Luc Ferry est philosophe et ancien ministre de l'Education nationale.
La nomination de Mme Vallaud-Belkacem à la tête du Ministère de l'Education n'en finit pas de faire des vagues. Contre ce qu'ils appellent la «théorie du genre», certains affirment que si les femmes sont l'égal des hommes, elles ne sont pas pour autant identiques à eux. Et réciproquement. Par delà leur caractère problématique (il n'existe à proprement parler aucune «théorie du genre»), ces polémiques recouvrent deux débats de fond qui méritent l'attention. Le premier s'est cristallisé autour de la question de la discrimination positive au moment de la loi du 6 juin 2000 sur la parité: était il, oui ou non, contraire aux principes fondamentaux de la république d'introduire au niveau législatif une «affirmativ action», une politique de quotas, fût elle limitée aux candidatures à des fonctions électives? Le second débat ne touche pas à l'égalité, mais à l'identité: y a t il entre hommes et femmes des clivages si profondément inscrits dans la biologie qu'on puisse parler de valeurs et de comportements essentiellement différents?
Les deux questions, bien sûr, s'entrecroisent. Elles n'en sont pas moins distinctes, de sorte qu'il est bon d'en préciser séparément les enjeux. Depuis les années cinquante, en effet, deux grands courants du féminisme ne cessent de s'opposer quant aux notions d'égalité et d'identité. Le premier, longtemps dominant en France (et moins présent aux Etats-Unis), s'est exprimé au mieux dans les travaux de Simone de Beauvoir et d'Elisabeth Badinter. Républicain et universaliste, il est hostile aux politiques de quotas autant qu'à la biologisation de la politique. Contre la discriminaiton positive, il élève deux objections fortes. La première consiste à faire valoir que la grandeur de l'idée républicaine réside dans l'affirmation de l'unité fondamentale de l'espèce humaine, dans le souci d'accorder une égale dignité aux êtres humains en général «sans distinction de race ni de sexe», indépendamment donc, de toute appartenance à une communauté, fût elle la plus cardinale entre toutes. La seconde objection touche moins aux principes qu'aux effets pervers inévitables de «l'affirmativ action» dans la réalité: y recourir serait prendre le risque de voir apparaître des «femmes-quotas» désormais suspectes de devoir leur ascension davantage à des mesures impératives qu'au mérite personnel. Du point de vue du droit et de la loi, donc, ce féminisme là tient que «la femme est un homme comme les autres».
Retrouvez l'integralité de la chronique de Luc Ferry ici ou dans Le Figaro du 18 septembre
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