lundi 12 mai 2014

Plaidoyer pour une Europe libre et prospère, une Europe qui respecte l’humain

Ecrit le 12 mai 2014 à 5:10 par Jacques de Guillebon dans Poing de vue
 
Europe« L’Europe ne sera pas nécessairement la plus puissante ou la plus riche mais bien ce coin de la planète où les hommes quels qu’ils soient pourront trouver non pas le bonheur, mais le plus de saveur, le plus de sens à la vie», écrivait Denis de Rougemont. Vœu pieux, dira le cynique. Et il est vrai que les vœux des « assis » chers à Bernanos ne se réalisent jamais. En vérité, il y aura eu peu d’instants dans l’histoire du monde où une classe politique qui, pourtant, se réjouit toute la journée de l’omnipotence de sa science et de sa technologie lesquelles, croit-elle, demain lui permettront de refabriquer les familles, de faire de l’humain un jouet à améliorer sans cesse comme une pousse de maïs de chez Monsanto™; qui, pourtant, a foi dans ses critères économiques comme la sorcière dans sa magie noire ; qui caresse avec obscénité sa petite courbe de PIB à tout bout de champ et compte les étoiles pour les ranger
dans son coffre comme le personnage du Petit Prince ; il y aura eu peu d’instants où elle aura été si impuissante à changer la vie. Sortir de l’euro ? On peut pas. Contrôler les frontières ? On sait pas. Donner, sinon une définition, au moins une âme à l’Europe ? Pas possible. Négocier avec la Russie d’homme à homme ? On a peur. Rétablir l’ordre en Afrique ? C’est trop cher. En finir avec la dette ? Bof. Créer des conditions de vie décentes pour tous les citoyens ? Ça finira bien par arriver tout seul.
Dans son fatalisme, la seule réponse qu’elle donne continûment à ses administrés las voire coléreux, c’est de créer plus d’Europe. Inutile de chercher ni le sens ni l’opportunité de ce mantra que de Gaulle avait déjà moqué il y a bientôt cinquante ans. Le fait est qu’elle n’en a pas d’autre. Partout en Europe, dans les élections qui viennent, les partis de gouvernement autoproclamés vont prendre la pile de leur vie. Ils le savent, ils espèrent seulement limiter les dégâts. On sait qui va récolter les fruits de leur impotence.
Nous ne nous en réjouissons pas. Non que nous craignions le retour du fascisme ou de la bête immonde au ventre toujours, etc., mais simplement que nous ne croyons pas que les solutions proposées par les mouvements d’extrême droite ou populistes, même si ces termes sont bâtards, disons eurosceptiques et souverainistes, soient idoines.

« Nulle part on ne voit en effet que souffle quelque esprit ni européen ni français qui permette la résurrection de ce continent exténué. »

La remise en cause de l’euro dans sa forme actuelle est certes souhaitable. La création d’un protectionnisme intelligent l’est aussi. La surveillance des frontières l’est encore. Mais ce sont des rustines. Pour filer la métaphore, quand la roue du vélo crève, il est nécessaire d’en colmater les trous. Mais il est au moins aussi nécessaire de la regonfler ensuite, et l’on ne voit ce qui, notamment dans un Front national emphilippoté jusqu’à la moelle, ferait office de pompe.
Nulle part on ne voit en effet que souffle quelque esprit ni européen ni français qui permette la résurrection de ce continent exténué. Le national de ce front n’est pas celui de de Gaulle, ni celui de Barrès, pas même celui de Déroulède, il est seulement la transcription politique de ce sentiment corporate que vendent les nouveaux managers aux entreprises. La France, ni l’Europe ne sont seulement des familles ou des entreprises. Elles vivent de bien autre chose, mais quelque chose que les énarques n’ont jamais su quantifier parce que cela leur demeure impalpable. Et il ferait beau voir qu’au pays de Jeanne d’Arc, de Saint Louis et de Bonaparte, l’on laissât faire la politique par des technocrates.
Nous affirmons bien au contraire d’eux, et bien au contraire aussi des sociaux-démocrates de droite comme de gauche, le génie incomparable de l’Europe, cet universel singulier, là où ont été élaborées les plus grandes libérations de l’humain, depuis la Grèce jusqu’à la démocratie contemporaine en passant par Rome et Jérusalem, le Moyen-Âge et la Renaissance. Nous affirmons que nous savons d’où vient ce génie, c’est-à-dire du christianisme, et nous nous en vantons. Nous nous vantons de ne savoir nous en passer jamais. Pourquoi ? Parce qu’il n’y aura aucune définition de la dignité inaliénable de l’homme sans lui. Parce que c’est à cause de lui que nous nous interdirons toujours de jamais toucher un cheveu d’un pauvre, d’un enfant, d’un faible, d’un handicapé, d’un exclu. Ainsi, nous ne plaidons pas pour une Europe puissante ou riche. Nous plaidons pour une Europe libre et prospère, qui ne saurait exister sans se fondre dans cette écologie intégrale qui respecte enfin le rythme de la nature comme le rythme de l’homme, dans sa chair et son esprit.
Et avec ces seules armes, nous incendierons le monde moderne.
Jacques de Guillebon, pour le Cercle Charles Péguy

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