par fondapol, le
L’économiste Thomas Piketty vient de publier une somme retraçant l’histoire du capital sur les trois derniers siècles dans laquelle il conclut que « par certains côtés, les inégalités sont actuellement encore plus fortes qu’en 1913».
Si les analyses sur l’inégalité de la répartition des richesses et des revenus ne sont pas nouvelles, elles s’habillent d’une aura nouvelle dans les tourments d’une crise économique inextinguible.
La thèse centrale est double : d’un côté, le capitalisme actuel serait perverti, conduisant à un enrichissement indu des plus fortunés ; de l’autre, la classe moyenne serait en voie de disparition du fait d’une croissance économique plus faible et des menaces pesant sur les institutions publiques.
Que l’intelligentsia française adhère à ces théories avec un entrain non dissimulé n’est en rien surprenant. N’oublions pas que, depuis 1995, le mythe de la « fracture sociale » nourrit la peur irrationnelle du déchirement de la société et a eu tendance à anesthésier toutes velléités réformistes chez les responsables politiques.
Depuis deux ans, les essais et les analyses se multiplient sur la formation d’un sablier dans la société américaine, consécutif à la disparition de la classe moyenne.
Le New York Times vient d’ailleurs de publier une série de tribunes intitulée « The Great Divide » sous la direction de J.E Stiglitz. Une préoccupation qui a déjà infuse dans la sphère culturelle, dont on retrouve les traces dans de récents films de fiction, comme Elysium ou Snowpiercer, mettant en scène des classes populaires oppressées par une minorité de privilégiés.
Ces analyses outre-Atlantique se distinguent toutefois des réflexions de Thomas Piketty, car elles n’accusent pas le capitalisme, mais ciblent la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et l’automatisation via les robots comme la principale cause de ce changement sociétal. Dans Who Owns the Future ?, Jaron Lanier, un des pionniers de l’informatique, a illustré cette responsabilité avec l’exemple - qui peut être contesté – du groupe Kodak, qui employait 140 000 salariéset a été balayé par une entreprise de 13 personnes, Instagram. La reprise en trompe l’œil de l’emploi américain, dont la qualité des emplois nouvellement crées est sujette à question, fournit un appui concret à ces théories. Aux emplois industriels, bien payés et plus stables, ont succédé des emplois dans des services à faible valeur ajoutée, sans besoin de qualification très flexibles.
Mais où se situe vraiment la différence avec la thèse « anticapitaliste » française, c’est que ces analyses montrent que les forces qui ont poussé au creusement des inégalités portent en elles la solution pour dépasser ce problème La baisse des coûts de l’accès aux NTIC aujourd’hui, et aux biotechnologies demain, offre à chacun la possibilité de prendre en mains son destin.
Elle rend de nouveau l’individu responsable. Dans un monde où l’éducation ne sera plus une obligation pour laquelle les parents sont sanctionnés s’ils n’envoient pas leurs enfants à l’école mais pourra s’acquérir en ligne à coût zéro, le critère de réussite ne sera plus l’origine sociale mais la motivation intrinsèque des individus.
II y aura donc sans doute un haut et un bas mais la mobilité entre les deux sera totale, avec pour boussole une méritocratie renouvelée. Cette thèse attire moins les regards des élites françaises, mais est-elle réellement moins séduisante que les lambeaux d’une société faussement inégalitaire où les institutions publiques tant louées sont en réalité autant d’entraves à la mobilité et entretiennent les inégalités générationnelles et sociales – qu’elles soient une Éducation nationale pointée par l’OCDE comme l’une des moins capables de corriger les inégalités ou un marché du travail assurant une rente à ses membres les plus anciens au détriment des nouveaux entrants ?
Par Robin Rivaton, membre du Conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique, auteur deLibérer le financement de l’économie, Relancer notre industrie par les robots et LE KAPITAL. Pour rebâtir l’industrie avec Christian Saint-Etienne.
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