérieure, il faut dégager des excédents de paiements courants. En revanche une dette intérieure demande un effort spécifique sur les finances publiques qui, s’il est porté par les dépenses et s’il est associé à une politique de croissance par le soutien à l’investissement privé, peut ne pas affecter directement la demande privée et la dynamique de l’activité privée (cf. la Suède des années 1990).
Sur le plan politique, les troubles des années 1930 étaient dus au chômage. Et ce chômage a été amplifié par des erreurs de politique économique qui n’étaient ni le Traité de Versailles ni l’austérité, mais la généralisation du protectionnismeQuant au contexte géopolitique plus global, le communisme était à l’époque un élément clé, à la fois comme  source d’attractivité pour certains et de répulsion forte pour d’autres. Or plus personne ne prend au sérieux le marxisme autrement que sous forme mondaine et les populismes actuelles sont moins violents, moins structurés que le fascisme italien ou le nazisme. Ils se nourrissent en outre d’un discours sur l’immigration qui est indépendant des problèmes de politique d’austérité.

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