Ses causes et ses conséquences
En France, l’antilibéralisme ne connaît pas les frontières politiques. Il est partout. De Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par Nicolas Sarkozy et François Hollande, tous les leaders politiques français ont critiqué (ou critiquent) le libre-échange, la mondialisation et le marché en affirmant qu’ils sont à l’origine de la crise économique. Ils continuent à proposer plus de réglementations et l’intervention de l’Etat. Cette obsession antilibérale est aussi celle d’une partie des médias qui ont repris les clichés économiques des politiques tandis que les Français tombent dans le piège de l’économiquement correct. Pour autant, l’antilibéralisme n’est pas un phénomène conjoncturel. C’est une attitude
constante en France.
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Le libéralisme ou la présomption de culpabilité
Pour de nombreux Français, le libéralisme est la cause de tous les maux de la planète et l’origine surtout de tous leurs malheurs. Les politiques l’ont très bien compris, car tous les candidats (une dizaine) aux élections présidentielles de 2012 ont fait campagne contre le libéralisme économique (pardon, il faut dire « ultralibéralisme »[1] ou « libéralisme sauvage »). C’est une position typiquement française que l’on ne rencontre pas chez nos partenaires européens, chez lesquels l’un des candidats au moins se déclare « libéral ».
Chez nous, augmenter les impôts et les dépenses sous-entend faire de la « politique sociale ». En France, le mot « social » est la clef de la réussite politique, alors que le mot « libéral » est tabou, car il risquerait de nuire à toute carrière politique. Durant les dernières années de sa présidence, Nicolas Sarkozy a tout fait pour que l’on n’accole pas cette étiquette à son image. « Je ne suis pas le président des riches », répétait-il à longueur de journée, en démontrant qu’il était favorable à une politique « sociale », mais pas « libérale ». Dans la France antilibérale, Sarkozy est resté comme le président libéral… Quelle méprise ! Parti avec de belles intentions pour réformer la France, Sarkozy n’aura finalement réalisé qu’une sorte de « pérestroïka » à la française, qui a échoué tout en décrédibilisant le libéralisme et ses réformes. Il était aussi peu attaché à la politique de Margaret Thatcher que ne l’est François Hollande à celle de Tony Blair.
L’antilibéralisme ne connaît pas les frontières politiques
L’antilibéralisme n’est pas un phénomène étudié, bien qu’il soit extrêmement répandu en France. Les antilibéraux se rassemblent en un pot-pourri complet (vous verrez, cher lecteur, la liste en est inépuisable…). Dans le monde politique, de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par la gauche, le centre et la droite, les idées antilibérales sont omniprésentes. Etre « libéral » est devenu le synonyme d’une accusation terrible et inexcusable, tandis que l’adjectif « libéral » est l’insulte suprême. Les économistes sont en France, à quelques exceptions près, des antilibéraux convaincus et ne s’en cachent pas. Et que dire des intellectuels, de gauche et de droite, en général, qui ont toujours fait de l’antilibéralisme leur principal cheval de bataille. Après avoir fait semblant d’oublier les inepties marxistes, nos « élites » ont décidé de se consacrer à la lutte contre l’« ultralibéralisme » et le « capitalisme sauvage ». La crise de 2008-2009 les ayant revigorés, nombreux sont ceux qui reviennent aux vieilles lunes de la lutte des classes et de l’exploitation des ouvriers.
L’antilibéralisme a bien nourri surtout le Front national, car avec son rejet de la mondialisation, c’est son principal fond de commerce aujourd’hui. Il n’existe aucun autre parti, dont le discours soit plus étatiste, plus antilibéral et plus antimondialiste que celui du FN. A l’inverse, ces dogmes n’occupent pas en priorité l’esprit des autres principaux partis populistes européens. Le PVV néerlandais dirigé par Geert Wilders est obsédé par exemple par la condamnation du Coran, mais sur l’un des murs de son bureau, il y a tout de même un portrait de Margaret Thatcher… Tandis que l’UKIP britannique, bien qu’anti-européenne, se prononce fermement en faveur d’une zone de libre-échange. Quant au Parti du Progrès en Norvège, il est entré au gouvernement et son chef en est devenu le ministre des Finances.
