Courteline, l’auteur du Train de 8 heures 47, aurait rêvé d’une telle anecdote : vingt petits centimètres de largeur en trop pour quelques dizaines de millions d’euros d’argent jetés par les fenêtres. Avec sa plume acide de pourfendeur de « Messieurs les ronds-de-cuir », il aurait ridiculisé cette affaire d’empattement des trains et porté le fer là où son humour cruel fait mal : la bureaucratie, la concurrence bas de gamme entre services, les mesquineries de la vie de bureau qui font se monter les uns contre les autres des personnages de théâtre censés collaborer. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : de guéguerres picrocholines entre deux structures, la SNCF et Réseau ferré de France qui, du jour où elles ont été séparées, se sont déchirées. Sautant d’un conflit à l’autre, ces deux réserves de cerveaux bardés de diplômes,
tous ces polytechniciens, ces ingénieurs des Mines, des Ponts, des Travaux publics et autres représentants de l’énarchie ont fini par donner une belle leçon d’absurdité.
Bien entendu, personne ne songerait à reprocher à la SNCF ou à RFF de vouloir moderniser nos trains. Mais que les travaux se fassent à l’insu de leur plein gré est indéfendable.
Heureusement, le gouvernement n’a pas tardé à réagir. Et à brandir … une loi ! Oui, une loi, qui rassemblera bientôt ce que la loi avait séparé il y a une quinzaine d’années. Comme si alourdir les structures de la SNCF était une solution. Une fois de plus, le dogme du service public est passé par là : impossible d’envisager autre chose. Et surtout pas la privatisation des quais, des gares ou des structures commerciales de ce réseau tentaculaire. C’eût été trop d’audace de rendre simple et compétitif ce qui est compliqué et administratif. Courteline aurait certainement adoré en faire un chapitre supplémentaire de L’Ami des lois.Nicolas Beytout
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