C’est une rumeur, c’est une tentation : le gouvernement envisage d’amputer d’une poignée de milliards d’euros le budget de la défense, de manière à faire participer nos armées à ce qu’on pourrait appeler l’effort de guerre contre la dépense publique. Un milliard ou deux, cela semble peu de chose. Pourtant, si elle était avérée, cette hypothèse serait à la fois peu surprenante et vraiment consternante. Prévisible parce que, les contraintes de finances publiques ayant désormais changé, on imagine volontiers que ces budgets militaires ont pris un petit aspect cagnotte, très tentant pour les coupeurs de lignes de Bercy. Et prévisible aussi parce que François Hollande n’en serait pas à sa première promesse non tenue.
Il n’empêche, on a beau savoir que les lois de programmation triennale ne servent souvent qu’à être contournées, cette perspective est inquiétante. Dans un pays écrasé par sa dette,
incapable de réduire la dépense publique tout en se rengorgeant de parvenir à en enrayer la hausse, le gouvernement ferait alors le choix de la facilité : au lieu de s’attaquer au poids de l’Etat, à ses effectifs et à ses missions, il toucherait aux éléments structurants de notre indépendance. Pire, les déficits restant abyssaux pour de longues années encore, on peut craindre que d’autres coupes viendront miter un peu plus notre dispositif de sécurité. Jusqu’à affecter, pourquoi pas, le cœur de la dissuasion nucléaire.
Toucher à ces budgets au nom de l’impératif de finances publiques, c’est faire la preuve concrète que la dette menace notre souveraineté. C’est aussi avouer notre incapacité, affligeante à dix jours des élections européennes, à répondre par l’Europe à un problème qui dépasse dorénavant nos capacités de nation.
Nicolas Beytout
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