(…) Un autre paradoxe de cette obsession antilibérale française c’est que celle-ci perdure au moment où, partout ailleurs dans le monde, les idées libérales gagnent du terrain. Depuis la chute du communisme, en effet, la très grande majorité des Etats sur la planète a choisi son camp : celui de la démocratie libérale. En France, on continue à croire au mythe de la « dictature néolibérale » et l’on se méfie de la mondialisation qui « appauvrit » les pauvres et qui enrichit les riches. On exècre aussi le pouvoir imaginaire des multinationales, lesquelles seraient devenues plus puissantes que les Etats ; enfin, on se protège de la « main invisible » du marché (je n’ai jamais compris que l’on puisse accuser cette chose que l’on ne voit pas…). Mais pourquoi cette obsession !? Je tente de trouver la réponse dans cet essai.
Pourquoi tant de haine ou les sources de la « pathologie » antilibérale française
Dans un article publié par le Wall Street Journal, j’avais écrit que le meilleur remède pour soigner les banques françaises se trouvait, au contraire de ces méthodes, dans le fait de se détacher de l’Etat, en évitant la mainmise des énarques sur les conseils d’administration. Mon article déclencha alors l’ire des dirigeants de la BNP (des énarques et d’anciens hauts fonctionnaires) qui saisirent l’AMF (Autorité des marchés financiers). Deux ans après ma publication, pas la moindre nouvelle des enquêteurs très efficaces… de l’AMF, qui ne m’ont même pas interrogé ! Pourtant, deux jours après la parution de mon article, le Wall Street Journal publia un éditorial reflétant la position du journal, qui nous apprenait que les banques françaises sont bien à la recherche de dollars en s’interrogeant sur les compétences de l’Autorité des marchés financiers saisie par la BNP pour enquêter sur ce genre d’affaire… Qui plus est, bizarrement à cette époque, la rédaction du Wall Street Journal recevait un appel téléphonique provenant d’une « haute personnalité politique française », qui se disait « choquée » par l’article de M. Lecaussin, tendant à « nuire au prestige de la BNP et des banques françaises en général ». Simple coïncidence ? Dans mon article, je dénonçais justement la connivence entre les banques françaises et l’Etat !
L’ « interventionnisme » est une maladie chez nos décideurs
Mais qui avait pu se permettre d’appeler et d’invectiver la rédaction du Wall Street Journal ? Le Canard enchaîné a donné la réponse à ce mystère quelques semaines plus tard : c’était Xavier Musca, le secrétaire général de l’Elysée… Habitué aux pratiques françaises, il n’avait pas hésité à admonester l’équipe du Wall Street Journal pour ce qui lui apparaissait comme une faute professionnelle. C’était comme si le directeur de cabinet de la Maison Blanche appelait à propos d’un article sur la Bank of America. Aux Etats-Unis, il aurait été obligé de démissionner… En France, où les hommes politiques s’invitent dans les médias, ces méthodes d’apparatchiks sont monnaie courante.
Malheureusement, contrairement aux hommes politiques des autres pays, nos élus et décideurs politiques vivent surtout de l’argent public : la plupart d’entre eux sont fonctionnaires. De plus, notre Education nationale est phagocytée par des syndicats marxistes et des enseignants de gauche. Un sondage réalisé en novembre 2013 par OpinionWay auprès des enseignants du second degré démontre à quel point ceux-ci méconnaissent ou rejettent l’entreprise. Pour 90 % d’entre eux, le premier synonyme qui leur vient à l’esprit lorsque l’on parle de l’entreprise, c’est le mot « stress » ! Pour 62 % d’entre eux c’est le mot « exploitation » !
L’Education nationale et les manuels d’économie contre les libertés économiques et l’entreprise
Les manuels d’économie aussi reflètent cette obsession antilibérale. Parmi les sujets proposés aux épreuves du baccalauréat 2013 figurait la question : « Que devons-nous à l’Etat ? » et « Le conflit social est un facteur de cohésion sociale » (sic). En France, on s’attaque aux riches[2] et aux chefs d’entreprise… Il est remarquable d’observer que dans les manuels d’économie des classes de première et de terminale, on ne voit aucun portrait d’entrepreneur français ! Alors qu’ailleurs, on les présente comme des exemples à suivre.
On dit d’un individu autiste qu’il est coupé du monde, qu’il refuse les contacts avec l’extérieur. Les troubles manifestés par les autistes se caractérisent la plupart du temps par un mode de communication difficile, en même temps que des réactions apathiques et répétitives. Les mêmes symptômes se retrouvent chez les dirigeants de la France, en particulier ceux qui conçoivent la politique économique et fiscale du pays. Tout en tenant un discours d’un autre âge, ils adoptent des mesures complètement déconnectées des réalités : ils sont ailleurs Bien que ne saisissant rien des réalités économiques d’aujourd’hui, ils s’obstinent néanmoins à nous donner des leçons. Ils enfoncent la France, mais ne se rendent pas compte de la catastrophe qu’ils engendrent. Ils sont complètement inconscients. Aveuglés en effet par leur idéologie, ils veulent nous imposer des remèdes d’un autre temps. Immergés dans leur doxa du « social » et dans leur doctrine de la lutte des classes, ils écoutent les inepties de Rifkin sur la fin du travail, ou de Stiglitz et de Stéphane Hessel sur les « ravages du libéralisme ». Ils ont besoin de victimes et de souffrance pour distiller leurs potions étatistes. Qu’ils soient de droite ou de gauche.
Intellectuels, hauts fonctionnaires, politiques : l’antilibéralisme jusqu’à la moelle
Mais qui sont ceux qui condamnent la France à cette tragédie économique ? Un mot suffit pour y répondre : dans l’Assemblée nationale de 2012, presque deux députés PS sur trois sont fonctionnaires… tandis que, parallèlement, ils ne sont que cinq chefs d’entreprises ! Il est vrai que les socialistes ont obtenu la majorité absolue en 2012 mais si l’on tient compte d’une abstention très forte, on ne peut pas dire qu’il y ait eu une vague rose… En revanche, ce qui est évident, c’est que les fonctionnaires entrent en masse à l’Assemblée. C’est un mauvais signe pour l‘avenir politique, économique et fiscal de notre pays, même si les décisions importantes ne sont pas prises au Palais Bourbon. Il n’en reste pas moins vrai que les députés sont les élus du peuple et dans une démocratie, normale, ils devraient jouer un rôle important, surtout dans le contrôle des finances de l’Etat. Ainsi donc, les députés de la nouvelle Assemblée sont en grande majorité des fonctionnaires ou des parlementaires qui dépendent directement, ou indirectement, de l’Etat. Il est donc difficile de leur demander d’instaurer plus de réformes et d’appuyer la baisse des dépenses publiques. Malheureusement, on retrouve la même situation pour ce qui est des ministres, où un seul est issu du secteur privé. Leurs conseillers, tous membres des cabinets ministériels, ne sont pas issus non plus de l’entreprise privée.
En Grande-Bretagne, sur 621 élus (« Members of the Parliament »), 25,1 % sont des chefs d’entreprise et 13.5 % sont des cadres du privé. Seulement 9 % proviennent du secteur public (fonctionnaires, enseignants, employés, etc...). Il faut préciser une chose importante : le candidat à la Chambre des Communes, qui travaille dans le secteur public, est obligé de démissionner de son administration au moment de déclarer sa candidature avant même les élections ! Au total, pas moins de 218 professions différentes sont représentées à la Chambre des Communes, contre seulement 39 professions différentes à l’Assemblée nationale.
En Suède, 33 % des élus de l’Assemblée (349 membres) peuvent être considérés comme des fonctionnaires et 12 % comme des chefs d’entreprise. Toutefois, environ 80 % des fonctionnaires suédois sont des contractuels (ils sont embauchés comme dans une entreprise avec des contrats de droit privé). On peut donc difficilement les comparer aux fonctionnaires français…
Aux Etats-Unis, la profession la plus répandue chez les membres de la Chambre des représentants est celle d’entrepreneur. Sur 435 membres, environ 184 (43 %) sont chefs d’entreprise. Au Sénat, 28 sénateurs sur 100 proviennent du monde entrepreneurial. Notons aussi que chez les sénateurs, la profession la plus répandue est celle d’avocat. Environ 172 représentants (39 %) et 36 sénateurs (36 %) peuvent être rattachés au secteur public et à celui de la politique (les données sont mélangées au Congrès américain, ce qui fausse un peu les chiffres car les politiques américains sont financés surtout par des dons privés).
La profession la mieux représentée au Parlement du Canada (doté de 308 députés et de 105 sénateurs) est celle… « d’homme (ou de femme) d’affaires ». Ils (elles) sont 59 (soit 20 %) à la Chambre des communes, suivis par les avocats, au nombre de 47, les experts-conseil au nombre de 37, les enseignants au nombre de 31, etc. Au Sénat, les hommes ou les femmes d’affaires sont au nombre de 22 (soit 21 % du total), suivis par 19 avocats, et 13 enseignants etc.
Au vu de ces comparaisons chiffrées, il n’est pas étonnant de constater que l’appareil législatif de la France est naturellement porté à prendre des mesures étatistes. Il faudrait instaurer chez les élus français une obligation de temps de présence dans l’entreprise privée ; l’économie française s’en porterait mieux !
En 2013, 150 000 personnes environ travaillaient pour le ministère de l’Economie et des Finances en France (pour une population d’environ 65 millions de personnes), 148 000 employés seulement travaillaient pour le Trésor Américain et le Département du commerce (pour une population d’environ 315 millions de personnes). Le nombre de fonctionnaires à occuper des fonctions similaires est donc très proche, mais pour une population en France presque cinq fois plus réduite ! Même si la comparaison est rendue difficile pour cause de systèmes politiques différents (pays fédéral aux Etats-Unis contre système centralisé en France), on retiendra que le nombre de fonctionnaires est le même du côté américain pour gérer un budget (de dépenses) de 2,449 trillions de dollars, alors que celles-ci se montent en France à 1,353 trillions de dollars !
Alors qu’aux Etats-Unis, 61,3 % de l’élite administrative en charge de l’économie et des finances ont déjà travaillé dans le secteur privé, ils ne sont que 24,6 % à Bercy ! Ce sont les conclusions d’une Etude que l’IREF a publiée en décembre 2013. Ce qui montre qu’au sein même de l’administration fiscale, là où l’on décide des impôts des ménages et des entreprises, ceux qui connaissent le fonctionnement de l’entreprise sont extrêmement minoritaires. Comment peuvent-ils savoir ce qui est bon, ou non, du point de vue réglementaire ou fiscal pour les entreprises !?
Daniel Cohn-Bendit, coprésident du groupe des Verts au Parlement européen et Pierre Moscovici, ancien ministre des Finances, se prononcent tous deux (dans le Journal du Dimanche du 23 juin, et Les Echos du 21 juin 2013) pour plus d’interventionnisme économique au sein de la communauté européenne pour le premier, et plus d’interventionnisme à l’intérieur des Etats pour le second.
Xavier Bertrand, ancien ministre (de la Santé et du Travail) et député UMP, dénonce dans Le Figaro (du 27 juin 2013), le Traité de libre-échange transatlantique et le qualifie de « piège pour l’Europe et pour la France ». Il faudrait, dit-il « une ambition normative et régulatrice avant de le signer », sinon il deviendra « une menace pour nos industries et nos modèles socioculturels ». Le président de l’Assemblée nationale, le socialiste Claude Bartolone, a, lui aussi, identifié les vraies causes de la crise économique en France et en Europe. Dans une interview accordée au quotidien Le Parisien (26 juin), il affirme que le président de la Commission européenne, M. Barroso, représente une « erreur de casting ». Il « n’a rien compris au film » (sic !). En fin de mandat, celui-ci est décomplexé : chassez le naturel et son libéralisme revient au galop ! Mais, surtout, Barroso incarne une Europe qui ne correspond plus au monde actuel. C’est l’Europe du XXe siècle, celle de la libre circulation des marchandises et des capitaux, de la marche forcée vers l’austérité. Barroso, ce n’est pas l’Europe du XXIe siècle, plus protectrice, plus préoccupée par la croissance et l’emploi ». Il est vrai que depuis « qu’elle plus protectrice et plus préoccupée par la croissance et l’emploi », l’Europe ne cesse de s’enfoncer dans la crise économique et le chômage de masse…
Lorsque Florian Philippot, porte-parole et stratège de la communication du Front national apparait face au député socialiste Jérôme Guedj, dans l’émission Le Grand Journal (du 24 juin 2013) sur Canal +, on comprend parfaitement pourquoi les idées antilibérales ont du succès en France.
Ce face à face a été organisé après l’élection législative partielle de la circonscription de Jérôme Cahuzac, où le candidat de l’UMP l’avait emporté au deuxième tour face au candidat du FN, alors que celui du PS avait été éliminé dès le premier tour. Les deux hauts fonctionnaires (les deux sont énarques) se retrouvent de fait en plein accord :
la France est victime de la mondialisation et de la désindustrialisation, elle a besoin de plus d’interventionnisme.
la France est victime de la mondialisation et de la désindustrialisation, elle a besoin de plus d’interventionnisme.
Florian Philippot fustige cette Europe « ultralibérale », qui n’agit pas dans l’intérêt des peuples. C’est ce que venait de dire la veille Arnaud Montebourg, ministre du gouvernement socialiste, à propos de M. Barroso qui critique une France fermée et son discours d’un autre âge. En réagissant aux déclarations de M. Barroso à propos des positions françaises, Marine le Pen ne fait que confirmer ce que l’on savait : « Le problème n’est pas Barroso mais la politique ultralibérale et européiste du gouvernement ».
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